Un vent de renouveau soufflera sur les Canadiens de Montréal après l’annonce dimanche des congédiements du directeur général Marc Bergevin, de son bras droit Trevor Timmins, ainsi que du vice-président exécutif aux communications Paul Wilson, trois piliers de la haute direction de l’équipe.

Qui sont les candidats pour remplacer Bergevin?

Afin d’expliquer sa décision de faire table rase, le propriétaire Geoff Molson a exprimé dans un communiqué qu’il voyait la nécessité « de procéder à un changement de leadership dans notre département hockey » et d’amener un nouveau personnel administratif qui sera « porteur d'une nouvelle vision ».

L’homme que Molson a identifié pour mener à bon port cette restructuration de l’état-major montréalais est Jeff Gorton, qui à 53 ans devient le nouveau vice-président exécutif, opérations hockey des Canadiens. C'est lui qui supervisera au cours des prochaines semaines le processus menant à la nomination du remplaçant de Bergevin.

Natif de Melrose, une ville en banlieue de Boston au Massachussetts, Gorton s’est bâti une réputation enviable dans le monde du hockey professionnel au cours des trois dernières décennies.

Les débuts de Gorton dans le sport professionnel ont pourtant été très modestes. Gradué de l’Université de Bridgewater State en éducation physique en 1991, puis diplômé en marketing du sport à Springfield College deux ans plus tard, il a réussi à décrocher un stage au sein du département de relations publiques des Bruins de Boston en 1992.

Démontrant de l’intérêt envers le processus de recrutement malgré son manque d'expérience et le fait qu'il n'a jamais pratiqué le hockey, Gorton s’est lié d’amitié avec des dépisteurs de l’organisation des Bruins, accédant après un certain temps à un poste de responsable de la vidéo. 

Dans un entretien accordé au balado The Cam & Strick Podcast à l’été 2021, Gorton a raconté que c’est en 1997 que ses opinions à la table de repêchage des Bruins ont commencé à avoir plus de poids auprès de ses patrons.

« Cette année-là, nous repêchions bien entendu au 1er rang et nous avons réclamé Joe Thornton. Mais nous avions également le 8e choix au total et il y a un débat sur l’identité de notre choix. Les noms de Daniel Cleary et Daniel Tkaczuk étaient soulevés, mais j’avais en très haute estime Sergei Samsonov. Nous avions des recruteurs plus âgés qui ne voulaient pas nécessairement d’un Russe (avec ce choix). Je l’avais vu jouer beaucoup de hockey avec les Vipers de Detroit. Je crois que c’est la première fois que je me suis levé et dit à voix haute ‘C’est ridicule que nous ne parlions pas davantage de ce gars-là’. Ça m’a donné de la confiance. »

2006 : une opportunité saisie... mais de courte durée

Pendant la décennie suivante, Gorton a continué de faire son bonhomme de chemin au sein de l’organisation des Bruins, au point de devenir un membre important de la garde rapprochée de Mike O’Connell. Au terme d’une saison 2005-2006 décevante, ce dernier a été limogé par la formation bostonienne, et c’est Gorton qui a hérité de l’étiquette de DG par intérim.

Disposant de toute la liberté souhaitable afin d’améliorer l’équipe - et ce, en dépit du fait que des entretiens d'embauche allaient survenir - Gorton a été le visage d’une entre-saison qui, avec le recul, allait s’avérer cruciale au retour des Bruins parmi les équipes de pointe de la LNH. Chapeautant le repêchage amateur, l’équipe a sélectionné avec ses trois premiers choix Phil Kessel, Milan Lucic et Brad Marchand aux 5e, 50e et 71e rangs.

Bergevin et Timmins congédiés

Avec Gorton aux commandes, les Bruins ont réalisé d’impressionnantes prises sur le marché de l’autonomie, mettant sous contrat à long terme le futur capitaine de l’équipe Zdeno Chara, de même que l’un des meilleurs fabricants de jeux de la ligue à l’époque, le centre Marc Savard. C’est également à ce moment que les Bruins ont procédé à l’échange envoyant Andrew Raycroft aux Maple Leafs de Toronto en retour de l'un des meilleurs gardiens des 15 années suivantes, Tuukka Rask.

Croyant avoir persuadé l’état-major qu’il méritait d’occuper les fonctions de DG à long terme, Gorton a plutôt dû céder les rênes à Pete Chiarelli, arrivé des Sénateurs d’Ottawa en mai 2006. Pour des raisons administratives, Chiarelli a mis un certain temps à s’amener officiellement à Boston, de sorte que Gorton a été le grand responsable des grandes décisions du club cet été-là.

« Je me voyais occuper le poste de DG, mais maintenant que j’y repense, une partie de moi se doutait bien que les proprios allaient vouloir une nouvelle perspective, puisque j’étais un vestige de l’ère O’Connell, a-t-il admis dans la même entrevue. (...) Les deux derniers candidats à accéder au poste étaient (Chiarelli) et Ray Shero. Nous avons décidé après un an que ce n’était plus l’endroit pour moi. Ce sont des choses qui arrivent des fois; certains dirigeants arrivent et veulent amener avec eux des individus avec lesquels ils sont familiers. »

Repartir à zéro à New York

Dans la foulée de son départ de Boston à l’été 2007, Gorton a été embauché par les Rangers de New York à titre de recruteur professionnel avant le coup d’envoi de la saison 2007-2008; une régression notable dans la hiérarchie par rapport aux responsabilités qu’il se croyait en mesure d’occuper.

Sans avoir obtenu de garantie qu’il allait accéder à un poste administratif, Gorton a gravi les échelons jusqu’à ce que Glen Sather fasse de lui le DG adjoint de l’équipe.

C’est finalement avec les Blueshirts que Gorton allait éventuellement obtenir sa première opportunité d’être DG d’une équipe de la LNH sans la présence d’une quelconque étiquette, le 1er juillet 2015.

« Oeuvrer à New York, c’est une opportunité énorme. C’est un grand marché dans cette ligue, et c’est unique, le sentiment de se retrouver à la hauteur de la patinoire du Madison Square Garden », a-t-il raconté à ce sujet.

Onzième directeur général de l’histoire des Rangers, il a eu la délicate mission de convaincre un bassin de partisans passionné que l’avenue la plus logique à prendre était celle de la reconstruction, en février 2018.

« La réalité de la situation, c’est que l’on doit porter un regard sur le long terme, et c’est dans cette optique que nous réaliserons des échanges. L’idée ne sera pas de tenter de sauver la saison », avait-il mentionné à l’époque, au lendemain de la publication d'une lettre destinée aux fans d'une grande transparence, et qui lui avait valu autant de reproches que de félicitations.

Toujours au micro de Cam & Strick, Gorton est revenu sur une critique omniprésente à l’endroit des Rangers durant son passage avec l’équipe, celle de la perception d’un manque évident de robustesse au sein de la formation.

Sa réponse offre une porte d’entrée intéressante sur la philosophie de Gorton en ce qui a trait à la reconstruction d’une équipe de la LNH.

« J’étais conscient que cette équipe n’était pas la plus physique », s’est-il défendu. « Mais les choses sont différentes durant une phase de reconstruction. Il fallait savoir qui pouvait être ici à long terme, qui pouvait servir de monnaie d’échange pour d’autres types de joueurs. (...) Lorsque tu as sous la main une équipe prête à gagner, c’est là que tu vas chercher des joueurs pour des rôles spécifiques. Mais lorsque tu as 9, 10 ou 11 jeunes joueurs à évaluer, c’est autre chose. (...) Je savais que cette équipe manquait de mordant. Mais je savais que Filip Chytil devait jouer. Même chose pour (Alexis) Lafrenière. Et (Kappo) Kakko devait aussi obtenir du temps de jeu pour l’aider à s’élever au niveau qu’il est capable d’atteindre. (...) Ils devaient faire face à de l’adversité afin qu’on puisse voir comment ils allaient y répondre. »

C’est finalement le 5 mai 2021 que Gorton a été remercié de ses services par les Rangers, en même temps que le président de l’équipe John Davidson, au beau milieu d’une saga découlant d’une altercation survenue entre Tom Wilson, des Capitals de Washington, et Artemi Panarin, durant un match disputé vers la fin du calendrier régulier.

Surpris de la tournure des événements, il n’était tout de même pas atterré par la décision du propriétaire James Dolan, d’autant plus que la nomination éventuelle de l’ancien joueur Chris Drury constituait un nuage qui planait depuis un certain temps au-dessus du règne de Gorton dans la Grosse Pomme.

Avant d’être embauché par le CH, Gorton avait accepté un poste d’analyste en studio à la chaîne NHL Network. Il avait effectué sa première présence en ondes le 15 octobre dernier.

Roy, Madden, Darche? Qui sera le prochain DG?
Retour sur les neuf années de Bergevin à Montréal
Trevor Timmins était-il à blâmer?
Ce n'est pas terminé dans la LNH pour Bergevin
L'héritage de Marc Bergevin
« Tout le monde est à blâmer, pas seulement Marc Bergevin »