Depuis plusieurs années déjà, je propose l'opinion selon laquelle les entraîneurs dans le football professionnel ont la plus grande incidence sur les résultats de l'équipe qu'ils dirigent.

Évidemment, vous aurez compris que je prêche pour ma paroisse, et je suis conscient de ne pas connaître toutes les réalités des autres disciplines. Mais j'ai toujours cru que les personnels d'instructeurs dans le football ont un impact colossal sur ce qui se passe sur le terrain. On apprécie les jeux réalisés par les joueurs, que ce soit des attrapés spectaculaires, des courses renversantes, des plaqués tout en puissance ou des sacs du quart à couper le souffle. Mais le travail des entraîneurs, il ne faut pas le sous-estimer.

S'il y a des leçons récentes à tirer de ce que je tente d'illustrer, on n'a qu'à se pencher sur les finales d'association dans la NFL, disputées dimanche dernier. Les sélections de jeux, la préparation, les plans de match, les ajustements à la demie, les décisions prises dans les dernières minutes d'un match serré... Le coaching, ça compte, je vous dis! Il ne faut pas négliger ça.

Comme je disais, pas besoin d'aller bien loin. Si on regarde du côté des Packers de Green Bay, je ne suis pas certain que le coordonnateur défensif devrait encore avoir son emploi après le première demie lamentable qu'a connu son groupe. D'avoir choisi la couverture homme à homme, sans filet de sécurité, c'est de placer son joueur dans une position vulnérable. En même temps, le demi de coin en question doit être conscient que le pire scénario imaginable est de se faire battre sur un tracé dans les zones profondes. Mais ça reste l'entraîneur qui met son joueur dans une position inconfortable avec cette stratégie.

En fin de match, Matt LaFleur y est allé pour un botté de placement, prenant l'énorme pari que sa défense alllait stopper l'attaque des Bucs une dernière fois. Il a retiré le ballon des mains de son quart vedette Aaron Rodgers et choisi de le remettre à Tom Brady, qui a trouvé la manière d'écouler les dernières minutes de l'affrontement comme il l'avait fait la semaine précédente contre les Saints de La Nouvelle-Orléans.

Je comprends la place que prend l'analyse des pourcentages et des probabilités, mais à un moment donné, tu dois être capable d'isoler le contexte précis dans lequel tu te retrouves. C'est bien beau les statistiques avancées et leur application dans plein de phases du jeu, mais n'oublie pas qui tu as devant toi.
Il en est de même pour les Bills de Buffalo, qui ont opté pour un botté de précision après l'autre contre une équipe capable de manufacturer des verges et des touchés presque sur commande. Tu ne bats pas les Chiefs à coups de trois points, et en étant conservateur. Sean McDermott l'a été, et ça n'a pas servi la cause de son équipe, loin de là. 

Combien de fois a-t-on constaté dans le match face aux Chiefs que la ligne offensive des Bills n'avait pas les solutions à la pression exercée par le front défensif adverse? Non seulement le plan de match faisait défaut, mais les ajustements en plein match ne sont jamais arrivés non plus.

Une expression populaire dans le football est : « Montre-moi un bon joueur et je te montrerai un bon entraîneur ». J'irai encore plus loin : « Montre-moi de bons joueurs et de bons entraîneurs, et je te montrerai une équipe championne ».

Évidemment, c'est souhaitable d'être bon pendant 60 minutes dans un match de football. Mais il y a toujours des moments qui ont une plus grande incidence que d'autres sur le dénouement de la partie. Le fameux football de situation! Ç'a été évident à voir durant le match entre les Bucs et les Packers. Tampa a commencé le match avec un touché, puis a terminé la première moitié avec une interception aux dépens de Rodgers, suivi par un quatrième essai converti et un touché de Scotty Miller sur le dernier jeu de la demie. 

Puis ensuite, la troupe de Bruce Arians est revenue en force des vestiaires avec un revirement converti en touché tôt dans la demie. Dans le jargon du football, les entraîneurs parlent du Double Whammy; ce sont les quatre dernières minutes de la première mi-temps et les quatre premières minutes de la seconde. À ce niveau-là, les Bucs ont été étourdissants dimanche dernier, tandis que Green Bay subissait. Ces huit de minutes de jeu ont vu le score passer de 14-10 à 28-10. Le match s'est gagné là pour les visiteurs, qui malgré le fait qu'ils n'ont ajouté que trois points par la suite s'étaient positionnés pour l'emporter.

Près de la zone des buts, l'attaque des Packers a été anémique. Six jeux déployés à l'intérieur de la ligne de 10, et pas le moindre touché obtenu dans ces circonstances. On se contentait plutôt de bottés de placement de Mason Crosby. 

Les instants qui suivent un revirement, ce sont là aussi des exemples de football de situation. Lorsqu'ils ont réalisé leurs deux revirements, les Bucs en ont profité pour aller inscrire deux touchés. Les Packers, eux, ont provoqué trois revirements et ont réussi à extraire seulement trois points de ceux-ci. La défense des Bucs a été incroyable après ces changements de possession soudains. Si je regarde ce qu'elle a fait après les deux dernières interceptions lancées par Brady : la première fois, elle a forcé les Packers à cinq verges de pertes de terrain sur trois jeux, le tout suivi d'un dégagement, et la deuxième fois, ç'a été trois jeux, aucune verge récoltée, et un autre dégagement.

Finalement, les quatre dernières minutes d'un match serré sont évidemment des plus cruciales lorsqu'il est question de football de situation. L'attaque des Bucs dans ce contexte a été sublime au Lambeau Field pour protéger l'avance de 31-26 et écouler le temps restant au cadran, comme elle l'avait fait au match précédent.

Reid est dangereux avec une semaine additionnelle

On sait que les Chiefs et les Buccaneers disposent maintenant de deux semaines complètes pour perfectionner leur préparation en vue du rendez-vous ultime. Ça me dit qu'Andy Reid va s'en régaler, lui qui historiquement a toujours dirigé des équipes qui connaissent du succès au retour d'une semaine de congé.

Bien entendu, on aura le loisir d'entrer dans le vif du sujet avec une analyse approfondie des confrontations qui seront au menu. Mais pour l'instant, limitons-nous à dire que nous serons en présence de la meilleure attaque aérienne contre la deuxième meilleure défense contre la passe. La manière simplifiée de déduire qui remportera ce match, c'est en déterminant qui arrivera à mieux protéger le quart et qui arriverra à mieux le chasser.

Les Chiefs et les Bucs se sont affrontés lors de la semaine 12, et Kansas City l'avait emporté 27-24. Même si le pointage laissait croire à un match serré, ça n'avait pas réellement été le cas, et Tampa a sûrement tiré des leçons de sa défaite. Chose certaine, Arians a dû s'apercevoir qu'il ne faut pas s'entêter à utiliser une couverture homme à homme contre une attaque qui mise sur Tyreek Hill. Ça avait été très difficile, c'est le moins qu'on puisse dire.

Lorsqu'on se penche sur les trois victoires éliminatoires des Bucs, il y a des éléments qui reviennent d'un match à l'autre. Je pense ici aux points marqués à la suite de revirements, et aux jeux explosifs en attaque.

Pour mettre le tout en perspective, sachez que la défense hyper opportuniste de Tampa a provoqué sept revirements contre Washington, les Saints et les Packers, et que six d'entre eux se sont soldés par des touchés offensifs.

Avec une dose semblable de revirements contre les Chiefs, les Bucs peuvent être dans le coup. Mais qu'arrivera-t-il dans un scénario où ils n'en provoquent pas? Je regarde ce que les Chiefs font offensivement, lorsque c'est Patrick Mahomes derrière le centre, il n'y a pas eu de revirement de l'attaque jusqu'à présent en éliminatoires. Seul Chad Henne a été victime d'une interception lorsqu'il est venu en relève à Mahomes face aux Browns de Cleveland. L'autre revirement a été celui de Mecole Hardman, dimanche dernier, sur les unités spéciales.

Le total de 41 points inscrits par les Bucs à la suite de revirements de leurs adversaires, ça représente 45 % de leur production après trois rencontres éliminatoires. La question revient à savoir s'ils peuvent marquer un nombre similaire de points si la défense est privée de ces revirements? Est-ce que la défense peut tenir le coup sans cet opportunisme des derniers matchs? Quand je regarde ça, l'expression 'protéger le ballon' prend tout son sens pour Kansas City face à une équipe qui non plus peut créer des revirements, mais a aussi prouvé qu'elle peut s'en servir comme tremplin dans l'aspect offensif par la suite.

Les gros jeux offensifs réalisés par les Bucs ressortent aussi du lot. Contre Green Bay, ils ont déployé 61 jeux pour 351 verges. Du nombre, cinq jeux ont totalisé à eux seuls 167 verges et deux touchés. C'est donc une récolte de 184 verges pour les 56 autres jeux de l'attaque, pour une moyenne de 3,3 verges par jeu. Est-ce que les Brady va continuer d'avoir cette capacité d'aller chercher de gros morceaux de terrain ici et là? Présentement, ses receveurs se démarquent et Brady fait preuve de précision dans les zones profondes, chose qu'on ne pouvait pas dire à quelques moments durant la saison régulière. 

Ça sera drôlement important, car les Chiefs ont perdu un seul match en saison régulière quand Mahomes était derrière le centre. C'était contre les Raiders de Las Vegas, et ceux-ci avaient marqué 40 points en réussissant cinq jeux de plus de 40 verges face à la défense de K.C. Mis à part ce match où la défense avait très mal paru, les Chiefs ont été très bons pour limiter les longs jeux aériens. Lorsque la passe voyage au moins 10 verges dans les airs, ils n'allouent que 41 % de passes complétées, ce qui les place au 1er rang dans la NFL. Ils n'ont permis que 10 passes de touché sur de tels jeux et ont réalisé 15 interceptions. Encore là, ils dominent le circuit à ce chapitre.

Ces jours-ci, le no 12 des Bucs est premier en ce qui a trait aux passes dans les zones profondes. Pour garder le même succès, il lui faudra du temps. C'est donc dire que la ligne offensive devra lui fournir une protection adéquate. 

Jusqu'à preuve du contraire, pour battre les Chiefs, il faut marquer beaucoup de points. Les Bucs ont des receveurs pour tenir tête aux champions en titre. Après tout, à leurs six derniers matchs, c'est en moyenne 36 points par match qu'ils ont marqués. Pour rester dans ces eaux-là, il faudra toutefois d'autres revirements défensifs et d'autres jeux explosifs, et rien n'est garanti d'avance à ce niveau-là. 

On aura l'occasion de repasser tout ça sous la loupe la semaine prochaine, mais ce n'est qu'un petit amuse-gueule qui nous mènera vers le plat principal de ce Super Bowl Buccaneers-Chiefs qui s'annonce passionnant!

* propos recueillis par Maxime Desroches