Nathan Beaulieu va bien.

Après avoir complété le match de mardi en dépit du coup de poing qui l’a envoyé au tapis en fin de période médiane, le défenseur était de retour avec ses coéquipiers à l’entraînement mercredi matin. Exception faite de l’œil au beurre noir qu’il affichait en dessous de l’œil gauche, Beaulieu ne donnait aucun signe de complication.

Il s’agit d’une très bonne nouvelle. Autant pour le jeune arrière qui aura bientôt 23 ans que pour son équipe qui a bien besoin de lui.

S’il a convenu avoir été sonné par le coup de poing qui lui a asséné Nick Foligno, Beaulieu assurait ne jamais avoir perdu conscience. Ce qui est une autre bonne nouvelle.

Comment peut-on protéger les joueurs?

« J’ai été examiné par les médecins entre la deuxième et la troisième période. Je l’ai été aussi après le match. J’ai suivi à la lettre le protocole (de détection des commotions cérébrales) et j’ai passé le test sans problème. J’étais en forme pour jouer en troisième période. J’étais en forme pour m’entraîner ce matin et je serai en uniforme demain », a lancé le défenseur qui s’est retrouvé au centre de l’attention médiatique bien malgré lui.

« Je comprends que les commotions représentent un sujet délicat en ce moment. Je comprends qu’elles sont l’objet d’une attention spéciale. Mais j’ai été secoué bien plus violemment cette année, par des coups qui sont pourtant passés inaperçus. J’ai été sonné, mais je n’ai jamais perdu conscience. Comme joueur de hockey, je sais analyser mon état. Ce que vous devez comprendre aussi, c’est qu’il est impossible aujourd’hui de fausser les résultats de ces tests. Si je les ai passés avec succès, c’est que j’étais en bonne forme. C’est tout ce qui compte et on devrait passer à autre chose », a conclu Beaulieu.

Lorsque j’ai fait remarquer au jeune défenseur que les quelque 100 joueurs qui sont en guerre légale avec la LNH pour dénoncer le manque de sérieux que le circuit affichait à l’égard des coups à la tête et à leurs conséquences néfastes tenaient justement des discours semblables au sien il y a 15, 20, 25 ans, Beaulieu a répliqué : « Dans leur temps, il n’y avait de tests comme ceux que j’ai passés hier. Je t’assure qu’il n’est plus possible de fausser les résultats de ces tests. C’est une très grosse différence ».

Protocole à corriger

Nathan Beaulieu a donc évité le pire. Tant mieux. L’incident le concernant est maintenant clos. Du moins on l’espère.

Il en va tout autrement avec le protocole visant à déceler les commotions cérébrales afin de garder loin de l’action les joueurs qui en sont victimes. Un protocole qui a soulevé plus de questions qu’il n’a apporté de réponses rassurantes lors de l’incident Beaulieu.

Devrait-on s'inquiéter pour Beaulieu?

Comme je l’écrivais après la victoire du Canadien, un observateur mandaté par la LNH suivait le match de mardi entre le Canadien et les Blue Jackets. De la galerie de presse, il n’a pas jugé bon d’ordonner aux médecins du Tricolore de rapatrier Beaulieu au vestiaire au lieu de le laisser au cachot pour purger sa pénalité majeure.

Vrai que les médecins du Canadien auraient pu prendre cette décision sans être sommés de le faire par l’observateur. Mais parce que la responsabilité initiale va à l’observateur, la LNH a confirmé, par le biais du commissaire adjoint Bill Daly, que le Tricolore a bel et bien suivi les paramètres du protocole.

C’est là que la Ligue nationale doit ajuster le tir. Car il est anormal, voire inacceptable, de constater le flou entourant ces observateurs.

Certains sont choisis par les équipes. D’autres par la Ligue qui vient en relève aux équipes qui ne veulent pas être mêlées à ces décisions. Ces « spotters » n’ont pas à être assis au niveau de la glace. Ils peuvent être juchés sur la galerie de presse pourvu qu’ils soient en mesure de voir les reprises offertes par les diffuseurs afin de regarder les réactions des joueurs frappés à la tête et de vérifier un à un les critères inscrits sur la liste de détection établis par la LNH.

Quels sont ces critères?

-       difficulté à se relever après avoir encaissé un coup
-       porter les mains à la tête après avoir encaissé un impact
-       possible perte de conscience
-       déséquilibre évident, peine à se tenir sur ses jambes
-       regard hagard

Si l’un ou l’autre des trois derniers critères est relevé par ledit observateur, le retrait du match du joueur indisposé doit être immédiat.

Les échos de l'entraînement du CH

C’est, à mes yeux, ce qui aurait dû se passer en fin de deuxième période lorsque Beaulieu a été sonné par le capitaine des Blue Jackets. On pourra débattre longtemps le fait que Beaulieu ait, ou non, été mis K.-O. par Foligno. Il était toutefois clair et net que Beaulieu n’était pas en mesure de se tenir sur ses jambes et qu’il affichait un déséquilibre évident lorsqu’il a été en mesure de se relever.

Si Beaulieu avait été conduit au vestiaire au lieu de se rendre au cachot – de toute façon il n’a pas rejoué de la période –, personne n’aurait remis en question la décision qui a conduit à son retour au jeu au dernier tiers.

Le fait d’avoir été conduit au vestiaire l’aurait en plus assuré d’un environnement plus adéquat que le banc des pénalités contrairement aux prétentions de l’entraîneur-chef Michel Therrien selon qui « il n’y a pas grand-chose de différent entre le fait de passer cinq minutes au banc des pénalités ou de les passer sur une chaise berçante dans la chambre noire ».

Notons ici que la LNH ne considère pas que le Canadien a violé le protocole en prenant cette décision. Dans un courriel acheminé à mon collègue Frank Seravalli, de TSN, Bill Daly indique que l’important dans cette situation est que le joueur soit gardé hors de l’action tant qu’il n’a pas passé les tests. Ce qui est arrivé.

Qui sont les observateurs?

Plus encore que le flou relié à leur sélection, le flou relié aux compétences des observateurs soulève questions et inquiétudes.

Non seulement ces observateurs devraient tous, selon moi, être choisis par la LNH, mais ils devraient avoir la compétence nécessaire pour déceler les commotions et surtout l’autorité morale pour imposer leurs décisions aux médecins des 30 équipes.

Il est inquiétant de savoir que cette responsabilité est mise entre les mains d’officiels mineurs ici ou de personne aux compétences incertaines là. Des personnes qui s’en remettent à une liste fournie par la LNH et aux images retransmises par les diffuseurs pour établir leurs diagnostics.

Il me semble tout ce qui a de plus logique que ces observateurs aient des connaissances médicales. Peu importe qu’ils soient infirmiers, ambulanciers, voire médecins, ces « spotters » pourraient mettre leurs compétences et leur expérience au service de la protection des joueurs alors que pour l’instant cette responsabilité incombe à un observateur qui n’a que des reprises télévisées et une liste de critères comme outils de détection.

Ça semble bien mince.

Surtout à une époque où la LNH, comme tous les sports professionnels de contact, doit composer avec les contrecoups des commotions cérébrales subies par leurs joueurs et les poursuites civiles intentées par leurs ex-joueurs.

Ces questions devraient être débattues lors de la réunion des gouverneurs de la LNH, la semaine prochaine, en Californie. Des améliorations doivent être rapidement apportées de façon à donner plus de crédibilité aux démarches amorcées depuis quelques années par la LNH pour démontrer son sérieux dans la lutte aux coups à la tête et aux commotions qu’ils entraînent.

N’en déplaise à plusieurs, il serait peut-être grand temps également de remettre l’abolition des bagarres à l’ordre du jour.

Car si les bagarres étaient interdites dans la LNH, Nathan Beaulieu n’aurait pas été sonné en deuxième période mardi. Et après la rencontre, Michel Therrien aurait répondu le sourire aux lèvres – du moins je le crois bien – aux questions reliées à la victoire de son équipe plutôt que de répondre nerveusement et un brin ou deux maladroitement aux questions reliées au protocole instauré pour contrer les commotions cérébrales.