Quel qualificatif justifierait le mieux les deux derniers matchs au cours desquels le Canadien a joué sa saison sans jouir de la moindre marge de manoeuvre? Spectaculaire? Impensable? Incroyable?

Le terme incroyable convient parfaitement. Vraiment difficile de croire tout ce que nous avons vu au cours des derniers jours. Même en se donnant totalement comme ils l'ont fait deux fois en trois soirs, on ne peut pas ignorer que les vaillants joueurs de Michel Therrien se battaient contre les champions de la ligue, une équipe qui a fait la loi durant toute la saison et qui a fermé les livres 17 points devant ses éternels rivaux de Montréal. En séries, c'est le Canadien qui a fait la loi.

J'avais écrit à la veille de cet autre match époustouflant que tous les espoirs du Canadien reposaient sur Carey Price à l'occasion de cette partie décisive parce que je ne croyais pas qu'une équipe, qu'on imaginait petite, pouvait dépenser la même énergie et afficher la même rage de gagner deux matchs de suite. Lundi, le Canadien avait puisé très profondément au fond de lui-même pour vaincre les Bruins qui semblaient pourtant avoir repris confiance après deux victoires de suite, dont une par jeu blanc. Comment le Canadien pouvait-il répéter ce que tout le monde considérait comme sa plus grande performance de la saison? Il y est parvenu, ce qui justifie amplement le terme I-N-C-R-O-Y-A-B-L-E.

Price a été bon, très bon même. Nettement plus efficace que son vis-à-vis Tuukka Rask durant la série et durant le septième match au cours duquel il a paru nerveux et pas très sûr de lui. Le langage corporel de Price a influencé le jeu de ses coéquipiers d'une façon marquante. Price semblait si confiant en ses moyens que chacun des combattants autour de lui pouvait se concentrer sur ce qu'il avait à faire sans s'inquiéter du reste.

C'était la cinquième fois que Price gagnait un match sans lendemain cette saison, soit trois fois aux Jeux olympiques, de même que dans les sixième et septième matchs de cette série. Il a paru avoir disputé un match relativement facile parce qu'il est toujours posté au bon endroit et qu'il n'accorde pas de retours de lancers, ce qui facilite la tâche de tout le monde. Il a expliqué ce qui vient de se passer par le fait qu'il a confiance en ses coéquipiers et que ses coéquipiers ont confiance en lui. Le Canadien est une équipe qui ne peut pas être intimidée, selon lui.

Il a aussi expliqué la confiance de l'équipe en ces termes : « Nous nous sommes comportés de la même façon durant toute la saison, a-t-il dit. Nous ne regardons jamais trop loin devant et nous ne regardons jamais derrière. »

Plusieurs joueurs de la ligue en ont arraché après les Jeux olympiques. Price, qui n'a pas ralenti la cadence, présente une fiche de 25-7-1 depuis les Jeux.

Des héros obscurs

Avant ce match, P.K. Subban avait déclaré que les grands joueurs veulent faire la différence dans un affrontement de cette importance. Par conséquent, on allait savoir ce soir-là qui étaient les grands joueurs dans les deux camps.

Max Pacioretty, David Desharnais et P.K. SubbanIl y a eu des héros aux quatre coins de la chambre. Il y a eu Price, bien sûr, par qui tout arrive. Si on reste dans le registre des grands joueurs, il y a eu Subban qui est toujours très à l'aise dans un rôle de premier plan. Subban a été Subban, tout simplement. Il a menacé, il a frappé et il a contribué à rendre les Bruins hésitants à cause de ses descentes endiablées et de ses tirs foudroyants. Il a totalement éclipsé Zdeno Chara durant la série. La tour infernale des Bruins a été lente et souvent malhabile lors des deux derniers matchs durant lesquels elle aurait normalement dû faire la différence.

Il y a eu une vedette logique, mais quand même improbable compte tenu de son emploi du temps réduit et de la confiance mitigée de son entraîneur, Daniel Brière. Le petit attaquant, qui se comporte en véritable professionnel, y est allé d'une passe directement sur le ruban gommé du bâton de Dale Weise pour le premier but de la soirée et il a cassé les reins des Bruins avec le but d'assurance avec moins de trois minutes à jouer. Va-t-on finir par comprendre que Brière est là pour une raison? En connaissez-vous beaucoup des joueurs de quatrième trio capable d'effectuer une passe comme celle qui a mené au premier but?

On est allé le chercher pour accomplir précisément ce qu'il vient de faire. Il n'est pas toujours dangereux, mais il est capable de frapper à n'importe quel moment. C'est une question d'instinct et d'habileté naturelle. Il a peut-être 36 ans, mais il a des mains comme en possèdent peu de ses coéquipiers.

Max Pacioretty, de son côté, s'est réveillé juste à temps dans cette série. Hier, il a obtenu son 12e but gagnant de la saison, mais plus important encore, il a contribué à garder le Canadien en vie en accumulant deux buts et quatre points au cours des trois dernières parties après avoir été écrasé sous le poids de la critique.

Au nombre des héros obscurs, ajoutez le nom de David Desharnais qui a disputé un match colossal. Il a étourdi la défense des Bruins, y compris le gros Chara contre lequel il n'a été nullement intimidé.

Dale Weise en est un autre. Il a encore une fois fait une différence à l'attaque avec son troisième but des séries, lui dont on attendait surtout des coups d'épaule au sein d'un quatrième trio.

L'aubaine de l'année

Et que dire de Mike Weaver qu'on a obtenu pour une chanson et dont le courage n'a d'égal que sa combativité. Sa fiche de plus-7 est la meilleure de l'équipe. Durant la dernière minute de jeu de ce match, alors que les Bruins donnaient tout ce qu'ils avaient, il était sur la glace pour protéger l'avance de l'équipe. Weaver a été obtenu en retour d'un cinquième choix de repêchage. Ce choix se situera dans les alentours du 150e rang. Vraiment l'aubaine de la saison pour Marc Bergevin.

Pour que le système du Canadien soit aussi efficace, il a fallu que chaque joueur y contribue à sa façon. Patrice Bergeron n'a obtenu aucun point au cours des trois dernières parties. On ne réussit pas ça souvent contre ce grand leader qui a l'habitude de se lever quand les Bruins sont en difficulté. Levons notre chapeau à son ombre, Tomas Plekanec, qui mériterait de gagner le trophée Frank-Selke un jour, trophée que gagnera sûrement Bergeron cette saison.

Je pense aussi à Brian Gionta dont la rapidité et l'énergie ont permis de briser plusieurs jeux menaçants des Bruins. Il a porté avec panache le C sur son chandail. C'est toujours gratifiant de voir un vétéran oublier son âge en devenant une indispensable source d'inspiration.

On peut en dire autant de Jarome Iginla qui a probablement été le joueur des Bruins le plus dominant dans cette série. Dans l'espoir de gagner une coupe Stanley, il avait choisi les Penguins au lieu des Bruins l'an dernier. Mauvais choix. Cette saison, il a profité de son autonomie pour tenter sa chance avec Boston. Sa coupe Stanley attendra encore.

Le Canadien a mis fin aux espoirs des Bruins de remporter une autre coupe Stanley parce qu'il a formé l'équipe la plus rapide. De vraies comètes, les Rouges. Boston a peiné durant toute la série en tentant de s'ajuster à l'arme de prédilection du Canadien, mais sans grand succès.

Il y a deux choses que les Bruins n'avaient pas prévues dans leur préparation pour cette série. Ils ne s'attendaient pas à ce que l'attaque à cinq du Canadien, amorphe dans les derniers moments de la saison, soit aussi opportuniste (sept buts). Ils s'attendaient encore moins à se faire frapper aussi rondement par les joueurs du Canadien qui, en principe, ne devaient pas faire le poids.

Le Canadien a beaucoup appris de l'hécatombe du deuxième match quand les Bruins ont inscrit quatre buts dans les 10 dernières minutes pour voler une victoire que le Tricolore semblait avoir dans la poche. Au cours des cinq parties qui ont suivi, les Bruins ont été limités à deux buts en troisième période. Ils n'en ont obtenu aucun pendant que le Canadien tentait de sauver sa peau durant les deux dernières rencontres.

La porte s'ouvre maintenant pour le Canadien. Cela ne sera pas facile contre les Rangers de New York, mais les Bruins représentaient un adversaire potentiellement plus dangereux. Il y a certes de l'espoir pour une première présence en finale de la coupe Stanley depuis 1993, mais comme l'a précisé Carey Price, l'une des raisons des succès du Canadien, c'est de ne jamais regarder trop loin en avant.

Le club des ex

Il y avait un élément d'intérêt additionnel dans ce septième match. Claude Julien et Michel Therrien se battaient pour avoir l'occasion d'affronter Alain Vigneault durant la ronde suivante. Ces trois excellents entraîneurs ont un point en commun. Ils ont tous été congédiés par le Canadien. Lors de sa nomination à la tête du département hockey du Canadien, Marc Bergevin avait insisté sur l'importance d'instaurer de la stabilité parmi les hommes de hockey, Bergevin étant lui-même le quatrième directeur général en 12 ans à ce moment-là.

Il n'y aura aucun remerciement au Centre Bell cet été.