MONTRÉAL - Après une déclaration que Jeff Gorton a lue en français, le nouveau vice-président aux opérations hockey du Canadien de Montréal a imploré les partisans à faire preuve de patience.

« Quand j’ai commencé à jouer au golf, j’avais l’intention de devenir bon. Trente ans plus tard, je suis toujours aussi mauvais ! J’ai l’intention d’apprendre le français. Mon épouse m’a d’ailleurs déjà acheté une application qui m’aidera à apprendre. Mais il me faudra du temps et je ne sais pas à quel point je pourrai me débrouiller. Je vous demande donc d’afficher un peu de patience... »

 

Jeff Gorton veut être patient

De la patience, les partisans et les médias qui leur servent de courroie de communications avec les joueurs, les dirigeants et les hauts dirigeants du Tricolore en auront beaucoup.

 

Du moins en matière d’apprentissage du français.

 

Mais sur le plan des opérations hockey, les partisans seront beaucoup moins patients parce que leur patience a été mise à rude épreuve depuis la dernière conquête de la coupe Stanley en 1993.

 

Elle a été étirée à l’extrême par 10 exclusions des séries lors des 27 dernières saisons.

 

Le fait que leurs favoris soient non seulement en voie de rater les séries pour une 11e fois depuis la conquête de 1993, mais de connaître l’une des pires et peut-être même la pire saison de leur histoire, ne fait qu’attiser cette vague d’impatience.

 

Et non! La présence en finale de la coupe Stanley l’été dernier n’aidera rien à contenir cette impatience. Car loin de confirmer que le Canadien s’était bel et bien hissé parmi les bons clubs de la LNH, parmi les clubs qui peuvent légitimement prétendre avoir des chances de se rendre jusqu’au bout, la saison en cours a démontré que cette accession à la grande finale tenait bien plus de l’accident de parcours, que des conséquences d’une reconstruction solide.

 

Le nouveau patron des opérations hockey a été à même de réaliser l’intensité de l’impatience des fans, dès jeudi, lors du premier match de sa nouvelle équipe lorsqu’un partisan a «garroché» sur la patinoire un chandail et une casquette aux couleurs du Canadien en signe de dépit.

 

« C’était difficile à voir », que Gorton a répondu lorsqu’on lui a demandé sa réaction à ce geste d’abandon du partisan.

 

« L’équipe a perdu 19 de ses 25 premiers matchs. Je comprends la frustration de tous. Depuis mon arrivée, je sens les conséquences des défaites. Je sens la déception. Je sens la pression. Le poids des défaites est évident autant du côté des joueurs que des partisans. J’ai d’ailleurs d’abord pensé aux joueurs quand j’ai vu ce chandail sur la patinoire. C’était certainement difficile pour eux de voir ça. J’espère pouvoir utiliser mes connaissances pour changer la situation le plus rapidement possible », que Gorton a plusieurs fois répété.

 

Ducharme terminera la saison

 

En parlant du Canadien comme d’une grande organisation, en promettant qu’il fera tout en son pouvoir pour ramener la coupe Stanley à Montréal, Jeff Gorton a défilé les bonnes intentions de la même façon que Marc Bergevin et tous les autres directeurs généraux qui l’ont procédé à la tête du Canadien l’ont fait lors de leur première rencontre avec les médias et les partisans qu’ils représentent.

 

Les bonnes intentions c’est bien beau. Mais il faudra prendre les moyens pour les réaliser. Ou en réaliser le plus possible.

 

Seul maître à bord pour le moment, Jeff Gorton a levé le voile sur les moyens qu’il mettra de l’avant afin de maximiser ses chances de transformer les bonnes intentions défilées en point de presse en réalisations sur la patinoire.

 

Premier point important: il n’a pas l’intention de changer d’entraîneur-chef.

 

Dominique Ducharme a donc 57 matchs devant lui pour démontrer à son nouveau « boss » qu’il est en mesure de soutirer des performances positives des joueurs à sa disposition. Que ces joueurs ne l’ont pas déjà abandonné contrairement à ce que quelques performances plus désolantes que les autres ont laissé croire au fil des dernières semaines.

 

À moins que le Canadien ne perde ses 25 prochains matchs et qu’il devienne obligatoire de changer de coach, il serait injuste et inutile de congédier Dominique Ducharme.

 

Injuste parce que Ducharme mérite l’occasion de démontrer qu’il a les compétences pour faire ce job dans la LNH.

 

Inutile parce que tant que le nouveau VP aux opérations et son directeur général n’auront pas établi leur plan de relance et amorcé la longue liste de transactions et de changements qu’ils apporteront pour mener à bien cette relance, il ne sert à rien d’amener « leur » coach derrière le banc.

 

Et c’est le grand patron qui sera content. Déjà qu’il perd beaucoup d’argent et qu’il paye Claude Julien, Marc Bergevin et Trevor Timmins à ne rien faire, il n’aura pas à payer un autre coach alors qu’il aurait les deux patins sur la bavette du poële…

 

Stats avancées, développement, recrutement

 

Parce qu’il croit fermement au bien-fondé des statistiques avancées et qu’il donne du poids aux informations qu’elles catapultent bien qu’elles ne soient pas toujours le reflet de ce qu’on voit sur la patinoire, Jeff Gorton donnera un sérieux coup de barre dans cette direction.

 

Recrutement et développement : des forces de Gorton

Un coup de barre qui devra être suivi d’une grosse poussée en matière d’investissement, car le Canadien n’est pas, pour le moment, une organisation qui est très versée dans les statistiques avancées. Oui elles étaient utilisées. Mais elles l’étaient pour appuyer ou contredire, les relevés et analyses effectués dans le cadre de dépistage plus conventionnel. C’est à dire dans le cadre de regards directs sur les performances constatées sur la patinoire.

 

Les statistiques avancées sont à la mode. Elles ont certainement des informations valables à proposer. Il sera intéressant de voir de quelle façon le Canadien les utilisera à l’avenir pour mieux établir ses stratégies en matière de prise de décisions sur le personnel en place et sur celui qu’il courtisera afin d’améliorer les performances sur la patinoire.

 

Personnellement, je tends toujours à favoriser les analyses effectuées par des « hommes de hockey » qui sont en mesure de déceler les bonnes, les moins bonnes et les mauvaises habitudes des joueurs sur la patinoire que les statistiques aussi avancées soient-elles.

 

Mais bon! Les insuccès répétés du Canadien au fil des dernières années rendent difficile, voire impossible, le fait de s’opposer à ce «virage technologique» qu’entend orchestrer Jeff Gorton.

 

Le nouveau patron des opérations hockey a aussi insisté sur l’importance d’investir plus d’argent sur le développement des jeunes joueurs fraîchement repêchés et sur ceux qui donnent leurs premiers coups de patin au sein de l’organisation.

 

Personne ne s’en plaindra.

 

D’ailleurs, je n’arrive toujours pas à comprendre que les propriétaires du CH et des autres équipes ne soient pas plus soucieux qu’ils ne le sont de protéger les investissements colossaux en salaires qu’ils accordent à leurs joueurs.

 

Les jeunes comme les plus vieux.

 

Si j’étais le propriétaire du Canadien, je m’assurerais que les joueurs soient au sommet de leur forme physique. Ce qui ne semble clairement pas être le cas trop souvent depuis le début de la saison.

 

Je m’assurerais de suivis méthodiques sur leur nutrition, sur leurs habitudes de vie, sur tout ce qui pourrait être mis de l’avant en matière d’entraînement et d’encadrement pour maximiser leurs chances de réussite et minimiser les risques qu’ils soient minés par des ennuis hors patinoire.

 

Pendant des années, le Canadien était l’organisation phare de la LNH. C’était à Montréal que les joueurs étaient le mieux traités. Qu’ils étaient les plus bichonnés.

 

Ce n’est plus le cas aujourd’hui alors que le Canadien est devenu une organisation parmi les autres dans la LNH. Une organisation qui se fond dans la masse et qui n’impose plus le rythme.

 

Patrick Roy ne doit pas se faire trop d'illusions

En fin, Jeff Gorton a reconnu qu’il croyait à l’importance de repêcher des joueurs locaux. Il appliquera donc à Montréal, ce qu’il avait débord appliqué à Boston où il a fait son entrée dans la LNH, et ensuite à New York à titre de DG en ayant bien à l’œil les joueurs qui ont grandi à l’ombre des Bruins et des Rangers.

 

C’est une bonne nouvelle. Et ça devrait rassurer les fans du Canadien et surtout leur démontrer qu’ils ne sont pas les seuls à tenter de miser sur le talent local. Il y a autant de bons espoirs qui frappent à la porte de la LNH qui ont grandi en Nouvelle-Angleterre qu’il y en a au Québec. Il y en a plus en Ontario et dans l’Ouest. Il y en a de plus en plus autour de toutes les grandes villes américaines.

 

Le Canadien n’a pas à croire qu’il est forcé de faire cavalier seul dans cette aventure. Il n’a pas qu’à faire comme les autres et à prendre les moyens pour maximiser ses chances de les garder au lieu de les voir atteindre la LNH et y connaître du succès loin de la maison.

 

Bien hâte de voir vers qui il se tournera pour succéder à Trevor Timmins à titre de grand responsable du recrutement amateur. Un poste névralgique dans les succès d’une organisation puisque c’est ce responsable qui a le mandat de donner du sang neuf, année après année, à l’organisation.

 

Il ne faudrait d’ailleurs pas se surprendre que le poste de grand responsable du recrutement soit le premier à être comblé par Jeff Gorton. Peut-être même qu’il le sera avant Noël.

ContentId(3.1398498):Pierre LeBrun : Si le Canadien avait voulu Patrick Roy, il aurait le poste de Jeff Gorton (Hockey 360)
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Le DG doit-il absolument parler français?