Gary Player prendra part au Tournoi des Maîtres pour une 52e fois en carrière. Il s'agit bien entendu d'un record pour celui qui a déjà remporté cette prestigieuse compétition à trois occasions.

Gagnant de neuf tournois majeurs, il est un des golfeurs professionnels les plus titrés avec 163 victoires sur la scène internationale. À 73 ans, du haut de ses 5 pieds et 7 pouces, il affiche toujours une forme physique exceptionnelle, poursuit inlassablement son travail d'architecte et de conseiller dans l'aménagement de parcours de golf et il est plus que jamais actif dans sa recherche d'aide aux enfants dans le besoin.

Surnommé le « Chevalier Noir » à cause de la couleur de ses tenues vestimentaires lors des tournois, Gary Player a voyagé plus de 17,5 millions de kilomètres au cours de sa carrière professionnelle qui a commencé en 1953. Sa mère est décédée d'un cancer alors qu'il était âgé de huit ans. Son père, qui travaillait dans les mines d'or en Afrique du Sud, a emprunté afin de payer les premiers bâtons de golf de Player, qui a commencé à jouer à l'âge de 14 ans.

Il a participé à son premier tournoi majeur en 1956 à l'occasion de l'Omnium Britannique. Il m'a confié un jour qu'il avait si peu de sous en poche pour ce premier long voyage à l'étranger qu'il avait utilisé une corde plutôt qu'une ceinture pour tenir ses pantalons. Il avait logé dans une pension. Pas question d'hôtel.

Il est devenu, au fil des ans, le troisième joueur d'un trio légendaire dont les deux autres vedettes étaient Arnold Palmer et Jack Nicklaus. Ces trois joueurs ont à eux seuls établi les nouveaux standards d'excellence au golf, prenant ainsi la relève des Walter Hagen, Gene Sarazen et Byron Nelson.

Il faut savoir de Gary Player qu'il fut un précurseur quant à la défense des droits de l'homme et qu'il a pris position contre l'apartheid et le racisme bien avant que les récents défenseurs des droits civils ne montent aux barricades et se vantent d'avoir transformé le monde.

Gary Player était le capitaine de l'équipe internationale lors de la présentation de la Coupe des Présidents en 2007 au Royal Montréal. Il a accepté nombre de demandes d'interviews et a su satisfaire les moindres petites demandes des amateurs, des journalistes et surtout de ses joueurs. Il a aussi accepté en compagnie de son épouse d'être d'une journée spéciale au Club de golf Laval-sur-le Lac au lendemain de la Coupe des Présidents. Les profits de cette journée furent versés à Leucan et à la Fondation des Enfants parrainée par Jack Nicklaus.

J'ai eu le plaisir d'animer cette soirée et de présenter Monsieur Player, qui a hypnotisé son auditoire pendant une quinzaine de minutes.

Ses flèches d'humour ont d'abord ravi son auditoire. Il a ensuite servi une leçon de délicatesse exceptionnelle en vantant les mérites de son grand ami et rival Jack Nicklaus. Puis il a abordé le délicat sujet de la misère humaine devant des gens qui ne l'ont jamais connue et qui ne la connaîtront jamais.

Il a raconté qu'il avait visité quelques jours auparavant les fragiles installations d'écoles primaires en Afrique du Sud et qu'il y avait croisé des jeunes qui pouvaient enfin aspirer à devenir professeurs, médecins ou avocats parce qu'ils avaient enfin des cahiers et des crayons. Il s'est offusqué parce que dans des universités en Amérique, certains étudiants exigeaient d'avoir le droit de porter une arme alors que des enfants n'avaient pas d'outils nécessaires pour simplement aligner l'ensemble des lettres de l'alphabet.

Personne n'est demeuré indifférent. Les premiers ministres présents, les ministres tant au fédéral qu'au provincial, les dirigeants des multinationales et les principaux intervenants de la société québécoise ont été réduits au silence par les propos de Player, qui les a ramenés à une triste réalité. J'ai vu des hommes et des femmes être émus comme ils ne l'avaient jamais été. Installé à une portée de bras derrière ce petit bout d'homme, j'ai vu des gens avec des larmes aux yeux enfin comprendre qu'il y a urgence d'agir en matière d'éducation. Ce géant leur a raconté que des petites filles et des petits garçons dans les bidonvilles de Johannesburg en Afrique du Sud entretenaient des rêves pour devenir de bons citoyens et que des enfants d'ici partageaient les mêmes espoirs.

Le lendemain, quand je lui ai mentionné qu'il avait tenu un discours exceptionnel, il m'a humblement remercié en me disant qu'il fallait qu'il en livre un autre et celui-là meilleur encore que celui de la veille. L'inlassable recherche de l'excellence, l'essence même des athlètes d'exception.

J'admire toujours aujourd'hui la grandeur de ce petit homme qui m'a rappelé que chaque individu a une chance de réussir les rêves les plus fous.