Champion de sa division avec 110 points, protégé par Carey Price qui vient de compléter une saison historique de 44 victoires, une saison qu’il auréolera sans doute des trophées Hart, Vézina en plus du trophée Jennings qu’il partage avec Corey Crawford des Blackhawks de Chicago, mené en défense par P.K. Subban et Andrei Markov, l’un des meilleurs duos de la Ligue au grand complet et en attaque par Max Pacioretty, le Canadien méritait un bien meilleur sort en première ronde des séries.

Contre les inquiétants Penguins de Pittsburgh, contre les mal-nantis devant le filet Red Wings de Detroit, contre les trop lents Bruins de Boston, voire même les Islanders de New York, le Canadien aurait survolé cette première ronde comme il a survolé la saison régulière : sans trop de problèmes.

Mais les Sénateurs…

Les Sénateurs peuvent faire mal au Canadien. Ils l’ont prouvé il y a deux ans en sortant Montréal des séries dès la première ronde.

Plusieurs diront que les Sens l’ont prouvé tout au long de la saison régulière en battant Montréal trois fois en quatre duels. Trois victoires au cours desquelles les Sénateurs ont marqué 13 buts en n’en ont concédé que cinq.

C’est d’ailleurs lors de la victoire du 18 février dernier, dans le cadre du premier départ en carrière dans la LNH d’Andrew Hammond, que les Sénateurs ont amorcé leur remontée historique. Car oui, c’est la première fois de l’histoire de la LNH qu’un club qui accusait un retard de 14 points sur la dernière place disponible en séries a pu combler ce retard. Ce fossé. Ce gouffre…

Mais si j’étais partisan du Canadien, je ne m’en ferais pas trop avec la fiche désastreuse de mon club face aux Sénateurs lors des trois derniers matchs de la saison régulière entre les deux clubs.

Pourquoi? Parce que Dustin Tokarski qui a gardé les filets comme un gardien de la Ligue américaine en deuxième moitié de saison et non comme un adjoint potable dans la LNH était devant la cage du Tricolore dans deux de ces trois revers. Et ce ne sera pas Tokarski devant le filet en séries. Du moins, on doit le souhaiter. Car si Tokarski doit venir en relève à Carey Price, le Canadien sera alors dans un merdier bien plus profond que celui dans lequel il se retrouve à l’aube de son duel contre les Sénateurs.

Avec Carey Price devant le filet, un Carey Price à la hauteur de sa saison record, le Canadien devrait logiquement gagner. C’est pour cette raison que je favorise Montréal contre Ottawa.

Eh oui! Je favorise le Canadien. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop. Et je lance ici ce message bien plus aux partisans du Canadien qu’à ceux des Sénateurs…

Oh! Ce ne sera pas facile. Ce pourrait même être très difficile. Sans oublier que les Sénateurs pourraient l’emporter. Mais dans le cadre d’un match sans lendemain, le gardien le plus expérimenté et la foule du Centre Bell guideront le Canadien vers la victoire.

Donc : Montréal en sept.

Renverser la logique

La logique, c’est une chose. La réalité en est une tout autre.

Si le Canadien se fie trop à son gardien comme il l’a fait très souvent cette année, si la défensive protège mal Carey Price et qu’elle permet aux Sénateurs de prendre le contrôle de la zone ennemie, si l’attaque massive du Tricolore est trop souvent passive et que les spécialistes du désavantage sont aussi poreux qu’ils l’ont été dans le dernier droit de la saison, la logique ne tiendra pas longtemps. De fait, elle ne tiendra pas du tout. Car les Sénateurs ont tous les outils pour la cisailler.

À commencer par Andrew Hammond.

Le gardien des Sénateurs est une anecdote en comparaison au gardien du Canadien. C’est vrai. Mais on ne peut lever le nez sur ce que Hammond a réalisé depuis le 18 février dernier.

Surtout qu’avec son dossier de 20 victoires, un revers en temps réglementaire et deux défaites en prolongation ou tirs de barrage, avec sa moyenne de 1,79 but alloué dans le cadre de ces 23 rencontres et une efficacité de 94,1 %, Hammond a non seulement été meilleur que Carey Price. Il a été l’un des meilleurs gardiens de la LNH au grand complet avec Devan Dubnyk du Wild du Minnesota.

Ce n’est pas rien. Et ce n’est pas tout.

Depuis le 18 février dernier, les Sénateurs ont trois marqueurs parmi les 10 meilleurs de la LNH.

Seul Jamie Benn (33 points en 25) qui a mis la main sur le trophée Art-Ross avec une soirée de 4 points lors du dernier match de la saison des Stars de Dallas a devancé la recrue Mark Stone des Sénateurs qui a marqué 13 buts et récolté 31 points en 27 parties.

Kyle Turris occupe le 6e rang avec 28 points – le même nombre que John Tavares qui a disputé 24 parties – en 27 rencontres.

Erik Karlsson complète le top-10 – il est aussi le meilleur défenseur de la LNH au cours de cette période – avec 24 points en 27 matchs.

P.K. Subban et Tomas Plekanec, avec 20 points en 26 rencontres, sont les meilleurs dans le camp du Canadien.

Parce que le Canadien a connu un début de saison sensationnel et une saison dépassant toutes les espérances comme l’a d’ailleurs confirmé l’entraîneur-chef Michel Therrien après la 50e victoire de son club, samedi, à Toronto, il est normal de croire que le Tricolore est de beaucoup supérieur aux Sénateurs.

Surtout que ces derniers ont eu besoin de jouer du hockey presque parfait et de profiter de la baisse de régime de quelques autres équipes pour accéder aux séries.

Mais depuis le 18 février, les Sénateurs n’ont rien à envier au Canadien. Non seulement ont-ils gagné plus de matchs, mais ils ont battu des adversaires plus redoutables que les victimes du Canadien.

Depuis le 26 février dernier donc, dans le cadre de ses 22 derniers matchs de la saison, le Canadien a maintenu une fiche de 11-6-5. Non seulement il n’a rien cassé, mais le Tricolore n’a battu que deux clubs qui sont en séries – Islanders et Red Wings – dans le cadre de ses huit gains.

Les Sénateurs? Pour maintenir leur sensationnelle fiche de 16-3-3 à leurs 22 dernières parties de la saison, ils ont dû battre au passage huit clubs de séries : Winnipeg, Calgary, Montréal, Detroit, New York – autant les Rangers que les Islanders – Tampa et Washington.

D’où le spectre d’une série qui sera longue et difficile pour Carey Price et le Canadien.

Vitesse contre robustesse

Il y a deux ans, le Canadien s’est fait sortir par les Sénateurs pour quatre raisons : Carey Price n’a pas été à la hauteur de ses capacités et il a été surclassé par son vis-à-vis Craig Anderson; les gros défenseurs des Sénateurs ont bardassé à qui mieux mieux les attaquants du Canadien comme se souvient très bien Lars Eller, qu’Eric Gryba a sorti de la série dès la première rencontre avec une mise en échec percutante au centre de la glace; Mike Zibanejad a complété une remontée qui a cassé les reins du Canadien avec un but controversé – mais qui était clairement bon – marqué avec le patin; sans oublier que Paul MacLean a sorti tous les trucs du métier – dont un temps d’arrêt en fin de rencontre alors que son équipe était assurée de la victoire – pour gagner son duel contre Michel Therrien.

Mercredi, MacLean suivra le match à la télévision.

Michel Therrien, qui a pris beaucoup de maturité depuis cette sortie hâtive de son équipe, un club qu’il a d’ailleurs conduit en finale d’association l’an dernier, est bien mieux outillé pour faire face à Dave Cameron qui a orchestré, avec Andrew Hammond, la remontée des Sens jusqu’aux séries.

La clef de la victoire du Canadien ou des Sénateurs ne se trouve toutefois pas derrière le banc.

Therrien et ses adjoints, comme Cameron et les siens, prépareront très bien leur club. C’est clair. Mais c’est le club qui répondra le mieux qui gagnera.

Si Price est supplanté par Hammond comme il l’a été par Anderson il y a deux ans – sans oublier que le vétéran gardien pourrait revenir en force si le « Hamburglar » devait soudainement se dégonfler – le Canadien sera en vacances la semaine prochaine.

Si les gros et teigneux Sénateurs empêchent le Canadien de déployer sa vitesse, le Canadien sera en vacances la semaine prochaine.

Si Erik Karlsson est meilleur que P.K. Subban, le Canadien sera en vacances la semaine prochaine.

Si Mark Stone, Kyle Turris et Clarke MacArthur permettent à l’attaque bien plus anonyme des Sénateurs d’être plus productive – ils ont quand même cinq marqueurs de 20 buts, soit un de plus que Montréal – que celle du Canadien, peu importe que Max Pacioretty soit en uniforme ou non, le Canadien sera en vacances la semaine prochaine.

Si Jean-Gabriel Pageau continue à faire souffrir le Canadien et que Bobby Ryan sort de sa torpeur – il n’a que 18 buts à son actif cette année –, le Canadien sera en vacances la semaine prochaine.

Si Lars Eller, qui a connu une belle progression au cours du dernier mois, disparaît maintenant qu’il se retrouve devant les Sénateurs, le Canadien sera en vacances la semaine prochaine, car le Tricolore aura besoin de la contribution de ses troisième et quatrième trios pour gagner. Des troisième et quatrième trios qui sont moins productifs à Montréal qu’à Ottawa.

Si la bulle dans laquelle les Sénateurs vivent des moments de gloire depuis le 18 février résiste aux tentatives du Canadien et de ses partisans de la faire éclater, ce sont les Sens et non le Tricolore qui passeront en deuxième ronde.

Voilà la question importante : cette bulle pourra-t-elle résister à la pression des séries?

Personne ne peut répondre.

Comme personne ne peut vraiment évaluer la valeur réelle de la motivation des joueurs des Sens associée au fait que leur directeur général Bryan Murray tienne tête au cancer qui le mine depuis plus d’un an et que leur entraîneur adjoint Mark Reeds soit dans une situation plus précaire contre cette damnée maladie.

Vrai que c’est le Canadien qui a la pression de gagner cette série. Presque toute la pression. Le Canadien, Carey Price et P.K. Subban doivent prouver que leur saison historique n’est pas le fruit du hasard et de quelques miracles – plusieurs en fait – réalisés par le meilleur gardien de la Ligue.

Les Sénateurs ont peu ou pas de pression. Ils ont déjà gagné leur coupe Stanley en accédant aux séries. Ça devrait les aider. Et ça les aidera beaucoup s’ils surprennent le Canadien dans l’un ou l’autre des deux premiers matchs disputés à Montréal. Ça les aidera énormément s’ils devaient surprendre le Canadien lors de ces deux premiers matchs. Ce qui serait une catastrophe pour le Tricolore.

Mais bien que ça risque d’être difficile, bien que plusieurs statistiques et faits saillants tendent à favoriser Ottawa, il m’est très difficile de tourner le dos à Carey Price dans le cadre d’une série de sept matchs.

D’où ma prétention selon laquelle la logique devrait finalement l’emporter sur les émotions et ma prédiction donnant le Canadien gagnant en sept longues parties.