Quelqu’un doute-t-il encore que Carey Price soit le vrai leader du Canadien de Montréal, après l’effort collectif déployé samedi à Washington?

24 heures après la « scène du regard », qui a soulevé quantité de commentaires et surtout d’hypothèses de toutes natures, le Canadien s’est relevé les manches et a offert une performance très inspirée, et ce, sur la patinoire de l’une des équipes de l’heure dans la Ligue nationale de hockey. Et en guise de conclusion heureuse à cette « mini-tempête », comme l’écrivait d’ailleurs notre collègue François Gagnon il y a quelques heures, le gardien a même généreusement exprimé ses états d’âme après la victoire, nettoyant ainsi d’un trait toutes les théories de complot qui volaient allègrement un peu partout depuis vendredi soir!

Difficile de traduire directement ses propres mots exprimés en anglais, mais en substance, Price a expliqué sa réaction inhabituelle par le simple fait qu’il était « dégouté » lorsqu’il a été retiré du match. « Contre moi, contre l’équipe, contre la façon dont on jouait jusque-là », a-t-il ajouté en guise d’explication simple et directe à son geste qui a rapidement fait le tour de la planète hockey. Et n’avait-il pas raison ?

Lui-même savait fort bien qu’il venait de concéder 4 buts en moins de 20 tirs, ce qui est bien loin de ses propres normes d’excellence, celles que nous observons si souvent match après match. En athlète fier et orgueilleux, hautement compétitif, il était furieux, point à la ligne. Mais il savait aussi que ses coéquipiers jouaient un très mauvais match, qu’ils manquaient de discipline, qu’ils rataient quantité de passes et de tirs, qu’ils étaient dominés dans toutes les facettes du jeu. Et il était furieux à cause de cela, aussi.

Dès qu’il eut quitté la scène, de la façon un tantinet dramatique dont nous avons été témoins, le match s’est mis à basculer. Venu en relève, Al Montoya a dû patienter d’interminables minutes avant de recevoir un premier tir. Petit à petit, le Canadien s’est mis à ressembler à son adversaire, accentuant la pression de façon soutenue en territoire offensif et prenant progressivement le contrôle de la rencontre. Ma foi, n’eût été de plusieurs occasions ratées, le Tricolore aurait pu compléter une remontée spectaculaire et remporter le match.

Après cette deuxième défaite seulement en temps réglementaire, à domicile, tous les joueurs rencontrés après le match ont unanimement refusé de commenter la sortie de leur gardien. Personne ne l’avait vu, tiens donc! Si pour certains, cela ressemblait à une séance collective de « lavage de main », notre collègue P.J. Stock, lui, en a conclu tout autrement. Pour celui qui en a vu bien d’autres, en tant que joueurs dans la LNH, il s’agissait au contraire d’un geste d’appui envers leur gardien. « Personne n’a voulu mettre de l’huile sur le feu et placer Price dans une position encore plus délicate », disait-il dans les locaux de l’Antichambre, pendant que nous regardions ensemble le match Canadiens-Capitals.

Price, Weber et les autres confirment

L’analyse de P.J. était plus que recevable, mais encore fallait-il que la preuve soit faite sur la patinoire du Verizon Center. Et c’est Price le premier qui a donné le ton. À 1 minute 39 secondes de la première période, il a réalisé un arrêt convaincant contre Jakub Vrana, le genre d’arrêt qui envoie un message rassurant aux coéquipiers. Puis, un autre contre ce même Vrana, quelques secondes plus tard. Puis un autre contre Dmitri Orlov, puis un autre contre le puissant John Carlson, puis un autre contre Nate Schmidt. Le gardien venait cette fois de s’exprimer par la qualité de son jeu, comme il l’a fait si bien et si souvent dans le passé!

Petit à petit, ses coéquipiers se sont mis en marche, avec l’allure qui a si bien servi l’équipe récemment. Jeu de transition efficace, vitesse, contrôle de la rondelle en zone offensive, batailles acharnées le long des rampes, tous, sans exception, ont contribué au succès collectif, particulièrement les Phillip Danault, Alexander Radulov, Artturi Lehkonen et même Michael McCarron, qui semble vouloir démontrer qu’il a sa place dans la LNH. En défense, Jeff Petry a joué l’un de ses bons matchs de la saison.

Mais celui qui, à mon avis, a le mieux répondu à la saute d’humeur de Price, c’est Shea Weber, son grand ami! Le défenseur géant n’a pas marqué, n’a pas inscrit de points au sommaire, mais il a démontré un niveau d’engagement exceptionnel tout au long de la rencontre. Sérieusement meurtri au genou après avoir bloqué un 4e tir dans le match, en deuxième période, Weber est revenu au jeu en troisième et a défendu son territoire comme s’il s’agissait d’un match éliminatoire sans lendemain, et ce, jusqu’aux dernières secondes du match. Surtaxé en raison des 12 minutes de pénalité décernées à Nathan Beaulieu en 2e période et de la blessure qui a envoyé Andreï Markov au vestiaire pour une grande partie de la troisième, Weber aurait pu facilement dépasser les 30 minutes de jeu, n’eût été de sa propre absence.

Après le match, Michel Therrien a salué l’effort de l’ensemble de son équipe. Il a refusé de critiquer publiquement l’inacceptable étourderie de Beaulieu, préférant gérer le tout en privé. Et il a renvoyé habilement, dans la cour des médias, la « tempête » de la veille.

À quelque pas de là, Carey Price affrontait les caméras, micros et appareils d’enregistrement avec beaucoup de verve, mais avec son calme habituel. Il a parlé de sa sortie de la veille, bien sûr, mais aussi de plusieurs autres aspects de la rencontre, dont son propre jeu. Il a cependant, d’abord et avant tout, fait preuve d’abnégation en saluant le caractère et l’effort démontrés par ses coéquipiers. Comme un bon leader sait le faire, après la sortie d’un passage à vide.

P.J. Stock cherchait la bonne façon d’écrire sa manchette à propos de l’énoncé que venait de faire le Canadien à Washington, au lendemain de la défaite contre les Sharks de San José. Je lui ai suggéré humblement, « Tous derrière Price ».

Il était d’accord. C’est ce que nous venions de voir, indéniablement.