MONTRÉAL - Il y a un an jour pour jour, Alexander Fox captait sept passes pour 256 verges à son dernier match de saison régulière avec les Gaiters de l’Université Bishop’s.  

Celui qui lui lançait le ballon, Jordan Heather, réalisait le record du Sport interuniversitaire canadien (SIC) pour le plus de verges par la passe en une saison en terminant la campagne avec 3132 verges.

L’année 2013 a confirmé la complicité développée entre Heather et Fox au cours des quatre saisons où ils ont évolué en mauve à Lennoxville. Mais elle a aussi permis de démontrer le grand talent d’Alexander Fox comme receveur de passe alors qu’il a dominé ses confrères canadiens dans la plupart des catégories.

Alexander FoxLe Montréalais de 25 ans a été repêché en cinquième ronde par les Lions de la Colombie-Britannique en mai dernier. Son camp d’entraînement a toutefois pris fin abruptement lorsqu’il a subi une blessure.

A-t-il mis une croix sur ses plans de jouer au niveau professionnel? Pas encore. A-t-il perdu la confiance absolue en ses moyens qui l’a toujours caractérisé? Pas du tout. Mais il est conscient de l’aspect business de la Ligue canadienne de football.

« Il y a une question de chiffres dans la LCF. Les équipes ont déjà leur alignement en début d’année et c’est difficile pour eux d’aller chercher d’autres joueurs. Ce n’est pas la ligue qui dépense le plus. Ça fait partie de la game », a lancé le seul receveur du SIC à terminer avec plus de 1000 verges (1009) en 2013.

« C’est sûr que c’est dur. Je vois des joueurs que je sais que mon potentiel est beaucoup plus élevé que le leur. Je vois des joueurs en défensive que j’ai mis dans ma poche. Je n’ai pas mis une croix sur ma carrière de joueur. Je pense que gagner la Coupe Grey et réaliser le jeu du match, ça va peut-être arriver un jour », a ajouté Fox avec cette assurance qui lui est propre.

En attendant, ce passionné du football n’a pas voulu s’éloigner des terrains. À son retour au Québec, il a accepté le poste d’entraîneur des receveurs avec les Indiens du Collège d’Ahuntsic dans la division 3 et avec l’école secondaire Dalbé-Viau à Lachine.

« Il y a 10 ans, je me disais déjà qu’il n’y avait aucun doute que je deviendrais entraîneur lorsque je finirais ma carrière de joueur. Mon but en tant qu’entraîneur est d’apporter le meilleur que je peux pour eux. Mon apprentissage se poursuit aussi. [...] Dalbé-Viau m’a approché au même moment qu’Ahuntsic. Je n’ai pas pris de temps à prendre une décision », a affirmé celui qui détient la majorité des records pour un receveur dans l’histoire des Gaiters.

L’envie de jouer

La transition entre la carrière de joueur et d’entraîneur ne se fait pas toujours en claquant des doigts.

Fox se compte chanceux d’être tombé sur des groupes de receveurs talentueux et avec une bonne attitude. Mais il ressent encore l’envie de s’aligner sur les traits hachurés lorsque viennent les jours de match.

Alexander Fox« La transition est dure, mais elle est plaisante en même temps. Avant les matchs, demandez à n’importe quel joueur, ils le voient que ça me tente d’être sur le terrain. J’aimerais ça être là avec eux. Même si je suis leur entraîneur, je les vois comme si c’était tous des frères, de la même manière que lorsque je jouais », a-t-il mentionné dans une entrevue réalisée en compagnie de ses receveurs après l’un des derniers entraînements des Indiens.

Sachant depuis longtemps qu’il voulait exercer ce métier, l’ancien porte-couleurs des Gaiters travaille depuis un moment à forger son identité d’entraîneur.

Il n’était pas question de laisser tomber son attitude confiante – un brin arrogante diront certains – qu’il a toujours affiché lorsque c’était lui qui réalisait les attrapés.

« Ça fait 10 ans que je regarde chacun de mes entraîneurs et que je les étudie. Je me demandais quel entraîneur je voulais devenir. J’ai essayé de développer une philosophie avant même d’en devenir un. J’essaie de garder ma mentalité de joueur. Certains joueurs trouvent cela plus difficile parce que je vais être un peu "baveux" », a-t-il admis en se tournant tout sourire vers ses protégés.

Mais la grande question : est-ce que les joueurs ont apprécié le travail de leur entraîneur recrue?

« C’est le meilleur », a mentionné l’un d’entre eux avant que Fox ne lui demande de dire la vérité et que les receveurs réitèrent ce que leur coéquipier venait de déclarer.

« Je pense qu’il nous a appris justement que ce n’est pas parce qu’on est en troisième division qu’on ne peut pas aller où l’on veut. Si tu fais ce que tu as à faire sur le terrain, tu vas te faire remarquer », a surenchéri un autre ailier espacé.

Transmettre son savoir

Alexander Fox est un exemple parfait expliquant la qualité des joueurs de football québécois. Il a bénéficié des conseils de Kevin Mackey à Bishop’s et d’Alain Blondeau avec les Lynx du Collège Édouard-Montpetit pour devenir un receveur parmi l’élite du circuit universitaire canadien.

Ayant maintenant un coffre à outils bien rempli et un bagage d’expériences, Fox est prêt à redonner à la prochaine génération.

« Peut-être qu’il y en a un là-dedans qui dans quatre ou cinq ans va battre mes records universitaires. Ce serait quelque chose qui me rendrait extrêmement fier. Peut-être même autant que lorsque je les ai battus moi-même. Mon premier mandat, c’est de leur donner les outils pour réussir dans la vie. Je pense que c’est le plus important. Le deuxième, c’est de les rendre des joueurs universitaires », estime Fox, qui verra deux de ses receveurs évolués au sein d’une équipe universitaire du Québec l’an prochain.

Si Fox peut se permettre de croire qu’un de ses protégés des Indiens battra un jour ses exploits, c’est que la compétition est beaucoup plus relevée qu’il y a à peine cinq ans.

« Lorsque je jouais collégial dans la division 1, notre groupe de receveurs n’arrivait pas à la cheville du groupe ici. On ne travaillait pas la moitié de ce qu’ils travaillent. On ne comprenait pas l’importance de ce sport. On jouait parce qu’on aimait ça, mais je ne pense pas qu’on se donnait autant qu’eux », a analysé celui qui a cumulé 2551 verges en 159 réceptions durant sa carrière à l’Université Bishop’s.

La saison des Indiens du Collège d’Ahuntsic a pris fin samedi soir avec une défaite face aux Triades du Cégep Lanaudière. Il n’y aura pas d’éliminatoires cette saison, mais les leçons ont été bien saisies par les joueurs pour recommencer à neuf l’an prochain avec les yeux rivés sur le Bol d’Or.

Du côté de Fox, il continuera de garder la forme dans l’espoir d’avoir une autre chance de prouver qu’il peut jouer dans la LCF. Mais sa situation actuelle lui convient bien.

« Avec le Collège d’Ahuntsic, ça pourrait devenir une histoire de famille à long terme. On va voir où la vie nous mènera. »