MANHATTAN - On a parlé de tout sauf de hockey samedi au Madison Square Garden où les Rangers et le Canadien se sont entraînés en vue du quatrième match qui sera disputé dimanche soir.

Michel Therrien a levé le ton afin de chasser Ulf Samuelsson et Jerry Dineen, deux des adjoints d’Alain Vigneault qui épiaient l’entraînement du Tricolore. « Ils n’avaient pas d’affaire là », a lancé Michel Therrien dans son point de presse. Un commentaire pas mal plus poli que celui qu’il a utilisé pour faire passer son message aux adjoints des Rangers en début d’entraînement. « Jean-Jacques Daigneault était allé les avertir une première fois, je suis allé ensuite, mais la troisième fois il fallait que le message passe », a ajouté Therrien.

Bon! Les adjoints d’Alain Vigneault n’ont pas commis un crime de lèse-majesté en s’installant dans les gradins du MSG pour suivre l’entraînement. Mais parce que les clubs s’entendent généralement à l’amiable pour s’épier seulement lors des jours de match, Samuelsson et Dineen ont contrevenu à une règle non écrite dans la LNH.

Que faisaient-ils là?

Avec Brandon Prust qui est suspendu pour les deux prochains matchs et la possibilité que Michel Therrien apporte des changements à sa brigade défensive, les adjoints de Vigneault jouaient aux espions afin de déceler quels changements pourraient être apportés.

Ils auraient pu se contenter de lire les gazouillis qui ont déferlé sur Twitter dès le début de l’entraînement du Tricolore. Ils auraient vu que c’est Michaë Bournival qui remplaçait Prust avec Brière et Weise et que Lars Eller patinait au centre de Rene Bourque et Thomas Vanek. Des plans pour que le Danois passe une nuit blanche à se demander comment diable il pourra disputer un bon match entre ces deux joueurs qui en arrachent sans bon sens…

Ils auraient aussi vu Francis Bouillon effectuer des rotations en compagnie de Mike Weaver au sein du troisième duo de défenseurs du Canadien à la place du jeune Nathan Beaulieu.

Ce changement, s’il est apporté, sera le plus important en vue du match de dimanche. Car le Canadien a tellement multiplié les cafouillages en sorties de zone depuis le début de cette série contre les rapides Rangers que Michel Therrien n’a pas d’autre choix que d’apporter des ajustements à cette facette importante du jeu.

Bon! Plusieurs amateurs lanceront, avec raison, que Nathan Beaulieu est plus jeune, plus rapide et qu’il a plus de talent avec la rondelle que Francis Bouillon.

J’en conviens.

Mais l’expérience de Bouillon et surtout sa capacité à encaisser davantage la pression en échec-avant de ses rivaux et les mises en échec devraient lui permettre de mieux composer avec le gros Brian Boyle et les autres membres du quatrième trio des Rangers qui ont fait la vie dure à Beaulieu lors du dernier match. En dépit de tout son talent, Beaulieu n’a effectué qu’une présence jeudi lors du troisième match. Tant qu’à le clouer au banc par mesure défensive dans le cadre d’un match serré, ou de le « protéger » contre la robustesse des Rangers...

Mais peu importe que Bouillon remplace ou non Beaulieu, le Canadien se doit d’être beaucoup plus efficace dans ses transitions offensives. Depuis le début de la série face aux Rangers, les défenseurs du Canadien – ils sont tous coupables – multiplient les dégagements refusés au lieu d’orchestrer de belles sorties de zone. Il est donc bien difficile de générer quoi que ce soit d’incisif en attaque, quand la première passe se retrouve à l’autre bout de la patinoire et qu’elle en revient dans les mains d’un des juges de lignes.

Quoi qu’il en soit, Samuelsson et Dineen se sont finalement pliés à l’ordre que leur a sommé Michel Therrien de « sacrer leur camp » de l’entraînement. Mais leur patron, le président et directeur général Glen Sather est quant à lui demeuré bien sagement assis dans un coin du domicile de son équipe.

Une façon de déstabiliser le Canadien?

Peut-être un peu. Mais ce qui est certain, c’est que cette histoire de contre-espionnage a obtenu beaucoup plus d’importance qu’elle aurait dû en obtenir.

Mais c’est comme ça quand, une fois en finale d’association, la LNH décide d’accorder deux jours de congé avant le match trois, et deux autres avant la quatrième partie. Parce que les journalistes sont en mal de bonnes histoires à livrer aux partisans qui en veulent et en redemandent, on se retrouve avec des tempêtes qui n’en sont pas vraiment.

Mais bon! C’est un peu ça les séries…

Brière contre-attaque

Parce que Daniel Brière n’a pas une once de malice en lui, il n’a pas imité Michel Therrien en levant le ton à l’endroit des Rangers.

Mais parce qu’il est un petit malin, Brière a fait bien pire. Il s’est attaqué aux Rangers en qualifiant de très louche, la blessure – fracture de la mâchoire – subie par Derek Stepan sur la mise en échec illégale que lui a servie Brandon Prust en début de rencontre jeudi.

Le Gatinois a fait bien pire : il s’est permis de comparer l’excellent jeune défenseur des Rangers Ryan McDonagh à son ancien capitaine avec les Flyers de Philadelphie Chris Pronger. Et pas vraiment pour les bonnes raisons. « McDonagh est très bon, mais il est le défenseur qui donne le plus de doubles-échecs depuis Chris Pronger. »

Il est vrai, très vrai, que Ryan McDonagh a joué du bâton jeudi. Beaucoup. Et de façon illégale surtout aux dépens de Brendan Gallagher.

Et peut-être qu’en soulignant cette fâcheuse habitude du jeune pilier défensif des Rangers, Brière réussira à attirer l’attention des arbitres. Les mots clés ici son peut et être…

Mais si l’objectif de Brière était de dénoncer une forme d’inégalité dans la gestion des pénalités lors de la dernière rencontre, il s’est fourvoyé. Car à ce jeu, le Canadien a été plus chanceux encore que les Rangers. Bien qu’il ait été suspendu deux matchs, Brandon Prust n’a pas été puni sur la mise en échec tardive qu’il a servie à Derek Stepan. Pour une raison difficile à comprendre, Marc Joannette et Kevin Pollock – deux excellents arbitres à mes yeux – ont fermé les yeux sur le geste de Prust au lieu de lui imposer une pénalité. Ils auraient facilement pu chasser Prust pour deux, voire cinq minutes. Et si tel avait été le cas, les Rangers auraient pu se sauver avec la partie dès la première période. Et se sauver avec la série… Mais ce n’est pas arrivé et le Canadien a maintenant la chance de niveler les chances dimanche soir.

Cela dit, les doléances de Michel Therrien, celles de Daniel Brière et des autres joueurs du Canadien leur attirent des commentaires négatifs de la part des médias de New York… et de Toronto. Des commentaires dont le Canadien n’a rien à cirer et qui n’empêcheront certainement pas Therrien et son équipe de dormir et de bien se préparer en vue du match de demain.

Surtout qu’en parlant de tout sauf de hockey, le Canadien a détourné l’attention de ses vrais ennuis sur la patinoire. Des ennuis que le gardien recru Dustin Tokarski pourra difficilement continuer à effacer si le Canadien ne l’abandonne de la même façon qu’il l’a abandonné jeudi, dimanche et dans les autres matchs qui suivront.

Prust repentant

Parlant de Prust, il a rencontré les médias au lendemain de la suspension imposée à ses dépens par la LNH.

Contrairement aux partisans du Canadien qui ont crié à l’injustice en marge de la décision de la LNH, Prust a convenu qu’il méritait la suspension que Stéphane Quintal lui a décernée.

« Mon coup d’épaule était légal en ce qui a trait à l’impact. Mon coude était contre mon corps, mes patins sur la glace, mais j’ai frappé « Step » -- Derek Stepan – en retard et c’est mon erreur. S’il n’avait pas été blessé, je crois que je m’en serais tiré. Quand j’ai appris qu’il avait la mâchoire fracturée, je me suis dit que j’écoperais un ou deux matchs », a convenu Prust.

Bon copain de Derek Stepan, Prust lui a acheminé un message d’excuse. Il a reçu une brève réponse.

« C’était ma première présence du match. Depuis la fin de la deuxième partie, je pensais à ce que je devais faire pour relancer l’équipe. Une implication physique était bien sûr mon objectif, mais jamais je n’ai voulu le blesser», a plaidé le robuste attaquant qui pourra reprendre sa place au sein de la formation dans le cadre d’un éventuel match six… à New York où Prust, encore récemment un des favoris de la foule, est maintenant considéré ennemi public numéro un puisqu’il a blessé le centre numéro un des Blue Shirts.

« C’est la moindre de mes préoccupations. J’ai toujours aimé New York, les Rangers et leurs partisans, mais je joue pour le Canadien de Montréal maintenant… »

Pour en finir avec le jeu des comparaisons entre le coup asséné par Prust et celui de Chris Kreider aux dépens de Carey Price, il faudrait cesser de les comparer. Car les deux gestes n’ont rien à voir.

Prust avait l’intention de frapper Stepan. Il l’a admis. Dans le cas de Kreider, il a effectué une chute. Et une fois sur le dos, glissant à 39 kilomètres-heure, il ne pouvait rien fait pour éviter l’impact. C’est pour cette raison – et non en raison d’un complot contre le Canadien, ou du favoritisme à l’endroit des Rangers – que le Ligue n’a pas même revu l’incident impliquant Kreider et Price, mais qu’elle a sévi aux dépens de Prust.

Retour de Stepan

Si Michel Therrien et les joueurs du Canadien ont brassé la marmite avec des commentaires hors patinoire samedi, l’entraîneur-chef Alain Vigneault a joué un brin ou deux au fou en attisant les spéculations quant à la présence de Derek Stepan lors du match de dimanche.

Opéré à la mâchoire vendredi soir, Stepan ne semble pas en état de jouer. C’est d’ailleurs la conclusion que les médecins du Canadien ont donnée à Michel Therrien en indiquant qu’il était difficile à croire qu’un joueur opéré sous anesthésie général un vendredi puisse jouer le dimanche.

Mais Vigneault s’est assuré de garder le Tricolore sur ses garde en refusant de confirmer ou d’infirmer la possibilité que son joueur de centre soit présent.

Vigneault n’a pas non plus dévoilé su Derick Brassard serait enfin de retour au sein de la formation après qu’il eut été blessé lors du premier match de la série à la suite d’une solide mise en échec de Mike Weaver. Le Gatinois a toutefois été plus loquace que son coach en assurant qu’il était prêt à jouer.

S’il effectue un retour au jeu, Brassard devra être sur ses gardes. Car dans son point de presse, Michel Therrien a assuré que le Canadien l’aurait à l’œil. « Le monde du hockey est un bien petit monde. Tout ce sait. Nous savons où il est blessé et devrons jouer de façon physique contre lui. »

Ça sent un brin ou deux la préméditation. Mais bon ! On est en séries. En finale de l'association Est en plus. Ceci explique donc cela. Du moins un peu…

Mais après s’être croisées une seule fois en cinq jours, il sera grand temps que les deux équipes s’affrontent dimanche pour qu’on refasse le plein d’histoires et qu’on renouvelle la rivalité, voire l’hostilité opposant les deux clubs.