Avant-match Colts c. Browns

Certains d'entre vous seront peut-être étonnés du match sur lequel j'ai arrêté mon choix pour la chronique NFL de cette semaine!

J'aimerais décortiquer aujourd'hui l'affrontement opposant les Colts d'Indianapolis et les Browns Cleveland. Oui, oui, vous avez bien lu. Les Colts contre les Browns!

La raison principale qui a guidé mon choix, c'est qu'on sera en présence de deux des meilleures lignes à l'attaque dans le football américain. Soudainement, ça va sembler un choix beaucoup moins suprenant pour ceux qui m'ont connu du temps où j'étais joueur et où j'évoluais à cette position. Encore à ce jour, j'ai encore un fort penchant à surveiller ce qui se passe dans les tranchées avant toute autre partie du terrain. C'est souvent un bon indice du type d'affrontement auquel on aura droit.

Si l'on veut réduire cela à sa plus simple expression, lorsqu'on voit une ligne offensive avancer, c'est une course qui a été appelée. Lorsqu'on la voit reculer, c'est plutôt un jeu aérien qu'on veut déployer. 

Le « nerd » de football en moi adore analyser le travail de cette unité qui influence tellement le succès ou le manque de succès d'une équipe.

En tant qu'ancien garde à gauche, je regarderai encore plus attentivement Quenton Nelson, des Colts, et Joel Bitonio, des Browns. Et cette confrontation de garde à gauche, pour moi, c'est le « party »! On a là deux des meilleurs joueurs du circuit Goodell à leur position au point de vue statistique.

Pendant longtemps, les statistiques permettant d'évaluer les prestations d'une ligne à l'attaque n'avaient rien de bien élaboré. On déduisait qu'une ligne protégeait bien son quart lorsque celui-ci n'avait pas été victime d'un seul sac.

Mais à l'heure des statistiques avancées, cette époque est révolue. On a trouvé des façons de calculer l'efficacité non seulement d'une ligne dans une foule de catégories, mais aussi l'efficacité individuelle des membres qui la composent. Les chiffres permettent de déterminer le pourcentage de « victoires » d'une ligne offensive contre le front défensif qui lui est opposé.

Lorsqu'on regarde le rendement global des Colts après quatre rencontres, ils viennent au 9e rang collectivement quant à l'efficacité de la ligne dans le jeu au sol, et 9e aussi dans l'efficacité de la ligne pour le jeu aérien. Les Browns font encore mieux, avec le 2e rang sur 32 équipes pour le jeu au sol, et le 3e pour le jeu aérien.

Et si on se concentre sur les deux gardes à gauche, qu'est-ce que ça dit? Nelson est 3e tant pour la course que le jeu de passe, et Bitonio est 2e pour la course et 1er pour la passe.

Qu'est-ce qui détermine au juste ce qu'est une « victoire » de la ligne offensive dans une situation donnée?

Lorsqu'on parle du travail d'un quart-arrière par exemple, on dit généralement     que le standard est 2,5 secondes une fois le ballon dans ses mains.  Ainsi, on cherche à connaître si le joueur de ligne offensive a réussi à tenir son bloc pendant 2,5 secondes ou plus pour déterminer s'il a remporté sa bataille ou non en protection du quart. C'est de cette façon que c'est calculé, et vous conviendrez que c'est plutôt simple.

Dans le jeu au sol, c'est un peu plus complexe cependant. Pour déterminer s'il y a victoire ou non, on cherche dans un premier temps à savoir si le joueur de ligne offensive a réussi à sortir du jeu son rival. Le joueur défensif a-t-il réussi à effectuer le plaqué à une distance inférieure ou supérieuse à trois verges de la ligne d'engagement? Le joueur défensif a-t-il repoussé le joueur de ligne offensive derrière cette même ligne d'engagement? Le joueur défensif a-t-il réussi à faire dévier de son corridor de course le porteur de ballon? C'est avec ces variables un peu plus spécifiques qu'on détermine qui a eu gain de cause sur un jeu spécifique.

Je trouve ça intéressant car on affirme depuis si longtemps que la ligne offensive revêt une importance capitale malgré qu'ils soient des « travailleurs de l'ombre ».

C'est bien de pouvoir désormais identifier de manière tangible et statistique ce qui explique qu'une unité ou un individu performe mieux que d'autres. À l'interne, évidemment que tout était déjà passé au peigne fin. Les joueurs reçoivent un bulletin détaillé par rapport à leur performance après chaque match. Mais pour le grand public, l'accès à ces sources d'informations, c'est tout nouveau. 

Évidemment, derrière cette efficacité, il restera des facteurs qui sont plus ou moins perceptibles à l'oeil nu de l'observateur. La qualité du coaching et de la présentation en est un, tout comme la cohésion qui existe entre les différents membres de l'unité. La communciation est importante pour tout groupe évoluant à une même position dans une équipe de football, mais je crois que pour une ligne à l'attaque, la cohésion est encore plus essentielle.

D'autres facteurs comme la sélection de jeux (le bon « timing », l'équilibre dans les choix), la capacité du quart-arrière à dégainer rapidement, la capacité du porteur de ballon à éviter le premier plaqué sont tous des variables qui influencent aussi directement le rendement d'une ligne offensive.

Lorsqu'on regarde qui est no 1 et no 2 dans la NFL pour la protection du quart actuellement, on s'aperçoit que ce sont les Packers de Green Bay et les Saints de La
Nouvelle-Orléans. Est-ce un hasard que ces deux lignes offensives protègent Aaron Rodgers et Drew Brees, des quarts qui lancent le ballon avant que la pression n'ait une chance de se rendre? Absolument pas! 

Personne n'a un talent inné pour bloquer

Le talent pour bloquer au football, c'est quelque chose qui se développe et se perfectionne sur plusieurs années. Techniquement, je vous assure que personne n'est né en voulant être bloqueur au football. Je fais souvent la blague qu'aucun enfant à Noël n'a hâte de recevoir un ballon de football pour se pratiquer à protéger le quart-arrière.
 
Ce sont des milliers d'heures d'étude et des répétitions sur un paquet de détails comme le positionnement des mains, des pieds et de la tête, l'alignement par rapport à ce que présente comme défi le joueur rival, etc. En plus d'une panoplie de boîtes à cocher au niveau technique, il faut aussi être prêt à tout moment pour ce que le joueur défensif qui nous est opposé aura à proposer.

Ira-t-il pour la « charge du taureau », la « technique du nageur » ou « la technique du boxeur »? Ira-t-il même pour le « pousse et tire », cette manoeuvre inspirée du judo? Il faut être dans la position la plus neutre possible pour contrecarrer toutes ces possibilités.

Bref, comme je me plais à le dire, au-delà du gabarit imposant d'un joueur de ligne à l'attaque, il lui faut aussi le jeu de pieds d'une ballerine, l'équilibre d'un judoka et les mains d'un boxeur. Tout un contrat, je vous dis!

Tout cela pour dire que j'ai bien hâte de voir ces deux lignes à l'attaque à l'oeuvre ce dimanche. Avec tous les types de blocage qu'on pratique chez les Browns, ça doit être assez stimulant d'être un membre de cette unité. On y met le paquet à Cleveland : des blocs en puissance, des blocs-pièges, des blocs à contre-courant, des blocs en duos, des blocs en balayage (de zone vers l'intérieur et de zone vers l'extérieur). Ça n'arrête jamais, donc ça prend un groupe d'athlètes à la fois physiques et athlétiques. D'ailleurs, ce sont des qualités que partagent les lignes des Browns et des Colts.

Je serai curieux de voir qui aura le dessus parce qu'on parle ici de deux formations ayant remporté leurs trois plus récents matchs. Vous savez à quel point les observateurs ont tendance à réagir un peu vite après une prestation en-deça des attentes lors de la semaine no 1? Eh bien, on a ici deux clubs qui ont débuté l'année avec un énorme faux-pas - les Browns se sont fait écraser par les Ravens et les Colts ont été surpris par les Jaguars. Depuis, ils ont présenté du football très impressionnant.

À voir si ça se poursuivra pour une 4e semaine de suite.

* propos recueillis par Maxime Desroches