LAVAL – Brian Savage et Paul Henry sont des amis de longue date. Les deux hommes sont toujours restés en contact depuis que l’un a recruté l’autre pour faire partie de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques de Lillehammer, en 1994.

Il y a un peu plus d’un an, Savage a reçu un appel de son vieil ami au cours duquel il a surtout été question de son fils aîné, Ryan. Henry voulait savoir si Savage était ouvert à l’idée d’envoyer son adolescent de 14 ans, un jeune attaquant talentueux, poursuivre son apprentissage à l’Académie de hockey Red Bull de Salzbourg.

« Je l’écoutais et je n’avais aucune idée de quoi il était en train de me parler! », raconte l’ancien numéro 49 du Canadien.

Six mois plus tard, alors qu’il se trouvait à Toronto pour le tournoi d’un autre de ses garçons, Savage s’est fait accoster par Pierre Pagé. L’ancien entraîneur des Nordiques de Québec, aujourd’hui directeur sportif du département hockey du tentaculaire géant autrichien, a été un peu plus convaincant. Il a offert à Savage et à sa famille, en guise d’ultime argument, un voyage éducatif au pied des Alpes.

Une fois sur place, Savage a été conquis par ce qu’il a vu. Pour assouvir sa passion pour le hockey, le grand patron de Red Bull, Dietrich Mateschitz, a fait construire un luxueux complexe d’entraînement au coût de 60 millions de dollars. On y retrouve deux patinoires de dimension olympique, des salles de perfectionnement munies d’équipements spécialisés pour améliorer son lancer et son coup de patin, un centre de conditionnement physique, une clinique médicale et un édifice pouvant loger jusqu’à 72 joueurs avec, à l’étage, une cafétéria et des salles de classes.

« L’Académie emploie huit entraîneurs spécialisés dans différents aspects du jeu et chaque semaine, des périodes précises sont consacrées au raffinement des techniques individuelles, a remarqué Savage. Par manque de temps, on peut rarement se permettre ça. Tout est habituellement concentré sur le concept d’équipe. Là-bas, si un joueur veut passer six heures par jour sur la glace, il le peut. »

Les joueurs investissent aussi une vingtaine d’heures par semaine à l’école - les étrangers sont inscrits à des cours à distance – et des professeurs les accompagnent en tournoi. Quant aux entraîneurs, ils suivent des cours d’allemand sur une base hebdomadaire.

Tout ça à un prix dérisoire. Une famille qui confie son jeune sportif à l’empire des Taureaux Rouges n’a qu’à débourser quelques centaines de dollars par mois. La maison ramasse le reste de la facture. 

Savage est non seulement revenu de ce petit voyage de courtoisie avec la conviction que son fils serait là-bas entre bonnes mains, mais aussi avec un nouvel emploi. C’est qu’en plus de sa progéniture, Pagé était intéressé à son expertise. Ainsi, le vétéran de plus de 700 matchs dans la Ligue nationale, dont 484 à Montréal, est devenu responsable du recrutement nord-américain de l’Académie. En juillet, avec sa femme Debbie et leurs deux autres fils, Red et Rory, il a quitté Phoenix pour aller s’installer à Salzbourg.

Entraînement à l'Académie Red BullLe mandat de Savage est de complémenter le travail des entraîneurs au sein des cinq équipes de développement du programme, d’U16 à U21, mais surtout de dénicher des prospects de l’autre côté de l’Atlantique. Il en a convaincu huit, dont cinq Canadiens, pour la saison 2015-2016. Sept d’entre eux, dont son fils Ryan, font partie de l’équipe U18 qui prendra part cette semaine au Challenge Reebok de la Ligue Midget AAA du Québec à Gatineau. La sélection est constituée de joueurs de huit pays différents.

« On a déjà fait des tournois en Finlande, en République tchèque, en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Après les Fêtes, on en fera quelques-uns aux États-Unis », énumérait Savage en fin de semaine dernière, juste avant de sauter sur la glace pour un entraînement au Complexe sportif Guimond de Laval.

« On est compétitifs! On compte sur de très bons joueurs que bien des gens dans le milieu du hockey n’ont encore jamais vus et on tente de trouver les compétitions qui leur offriront la meilleure vitrine. »

Ce retour au Québec permettra aussi au natif de Sudbury de lancer des lignes à l’eau en vue de la prochaine année. Sa liste de magasinage comprend le nom de quelques joueurs québécois qu’il aura la chance de courtiser en Outaouais. On y retrouve notamment celui de Xavier Parent, une recrue de 14 ans qui a jusqu’ici amassé 30 points en 26 matchs avec le Phénix du Collège Esther-Blondin.

« Je vais parler à leurs parents et les inviter à venir nous visiter pour qu’ils puissent juger par eux-mêmes. C’est une situation où tout le monde est gagnant. » 

Un tremplin de luxe

Comme les joueurs qui le composent, le programme commence à gagner en visibilité. Depuis qu’il a fait l’objet d’un article dans le magazine Hockey News, Savage affirme avoir reçu plus de 800 formulaires d’inscription dûment remplis par des parents désireux d’y inscrire leur enfant. C’est sans compter les pistes sur lesquelles continuent de le lancer ses nombreux contacts dans le petit monde du hockey.

« Je dirais qu’on recherche des bons joueurs, mais surtout d’excellents athlètes. On sait qu’avec le personnel et l’équipement mis à notre disposition, on peut transformer un jeune doué en un très bon hockeyeur. On ne recherche donc pas nécessairement la crème de la crème, mais nos efforts de recrutement ont tout de même porté fruit au cours de la dernière année. On a mis la main sur quelques-uns des meilleurs joueurs au Canada et aux États-Unis. »    

L'équipe U18 de Ryan SavageEt quel avenir attend ces patineurs d'âge junior au sein d'un programme qui comprend deux clubs pros, l'un à Salzbourg et l'autre à Munich? Le même auquel ils pourraient aspirer en poursuivant leur apprentissage dans leur environnement naturel, prétend Savage. Ce dernier assure qu’en attirant à fort prix des jeunes talents dans son laboratoire, Red Bull ne cherche rien d’autre qu’à donner du lustre à son logo en devenant une école réputée pour le développement de futurs joueurs de la LNH.

« Notre devise est ‘Développer et Promouvoir’, explique Savage. On sait très bien que ces jeunes de 15 ans qui viennent du Québec, des Maritimes, de l’Ontario ou des États-Unis ne seront peut-être avec nous que pour un an. On veut leur servir de tremplin pour le junior majeur, les rangs universitaires ou n’importe quelle autre avenue qu’ils pourraient choisir. »

Savage lui-même ne sait pas s’il prolongera son séjour en Autriche au-delà de sa première année de service. Ryan, un choix de quatrième ronde des Silvertips d’Everett dans la WHL qui représentera son pays aux Jeux olympiques de la Jeunesse en 2016, ambitionne de faire sa place au sein du programme de développement national américain l’an prochain. Il participera au camp de sélection en mars.

« S’il mérite sa place, la famille pourrait déménager à Detroit, affirme le fier paternel. Mais je voudrais continuer à faire du recrutement tout en retournant là-bas de temps en temps pour m’assurer que tout se passe bien. On verra bien, mais Red Bull nous traite comme des rois ici. »