MONTRÉAL – Claude Julien prend tous les moyens pour s’assurer que lui et son équipe seront prêts à sauter dans la mêlée dès que la LNH donnera le feu vert. D’ici cette éventuelle reprise des activités, si reprise il y a, l’entraîneur-chef du Canadien priorise toutefois sa famille.

Avec son épouse Karen, leur fille aînée Katryna-Chanel, son frère Zachary et sa soeur Madyson que le couple a adoptés alors qu’il dirigeait les Bruins à Boston, Claude Julien s’est installé dans sa résidence estivale sur les berges du lac Rideau près de Smith’s Falls au sud-ouest d’Ottawa.

« Le coach du Canadien est positif »

« Nous sommes venus ici parce qu’il y a plus d’espace et parce que c’est plus tranquille. On prend tous les moyens pour rester en santé et éviter la Covid-19 », a convenu, mardi matin, l’entraîneur-chef dans le cadre d’une conférence téléphonique orchestrée par le Canadien.

Claude Julien demeure réaliste face à la pandémie et à ses conséquences tragiques. L’entraîneur-chef tente malgré tout de tirer le plus de positif possible de cette situation.

« Je ne me souviens pas de la dernière fois que nous avons eu autant de temps de qualité en famille. Durant la saison, le hockey ne donne pas beaucoup de répit. Même durant l’été, les activités familiales prennent beaucoup de place. Depuis trois semaines, nous sommes tous réunis. On passe nos journées ensemble. On a de longs soupers en famille. On écoute des films en soirée. Ça donne le temps de réfléchir à ce qui arrive et à ce qui nous arrivera une fois la pandémie passée. C’est comme si on revenait 40 ou 50 ans en arrière. Je ne veux pas trahir mon âge, mais j’ai déjà vécu sans four à micro-ondes. Il y a des valeurs qui ont été mises de côté par le rythme de vie d’aujourd’hui », philosophait le coach du Tricolore.

Un coach qui fait contre mauvaise fortune bon cœur face aux restrictions imposées pour contrer la pandémie.

« J’aimerais bien pouvoir aller jouer au golf de temps en temps surtout dans le cadre d’une belle journée comme aujourd’hui. Mais j’aime mieux me concentrer sur les choses que le confinement me permet de faire alors qu’en temps normal je n’aurais pas le temps de faire que sur les choses dont je suis privé. »

Au lieu de peaufiner des plans de match avec ses adjoints, Claude Julien supervise, avec son épouse, les travaux scolaires auxquels les enfants ne peuvent se soustraire malgré l’arrêt des classes. « Katryna suit des cours par téléconférence tous les jours et Zachary a des devoirs à compléter. »

Pas de retour hâtif

Claude Julien ne sait pas si, quand ou comment la LNH reprendra ses activités. Comme tout le monde, il a esquissé plusieurs scénarios, mais il s’en remet à Gary Bettman et aux autorités de santé publique pour prendre les décisions finales.

L’entraîneur-chef a toutefois une opinion bien arrêtée sur un point : « Je ne veux pas revenir tant qu’il y aura des risques pour les joueurs ou les partisans. »

Voit-il un point de retour après lequel il serait inutile, voire contre-productif, de tenter de compléter la saison 2019-2020?

« Je crois qu’il est très possible de jouer du hockey d’été. On pourrait avoir une fin de saison et des séries qui prendraient fin en août. Avoir une pause en septembre, des camps en octobre et une saison dont le calendrier pourrait être revu. On pourrait faire sauter le congé associé à la pause du match des Étoiles et étendre la saison un peu de manière à avoir un retour à la normale en 2021-2022. Mais on est encore loin de tout ça. »

Parallèlement aux activités familiales, Claude Julien travaille. Il analyse son équipe, tente de trouver des solutions aux problèmes qui ont miné la saison, des solutions qui pourraient être utiles si le Canadien est appelé à compléter sa saison, voire à prendre part à un tournoi organisé pour remplacer les séries éliminatoires telles qu’on les connaît depuis toujours.

« J’ai tout l’équipement nécessaire pour consulter des bandes vidéo de notre équipe et des autres formations. Je dois rester à point. Je dois être prêt. Je ne sais si on va reprendre le calendrier. Encore moins quand! Mais si ça arrive, je ne veux pas être pris au dépourvu. On a vécu ce genre de situation en 2013 avec le lock-out. On se préparait sans savoir quand on allait reprendre le travail. Je ne mentirai pas et dire que je travaille 12 heures par jour, mais je fais les suivis qui sont nécessaires. »

Contacts avec ses joueurs... et ses rivaux

Claude Julien parle bien sûr à ses adjoints sur des bases régulières. Il a aussi échangé avec quelques-uns de ses joueurs afin qu’ils soient, comme lui, prêts à reprendre les activités dès que le rappel sera lancé.

« Nos joueurs ont des plans d’entraînement personnel à respecter. Bien que plusieurs soient rentrés chez eux – en Europe, aux États-Unis, ailleurs au Canada – ils ont les moyens de demeurer en forme. Je tiens à ce que leur santé et celle de leurs proches soient leur propriété. Qu’ils prennent tous les moyens pour bien se protéger. Mais ils ont la responsabilité de nous revenir en forme. On compte sur un groupe de joueurs très responsables. Et ils nous reviennent déjà en grande forme après les pauses estivales. Ce sera la même situation une fois qu’on aura traversé cette pause. Surtout qu’on a déjà obtenu la garantie qu’il y aura une période de préparation avant la reprise des activités. »

S’il est normal que Claude Julien échange avec Kirk Muller, Dominique Ducharme, Luke Richardson, Stéphane Waite et les autres membres de sa garde rapprochée, l’entraîneur-chef du Canadien a admis candidement qu’il échange aussi régulièrement avec quelques-uns de ses rivaux.

Que ce soit au téléphone ou devant l’ordinateur, Claude Julien partage des informations avec des rivaux comme Jon Cooper (Lightning), Barry Trotz (Islanders), Peter DeBoer (Golden Knights) et d’autres entraîneurs-chefs de la LNH. Mike Babcock et Ken Hitchcock se joignent aussi au groupe.

« On se rencontre déjà une fois l’an lors d’une grande conférence qui se tient pendant le repêchage – les coachs de la LNH, ceux qui tentent d’y revenir, des ligues mineures et des rangs juniors prennent part à cette rencontre – et cette conférence sera sans doute annulée cette année. On a du temps pour le faire, alors on échange sur la situation actuelle, on discute de nos stratégies afin de maximiser le rendement des joueurs au retour. On garde contact avec nos différentes réalités. C’est très intéressant », a précisé Claude Julien qui ne voit rien de périlleux à échanger comme il le fait avec des rivaux.

« Les temps ont changé. On ne travaille plus en cachette. Nous connaissons tous les systèmes de jeu des autres équipes. C’est assez facile à voir et à comprendre. Il y a beaucoup de positif à tirer de ce genre de rencontre », a plaidé l’entraîneur-chef du Canadien.

Julien et ses homologues ont-ils dressé un portrait de ce que sera le hockey, voire le sport professionnel, une fois la COVID-19 vaincue ou à tout le moins contrôlée.

« Il y a beaucoup d’inconnu à ce niveau. Je ne sais pas comment on vivra tout ça. Les amphithéâtres seront-ils pleins? Je ne sais pas. Mais je demeure convaincu que la société a besoin du sport professionnel. Que ce soit, le hockey, le baseball, le basket ou le football, les sports vont aider à remonter le moral de tout le monde. C’est pour ça que je suis quand même optimiste. Je suis aussi réaliste et je suis convaincu qu’il y aura des séquelles sur bien des aspects. Mais ça va rebondir un moment donné. »