L' « Affaire Tiger Woods » qui domine les manchettes depuis plus d'une quinzaine de jours a de quoi nous préoccuper à plus d'un égard. Il est bon, je pense, lorsque surviennent de tels événements de revenir à des éléments essentiels qui dictent, ou devraient dicter, notre conduite en tant que journalistes. En transmettant une information, de quelque nature qu'elle soit, il est impératif de savoir si elle servira l'intérêt public ou celle d'un public. Il s'agit là d'une énorme différence. À partir de cet énoncé, il m'apparaît déjà plus facile d'établir ce qui doit être ou ne pas être diffusé ou publié.

J'ai l'impression que nous faisons tout autant le procès des médias que des individus impliqués dans ces tristes affaires à chaque fois que de telles histoires surviennent. J'avoue avoir eu recours à certains manuels que je n'avais pas ouverts depuis l'université afin de tracer une limite convenable entre la voracité médiatique et la pudeur publique.

Il faut aussi savoir que les États-Unis sont une terre bien particulière quand vient le temps d'établir les limites de la vie privée. Les récentes décisions juridiques tendent à favoriser les citoyens dans leur quête de quiétude. Mais en vertu du fameux Premier Amendement, il faut aussi réaliser que l'on exige des médias de trouver des faits et de les diffuser même si cela peut engendrer des répercussions négatives pour certaines personnes si cette information peut éclairer l'ensemble de la communauté. Qu'est-ce qui doit déterminer qu'une affaire familiale est d'intérêt public et quand?

Le golf professionnel subira les contrecoups de l'absence de Tiger Woods. Cela ne fait aucun doute. On a été en mesure de constater le phénomène lorsqu'il a récupéré en 2008 et 2009 d'une opération genou. Il est facile de prévoir que le circuit PGA Tour dans son ensemble (voir les joueurs, les commanditaires et promoteurs de tournois et télédiffuseurs) et l'industrie du golf dans une certaine mesure subiront des pertes financières importantes à cause de ce qui s'est passé au cours des derniers 15 jours. Mais au-delà de ces considérations financières, subsistent plusieurs autres questions que le chroniqueur Bradley Klein de Golfweek a mises en lumière dans un récent article.

Il tire cinq leçons de la saga Tiger Woods. Il nous rappelle d'être vigilants quand vient le temps de transformer des sportifs en héros. Le simple fait de mieux frapper une balle que qui conque ne signifie pas pour autant qu'il soit un exemple à suivre dans toutes les facettes de la vie quotidienne. Il nous mentionne aussi de nous méfier plus souvent et de ne pas tenir pour acquis le flot d'informations qui circule à propos des individus propulsés à l'avant-scène. Il souligne aussi qu'on ne connaît que très peu la véritable nature des stars et ajoute qu'une saine compétition sportive ne devrait pas se limiter à la seule domination d'un individu (ou d'une équipe par extension). Enfin, il nous rappelle que les plus récents événements nous ont confirmé que Woods est d'abord et avant tout un être humain.

À travers l'exercice, outre celui de freiner plus souvent un enthousiasme délirant vis-à-vis les champions sportifs, il en est un autre qu'il nous faudra faire plus régulièrement, à savoir mieux analyser toutes les implications de la fabrication des vedettes ou des personnages publics. Cela ne signifie pas de s'immiscer dans la vie de chacun afin d'y puiser des informations qui, un jour, permettront d'assombrir leurs réalisations. Cela signifie plutôt de pondérer nos propos et nos analyses et de les présenter dans des contextes précis de façon simple et ordonnée.

Cela devrait nous permettre de répondre à la question à laquelle je faisais allusion au début du texte. En nous efforçant de présenter une information pertinente, nous pourrons à la fois servir l'intérêt public et l'intérêt du public. L'effort en vaut la peine. Tiger Woods pourra ainsi mieux tenir son rôle de meilleur golfeur de la planète avec tout ce que cela comporte de responsabilités au PGA Tour, à ses fans et commanditaires et au sport en général. Quant à Tiger Woods en tant que père, en tant que mari et en tant que personne, il est le seul à pouvoir trouver la réponse.