Cette semaine thématique Canadien-Nordiques sur RDS est une belle occasion pour les jeunes amateurs de sport de ressentir cette rivalité dont ils ont tant entendu parler et qui a meublé les conversations de millions de personnes. Les jeunes entendent leurs parents raconter comment les choses se passaient et maintenant ils vont pouvoir le confirmer de leurs propres yeux. Certains d'entre eux n'ont même jamais vu une partie impliquant les Nordiques.

D'entrée de jeu, il faut dire que l'arrivée des Nordiques dans la LNH ne faisait pas l'affaire de tous, surtout des Molson qui brassaient de la bière et de grosses affaires au Québec. La pression populaire avait finalement forcé la main des Molson à accepter une concession à l'autre bout de l'autoroute 20. Ce fut le début de la guerre des brasseries Molson et O'Keefe. Comme joueur, on regardait la situation d'un oeil intéressé, mais on n'aurait jamais cru que ça allait devenir la rivalité que c'est devenu.

Dans les rangs juniors, j'avais vécu la rivalité Montréal-Québec dans la peau d'un joueur du Junior contre les Remparts et je ne m'attendais pas à une telle intensité dans la LNH. Jamais j'aurais cru que les parties Canadien-Nordiques allaient prendre des proportions d'une telle ampleur.

En toute honnêteté, l'arrivée des Nordiques dans la LNH a été une très bonne chose. La venue de cette équipe a été un tremplin pour nombre de joueurs d'ici et d'entraîneurs. Et si la rivalité a atteint un tel paroxysme, c'est en raison de la présence massive de francophones des deux côtés. Derrière les bancs, vous aviez Michel Bergeron d'un bord et Jacques Lemaire de l'autre. Les deux clubs avaient une très grande soif de gagner.

Étant natif d'Alma, je savais que peu de mes amis pouvaient se rendre à Montréal pour voir les parties du Canadien, mais se rendre à Québec était nettement plus facile pour eux. C'était la même chose pour les gens du Bas-du-Fleuve pour qui il n'était pas facile de descendre à Montréal. Je ne sais pas le nombre de fois que des amis à moi se rendaient à Québec en autobus pour aller assister à une partie des Nordiques.

On a senti que le Québec se séparait en deux. À Québec, c'était vu comme péquiste avec le fleurdelisé qu'on retrouvait sur le chandail des Nordiques, alors que Montréal était vu comme fédéraliste. Au début des Nordiques dans la LNH, il faut être honnête et dire qu'on ne les prenait pas au sérieux complètement, mais les choses ont changé rapidement. Nous avons disputé quatre séries éliminatoires contre eux et nous en avons perdu deux. L'arrivée des frères Stastny a fait progresser cette concession, qui était partie modestement pour arriver à se faire une place parmi l'élite.

Je me souviens que très peu de la première partie jouée contre les Nordiques le 13 octobre 1979 qu'on avait gagné 3-1. Visiblement, la partie ne m'avait pas marqué.

La première série en 1982

On ne voulait pas rencontrer les Nordiques en séries, mais au printemps de 1982 le classement a fait en sorte que les deux clubs ont croisé le fer pour une première fois dans le cadre d'une série trois de cinq. On savait que les Nordiques avaient une bonne équipe et on ne voulait surtout pas perdre la face contre eux. Finalement, on s'est incliné lors du cinquième et dernier match sur un but de Dale Hunter en prolongation.

On savait que l'intensité et les émotions allaient être au plafond. Il n'y a pas eu beaucoup de rivalités qui ont procuré autant d'adrénaline. J'ai vécu les rivalités contre Boston et Toronto et je peux vous assurer qu'il n'y a rien qui égale ce que j'ai vécu contre les Nordiques. Rien. L'équipe qui passait au tour suivant avait du mal à retrouver le même degré d'émotions. On avait alors l'impression qu'on jouait pour la coupe Stanley du Québec.

Hunter nous a éliminés avec un but au tout début de la prolongation du match ultime et je peux vous garantir qu'on ne voulait plus se faire battre par eux. Ils avaient une bonne équipe qui était très bien dirigée par Michel Bergeron, qui faisait un excellent travail. Dans le vestiaire, on était abattu et on aurait dit qu'on était dans un salon funéraire. Comme les partisans réunis au Forum, on avait du mal à croire ce qui venait de se passer.

Lors de la poignée de main, on ne se disait pas grand-chose parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'amour entre nous. Le seul joueur avec qui j'ai jasé un peu, c'était Michel Goulet parce qu'il venait de mon coin. Si les partisans du Canadien détestaient Dale Hunter, ceux des Nordiques me détestaient aussi. Laissez-moi vous dire toutefois qu'on aurait aimé l'avoir dans notre club parce que Dale était tout un guerrier.

J'ai eu maille à partir avec Dale, mais aussi avec Pat Price. Dans le vestiaire des Nordiques, Michel avait dressé une hit list sur laquelle mon nom figurait. Price était celui qui devait régler mon compte. Je ne sais plus combien de fois je me suis battu contre lui. Je ne me gênais pas pour dire à Michel ce que je pensais de lui. Je l'ai même invité sur la patinoire pour régler nos comptes parce que c'était facile pour lui de m'enguirlander derrière son banc.

Haine et amitié

À mes yeux, Michel Bergeron était un très bon coach, mais il était avec l'ennemi. Même chose pour Hunter, qui ne jouait pas pour la bonne équipe! Les deux étaient intenses et émotifs et ils ne cherchaient que la victoire. Bergi avait le sens du spectacle. Lors du réchauffement d'avant-match, il aimait se placer au banc des siens pour nous épier. C'était déjà là une forme d'intimidation parce que peu d'entraîneurs prennent le temps de regarder les autres clubs. Il se faisait un malin plaisir à provoquer l'adversaire avec son regard et son air de porc frais.

Aujourd'hui, nous sommes de bons amis. Cette amitié est née de la fusion des stations de radio CJMS et CKAC dans les années 1990. C'était particulier, mais Michel a toujours été une bonne personne facile d'approche. Comme entraîneur, il m'a toujours respecté et je pense que c'est pour cette raison que l'approche a été plus facile à faire.

Même chose avec Dale Hunter. On se détestait sur la glace, mais on se respectait. On s'est vu à quelques reprises et on a jasé un peu. Avec le temps, il n'y a plus d'animosité entre nous parce qu'à l'époque, nous défendions des couleurs différentes. Lui aussi n'a jamais vécu de pareille rivalité ailleurs.

*propos recueillis par Robert Latendresse