Depuis deux semaines, plusieurs observateurs – et je faisais partie de ceux-là – martelaient que l’unité qui pourrait faire basculer le match du Super Bowl d’un côté ou de l’autre était la défense des Broncos de Denver.

Dimanche soir, c’est cette unité qui a fait la différence.

Après tout, les Panthers de la Caroline avaient marqué en moyenne 40 points en match éliminatoire, et pas contre les premières équipes venues non plus : les Seahawks de Seattle et les Cardinals de l’Arizona.

En connaissant les ennuis de l’attaque des Broncos, une unité qui génère peu de séquences soutenues et qui ne s’inscrit pas très fréquemment au tableau, on se disait que la marge de manœuvre serait très mince.

Wade PhillipsD’entrée de jeu, on doit féliciter Wade Phillips pour son brio, ainsi que le flair des dirigeants des Broncos de l’avoir rapatrié alors qu’il était sans emploi, au début de la dernière saison. C’est un instructeur défensif brillant qui possède le don d’extraire le meilleur de chacun des éléments à sa disposition tout en masquant leurs faiblesses. Il est un gros morceau de cette victoire et il ne doit pas être passé sous silence.

Pour mettre le tout en perspective, la défense des Broncos a dû arrêter successivement une attaque dirigée par Ben Roethlisberger, gagnant de deux Super Bowl, puis le grand Tom Brady et les Patriots de la Nouvelle-Angleterre la semaine suivante. Ces faits  d’armes étaient déjà impressionnants, mais cette fois, Denver était confronté au joueur par excellence de la saison régulière dans la NFL : Cam Newton.

Le front défensif des Broncos a eu le dessus du début à la fin sur la ligne offensive des Panthers. À mon sens, cela s’est avéré la clé de la victoire.

Pourquoi les sept sacs du quart réalisés aux dépens de Newton ont-ils été significatifs? Parce qu’ils ont été accompagnés de jeux sur les premiers et deuxièmes essais, où la ligne défensive mettait tout en œuvre pour limiter les gains au sol, forçant la Caroline à se débrouiller en troisième et long.

C’est là que la partie s’est gagnée à mon avis. Les Panthers ont pris l’habitude depuis le mois de septembre d’avoir des situations de troisième jeu et court, se laissant toujours une porte ouverte pour privilégier la course ou semer le doute avec une feinte de course suivie d’une passe. Mais le résultat de la pression exercée par les Broncos sur les deux premiers essais a amené la troupe de Ron Rivera en terrain pratiquement inconnu. D’ordinaire, lorsqu’on appelle un jeu de passe chez les Panthers, la protection maximale est privilégiée, de sorte que les bloqueurs ne se retrouvent que très rarement en situation de un contre un.

Confrontée à toutes ces situations de troisième et long, la Caroline nous a fait la preuve qu’elle n’est pas infaillible. Qu’elle n’est pas bâtie pour négocier avec un contexte où il est évident qu’elle doit opter pour le jeu aérien. À preuve, les joueurs de ligne ont été complètement débordés. On aurait cru voir des poissons hors de l’eau à certains moments. C’est sans compter que le bruit n’aidait vraiment pas leur cause ; ils ont dû travailler avec une cadence silencieuse car le Stade Levi’s contenait un grand nombre de partisans des Broncos. Et clairement, la défense a perçu des indices, que ce soit un hochement de tête ou un autre quelconque geste subtil dans la mécanique, lui permettant de « voler le départ ». Les marchands de vitesse comme Miller et DeMarcus Ware se sont régalés à chaque fois qu’ils arrivaient à anticiper les intentions des Panthers.

Bref, on s’est aperçu tôt dans le match que cette unité est bâtie pour épauler la course et le « play action », et non pour protéger le quart-arrière.

Les lacunes dans le groupe de receveurs, bien camouflées pendant toute l’année, ont également été mises en évidence lors de cet affrontement. Pendant près de 20 semaines, on s’est demandé : « Comment les Panthers font-ils pour arriver à leurs fins (et bien plus encore) avec un groupe de receveurs aussi modeste? » Dans le match le plus important de leur saison, les cibles de Newton en ont arraché, notamment avec des échappées cruciales.

Les receveurs ont gaffé

Elle a beau être diversifiée et unique cette attaque, elle demeure néanmoins vulnérable lorsqu’on la contraint, par la force des choses, à devenir plus prévisible.

En début de rencontre, Jerricho Cotchery a jonglé avec le ballon sur ce qui aurait été un long gain pour l’attaque des Panthers. Il n’est pas l’athlète le plus rapide du circuit, mais s’il avait gardé le contrôle du ballon, peut-être aurait-il pu filer jusqu’à la zone des buts, ou du moins très profondément en territoire ennemi. À la place, la passe fut incomplète, et deux jeux plus tard, Von Miller rabattait Newton contre la pelouse près de la ligne des buts et on recouvrait le ballon échappé par le grand quart pour le touché.

Jerricho Cotchery et Von MillerPlus tard, ce même Cotchery a joué de mollesse sur ce qui aurait dû être un attrapé permettant à la Caroline se s’approcher à la ligne de 5 de Denver, au troisième quart.

Ted Ginn Jr. n’a pas aidé son quart lui non plus en laissant filer le ballon entre ses doigts sur une passe au milieu du terrain. Le ballon a poursuivi sa course et tombé directement dans les bras du demi de sûreté T.J. Ward. Il s’agit là d’un autre jeu coûteux d’un receveur qui a scié les jambes des représentants de la NFC.

Les Panthers constituent une grande menace dans la zone payante, mais cela n’a pas été un facteur décisif, car on ne les a pas retrouvés bien souvent à cet endroit dimanche.

Ce que j’ai vu, c’est aussi un quart tout à fait sorti de sa zone de confort. On l’a dérangé et forcé à lancer malgré lui vers des options qui étaient loin d’être idéales. En fait, je ne crois pas avoir vu cette attaque être aussi désorganisée de l’année. Ils n’étaient carrément pas eux-mêmes avec toutes ces erreurs, ces revirements et ces pénalités.

Et parlant de pénalités, une autre facette du jeu, les unités spéciales, a été gagnée haut la main par Denver. Il n’y a pas à dire : dégagements, couvertures de dégagements, retours de botté… vraiment, tout y était pour les hommes de Gary Kubiak.

Pour l’attaque, on repassera…

L’attaque des Broncos, à travers tout cela, n’a eu qu’à saupoudrer quelques bons jeux ici et là, et c’est bien tant mieux, car elle n’était pas en très grande forme. C’était d’ailleurs l’un des plus petits totaux de verges offensives par un club vainqueur du Super Bowl dans l’histoire.

D’ailleurs, je dois dire que la défense des Panthers n’a pas grand-chose à se reprocher puisque sur les 24 points concédés, 14 sont le résultat direct de sacs réalisés par Miller sur Newton. Le premier a immédiatement été converti en touché défensif, tandis que le second a amené les Broncos à la ligne de deux, séquence qui allait finalement se conclure par le majeur de C.J. Anderson à force d’essayer. C’était la seule fois où les Broncos inscrivaient un touché sur un total de quatre présences à l’intérieur du 20 des Panthers.

Peyton ManningJ’ai encore une fois été épaté par la performance de Thomas Davis, un guerrier ayant subi une fracture à un bras il y a deux semaines, et qui a passé la grande majorité des jeux défensifs au centre de l’action. Luke Kuechly et lui ont réalisé quelques jeux spectaculaires, et ils méritent qu’on salue leur dévouement à la cause des Panthers.

Pour son deuxième titre du Super Bowl, Peyton Manning a quelque peu imité son patron John Elway, dont la dernière conquête avait gagnée de manière similaire, c’est-à-dire avec du jeu au sol soutenu, une défense redoutable et quelques jeux de passes éparpillés ici et là.

Lorsqu’on lui a posé la question après le match, le no 18 des Broncos a convenu que le moment était très mal choisi pour parler de son avenir. Ça lui appartient, mais il faut admettre que le moment serait bien choisi pour se retirer. De toute façon, il préférait offrir une tribune à Von Miller, son coéquipier qui venait de connaître la performance d’une vie, et du reste de ses coéquipiers.

Il n’en demeure pas moins que Manning en a fait juste assez pour gagner. Il a été victime de deux revirements, dont une interception sur un blitz de zone. L’ailier défensif qu’il croyait voir s’amener vers lui pour appliquer de la pression est plutôt demeuré en couverture défensive dans le cadre d’une permutation défensive avec un secondeur, et le général de 39 ans s’est fait piéger. Heureusement pour lui, son erreur de lecture ne s’est pas avérée néfaste.

Au sujet de Miller, j’ai l’impression que ce dernier vient de s’assurer d’empocher les gros dollars dès la saison prochaine, puisqu’il sera joueur autonome au cours des prochains mois. Que ce soit avec l’étiquette de joueur concession ou par le biais d’un contrat à long terme, le secondeur étoile sera généreusement récompensé par les Broncos.

Je le croyais capable de répéter le même genre de prestation offerte en finale d’association contre Brady et les Patriots, et il ne m'a pas fait mentir.

Newton et l’apprentissage

Un mot en terminant sur Cam Newton, qui conservera un goût amer de ce qui autrement avait été une saison de rêve.

ContentId(3.1172267):Super Bowl 50: La défense prédomine sur l'attaque!
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Je lui souhaite d’apprendre de ce qu’on peut qualifier de leçon d’humilité et de revenir encore plus fort l’été prochain. Cette défaite a permis d’établir quelques constats évidents sur les points à améliorer afin de l’amener à un autre niveau, soit la ligne à l’attaque et les receveurs.

Difficile de pointer le jeune homme du doigt parce qu’il a été pris de court par les Broncos dès le départ. Le doute s’est installé dans son esprit lors du sac suivi d’une échappée recouvrée pour un touché, et ça a paru.

Même Rivera n’a pas connu une grande rencontre à la barre de l’équipe. J’ai trouvé pour le moins étrange qu’il utilise le deuxième et dernier droit de contestation dont il bénéficiait afin de faire reculer les Broncos de sept petites verges, alors qu’ils se seraient retrouvés en position de deuxième et long malgré tout.

* Propos recuellis par Maxime Desroches