L’empreinte de Claude Julien
Canadiens jeudi, 9 mars 2017. 12:26 dimanche, 15 déc. 2024. 15:52Dès son arrivée, Claude Julien a été incisif, sa priorité était de resserrer le jeu défensif du Canadien de Montréal. Lorsqu’une formation est en pleine dérive, comme le Tricolore l’était il y a quelques semaines à peine, il faut simplifier son jeu et revenir à la base. Au hockey, cette fondation est la défense. Non seulement elle permet de neutraliser l’adversaire, mais c’est également par celle-ci que s’amorcent les relances offensives, d’où l’insistance de Julien sur l’importance d’améliorer cette facette du jeu.
Avec six gains d’affilée, le Canadien semble aujourd’hui avoir retrouvé le Nord, ayant remis le cap sur le droit chemin. Au cours de cette même séquence de six victoires, la Sainte-Flanelle n’a accordé qu’un maigre total de huit buts à ses adversaires, au plus grand soulagement de son entraîneur-chef. Ces résultats nous forcent à constater que tous les efforts déployés à rehausser le jeu défensif semblent désormais porter fruit.
Outre la tenue de Carey Price qui a retrouvé tout son aplomb, lui qui est même au cœur de théories du complot expliquant le congédiement de Michel Therrien, comment expliquer ce vent de changement?
D’entrée de jeu, il faut admettre qu’il n’existe pas de recette magique et que tous les systèmes se ressemblent drôlement à travers la LNH. Ce ne sont que de petits détails qui varient d’un entraîneur à l’autre, mais dans un circuit où la parité est si criante, ces mêmes petits détails font bien souvent la différence.
Sous les ordres de Michel Therrien, dès que le Canadien se trouvait en situation précaire dans sa zone défensive, ses joueurs avaient ordre de rejeter la rondelle en zone neutre, afin d’éviter de commettre un revirement pouvant mener ultimement à une chance de marquer pour l’adversaire. Résultat : le Canadien a été la quatrième formation de la LNH tentant le plus régulièrement de dégager son territoire sous Therrien, exécutant cette action 22,3 % du temps au moment d’orchestrer une sortie de zone.
La principale modification apportée par Claude Julien au système défensif du Canadien est à cet égard. Les hommes sous les ordres de Julien semblent plutôt avoir comme instruction de ne dégager leur territoire qu’en dernier recours. En effet, depuis le début de la présente séquence victorieuse, le Canadien n’a tenté de dégager son territoire défensif que 17,7 % du temps au moment d’organiser une sortie de zone. Il s’agit d’une baisse non négligeable de 4.5 %, ce qui fait du Tricolore la 19e formation ayant le plus régulièrement tenté d’exécuter cette manœuvre lors de cet intervalle.
En quoi cette différence de taux de tentatives de dégagement est-elle importante?
Premièrement, tant sous les ordres de Therrien que de Julien, plus de 30% des dégagements tentés par le Tricolore ont été interceptés par l’adversaire, permettant alors à celui-ci de poursuivre son attaque, alors que le Canadien se trouvait déjà en difficulté.
Deuxièmement, en tentant de dégager son territoire au lieu d’orchestrer une sortie de zone, le Canadien se défait du disque qui est ensuite majoritairement récupéré par l’équipe adverse. À ces occasions, le Tricolore n’a pas la chance de menacer son adversaire, comme il n’amorce pas de poussée offensive, ce qui a une incidence directe sur son rendement offensif.
En somme, cette différence de 4,5 % se traduit par un peu plus de quatre poussées offensives en moins pour le Canadien lors d’une rencontre, quatre séquences qui auraient pu se conclure par un but. Même qu’à l’inverse, à la suite d’une tentative de dégagement, c’est plus souvent qu’autrement l’adversaire qui récupère le disque et qui cogne à la porte.
Concrètement, à la suite de ce changement de système de jeu, les adversaires du Canadien ont passé en moyenne 32 secondes en moins par rencontre en possession de la rondelle en zone du Tricolore. Le Canadien a également accordé une chance de marquer en moins par partie, passant du 16e au 10e rang à ce chapitre. Comme le Canadien tente maintenant plus régulièrement d’exécuter une sortie de zone en conservant la possession du disque, l’adversaire a moins souvent le contrôle de la rondelle et il lui est impossible d’être menaçant sans celle-ci, ce qui explique les données mentionnées ci-haut.
En d’autres termes, comme le Canadien ne semble pas en mesure de récupérer la rondelle en zone neutre, le système de jeu mis en place par Julien semble davantage lui convenir que celui qu’avait implanté Therrien.
Toutefois, il ne faut pas s’y méprendre, il y a aussi des impondérables militant en faveur de Julien, qui n’ont rien à voir avec son système de jeu, en commençant par les performances de son cerbère Carey Price.
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Il saute également aux yeux que les joueurs offrent un effort beaucoup plus soutenu récemment, réalité dont Therrien n’a pas pu profiter à fin de son règne. Plus précisément, les joueurs du Canadien bloquent en moyenne 1,5 tir de plus par rencontre et leur taux de batailles à un contre un remportées en zone défensive a grimpé de 6,5%, eux qui sont plus enclin à se sacrifier comme jamais auparavant.
Cette amélioration peut s’expliquer par la portée du nouveau discours véhiculé par Julien, par le sentiment d’urgence d’impressionner le nouvel entraîneur afin de conserver sa place dans la formation et par la compétition créée à l’interne suite aux nombreuses transactions effectuées à la date limite. Peu de joueurs semblent avoir une place assurée dans la formation, alors même qu’Alexei Emelin a été laissé de côté face aux Canucks de Vancouver, lui qui avait pourtant évolué sur la première paire défensive en compagnie de Shea Weber pendant de longs mois. Tous semblent être sur le qui-vive, ce qui fait ressortir le meilleur de chacun.
Au début de chaque histoire d’amour, tout semble être au beau fixe. C’est généralement par la suite que les choses tendent à se compliquer, alors que chacun n’essaie plus de se présenter sous son meilleur jour, ayant déjà le sentiment d’avoir réussi son opération séduction. Le défi qui attend Julien sera justement de s’assurer que l’effort fourni par ses effectifs n’ait rien d’éphémère et s’inscrive dans la durée.