Dommage qu’un engagement important ait empêché Shea Weber de participer à son premier bain de foule montréalais dans le cadre du tournoi de golf annuel du Canadien.

Le feu nourri des caméras sur le gazon manucuré du chic club de golf de Laval-sur-le-Lac lui aurait fourni un très bon aperçu de la responsabilité qui lui incombera dorénavant dans un milieu tellement différent de celui qu’il a connu au cours des 11 dernières années.

Remarquez qu’il a déjà une bonne idée de quoi seront meublées les saisons qu’il passera dans ce chandail. Il serait très étonnant que cela le préoccupe. Weber a passé une carrière entière à contrôler ce qui se passe dans son environnement.

S’il était un membre des Blackhawks, Jonathan Toews s’inspirerait de lui. S’il était un défenseur des Penguins, Sidney Crosby conseillerait à ses coéquipiers de l’observer attentivement. Il est à Montréal et Max Pacioretty, lui-même capitaine, s’en réjouit à son tour. Quelle coïncidence que Marc Bergevin ait pu faire son acquisition quelques jours à peine après que Weber se soit vu remettre le trophée Mark Messier, remis annuellement à celui qui exerce le plus grand leadership, sur la glace comme à l’extérieur, dans la Ligue nationale! On l’a préféré à Alexander Ovechkin et à John Tavares.

Bien sûr, ce n’est pas encore gagné pour lui dans le coeur des partisans du Canadien et encore moins dans celui des plus grands fans de P.K. Subban. Cette transaction a provoqué une onde de choc à Montréal et a fait des malheureux à Nashville où Weber était l’élément rassembleur dans le camp des Predators. La réaction a été compréhensible ici où les amateurs ne connaissaient de Subban que ce qu’ils avaient vu de lui sur la glace ou dans ses soirées mondaines. Néanmoins, on paie très cher pour assister à des matchs de hockey et Subban était souvent celui qui animait le spectacle. C’est probablement en imaginant ce qu’ils allaient manquer comme manoeuvres excitantes sur la patinoire que certains étaient prêts à sortir Bergevin de la ville.

Pour expliquer sa transaction, il ne fallait pas s’attendre à ce que le directeur général lève le voile sur ce qui se passait dans le vestiaire. Le public était si furieux qu’il aurait été imprudent de sa part d’en remettre sur Subban. Il a été un élément dérangeant, même si on a tout tenté à l’interne pour entourer du plus grand secret ce qui se passait dans la chambre. Pendant que les joueurs essayaient de se concentrer sur leur prochaine partie, c’était souvent sa voix qu’on entendait. Et c’était pas toujours pour s’impliquer dans le plan de match.

Subban voulait gagner autant que les autres, pas de doute là-dessus, mais il représentait avant tout une PME, la sienne. On se demande si, dans l’histoire de la Ligue nationale, un athlète a déjà fabriqué et véhiculé sa propre marque de commerce avec autant d’intensité. Pourtant, de très grands joueurs auraient pu se le permettre. Qui a déjà possédé sa marque personnelle de vêtements? Qui a déjà dessiné ses propres patins? Qui a déjà porté fièrement une casquette plaçant son nom avant le logo de l’équipe?

Le mécontentement s’est atténué

Subban a accompli de grandes choses au profit des enfants malades du Québec. Il a été différent sur ce plan-là aussi. Les 10 millions de dollars qu’il s’est engagé à injecter dans la Fondation de l’hôpital de Montréal pour enfants est un geste dont on n’avait jamais été témoin dans le passé et qu’on ne reverra plus jamais dans l’avenir. Bravo, s’était exclamé le propriétaire Geoff Molson qui y avait vu un certain rayonnement sur l’organisation. Bergevin et Michel Therrien, eux, étaient restés de glace parce que leurs priorités étaient ailleurs. C’était Subban le joueur d’impact, plus que le philanthrope, qui les intéressait.

Le vent de mécontentement suscité par la transaction s’est quelque peu atténué depuis qu’on observe Weber de près à la Coupe du monde. Cependant, il faudra y mettre le temps avant que les pro-Subban reconnaissent que le Canadien a réussi une transaction profitable. Ce qui a un peu calmé la donne, ce sont les commentaires entendus un peu partout dans la ligue concernant ce que le nouveau défenseur du Canadien apportera à son équipe. Des déclarations faites par des entraîneurs réputés et par quelques-unes des plus grandes vedettes du circuit. Si toutes ces fleurs avaient été lancées par la direction du Canadien, on les aurait prises avec un grain de sel, mais tant de gens compétents associés au hockey ne peuvent pas tous être dans l’erreur.

À six pieds quatre pouces et 240 livres, Weber est intimidant quand il joue du bâton pour faire le ménage devant le filet. On a enfin trouvé un colosse capable de décourager ceux qui se plaisent à bousculer un gardien qui représente le pain et le beurre de l’organisation. Price voit arriver un élément comme il en a peu vu depuis son arrivée à Montréal. Weber sera son garde du corps. Il s’est d’ailleurs porté à sa rescousse à quelques occasions durant le match de mardi contre les États-Unis. Gare à ceux qui s’aviseront de le bousculer ou de lui tomber dessus dans un but bien précis. Price sera peut-être un gardien encore supérieur en se sentant aussi solidement protégé.

Ce n’est pas la première fois qu’on considère Weber comme un athlète indispensable dans les cercles du hockey. Quand il était joueur autonome avec compensation, on se rappelle que les Flyers de Philadelphie lui avaient proposé une entente hors du commun afin de s’assurer que les Predators, dans leur petit marché de hockey, ne puissent pas l’égaler. Une entente de 110 millions $ pour 14 ans à laquelle on avait greffé un boni de 13 millions à la signature et un versement obligatoire de 28 millions au cours des deux premières saisons.

Les Predators s’étaient déculottés pour honorer cette offre hostile car sans Weber, ils craignaient un profond désintéressement de leur public. Si les Predators avaient refusé de le faire, les Flyers auraient été dans l’obligation de leur céder quatre choix de première ronde en cinq ans. Or, le directeur général David Poile avait jugé que cette compensation n’avait rien de comparable avec ce que Weber leur apportait déjà.

C’est au tour du Canadien de lui reconnaître une grande valeur. On a sorti du vestiaire un grand athlète, mais un joueur tapageur, pour le remplacer par un pan de mur silencieux qui commande le respect par sa seule présence. Weber a ce qu’il faut pour aller à la guerre. En fait, avec Carey Price et lui, le Canadien possède deux athlètes qui se ressemblent. Ces deux-là sont calmes et en contrôle, peu importe la situation.

Le commentaire le plus drôle entendu depuis l’acquisition de Weber a été celui de Pacioretty la semaine dernière. Il a raconté l’avoir croisé par hasard à quelques heures d’un match disputé par l’équipe du Canada. Il affichait son visage des jours sombres.

« Ça faisait peur », a-t-il dit.

Et il ne s’agissait que d’un match préparatoire.

On n’aurait pas parié là-dessus il y a deux mois, mais Weber devrait recevoir une ovation chaleureuse lors de la présentation des joueurs, à l’occasion du match inaugural du calendrier. Il aura certainement droit à un préjugé favorable du public, ce qui n’aurait pas été le cas au moment de la transaction.