MONTRÉAL – Pour son premier poste d’entraîneur des gardiens dans la LNH, Éric Raymond doit obtenir la confiance de Carey Price. La nouvelle de la semaine dernière fait en sorte qu’il pourra s’inspirer des épreuves personnelles qu’il a surmontées au lieu de se fier uniquement à son expertise hockey. 

Avant que cette révélation ne secoue bien des gens, on préparait un portrait sur Raymond, le nouvel allié de Price. Ça tombe bien puisque Raymond est justement un homme de cœur et un bon vivant qui prend soin de ses proches. 

L’entraîneur de 49 ans est père de deux filles. Il détient donc ce point en commun avec Price qui est également papa d’un jeune garçon. Sauf que pour Raymond, ses deux filles sont à la fois sa plus grande joie et sa plus grande tristesse puisqu’elles ont grandi, loin de lui, en Europe.

Sans que les deux hommes aient été exposés aux mêmes enjeux psychologiques, Raymond a traversé des moments éprouvants mentalement et il ne cache pas sa vulnérabilité face à ce grand défi. 

« C’est vraiment un amoureux de la vie. Quand tu vas souper chez lui, il ne manque de rien, il veut s’assurer que tu es bien, il adore être autour des gens et jaser de toutes sortes de sujets. Mais ce n’est pas rare que je le vois en larmes quand on parle de nos filles respectives », a confié Alexandre Dandenault, l’un de ses complices au hockey depuis une douzaine d’années. 

Sans être le nom le plus connu du milieu des entraîneurs de gardiens, Raymond a surtout forgé sa réputation auprès de Dominique Ducharme avec les Mooseheads de Halifax ainsi qu’Équipe Canada Junior et ensuite dans l’organisation des Rangers de New York où il a épaulé Alexandar Georgiyev et Igor Shesterkin. Il a également joué durant 11 saisons en Europe dont neuf en France où il a notamment été le coéquipier de Ducharme et Pierre-Édouard Bellemare. 

Le volet moins médiatisé, mais tout autant intrigant, de son parcours concerne son implication de 10 ans avec l’équipe du CÉGEP André-Laurendeau. Un boulot qu’il a conservé même durant son association avec les Rangers. 

« C’est ça qui est le fun, même s’il coachait dans la Ligue américaine ou qu’il était avec ÉCJ, il n’est jamais venu de reculons au hockey collégial. Je pense aussi qu’il appréciait notre contexte qui est favorable à l’échange et au développement autant pour les entraîneurs que pour les joueurs », a mentionné Dandenault. 

Ayant passé quatre saisons sous sa gouverne à Halifax, Zachary Fucale peut témoigner des forts liens qu’il parvient à tisser.  

Éric Raymond avec Zachary Fucale« Ce n’est pas juste un entraîneur pour moi, il est devenu un ami, un mentor et quasiment comme un deuxième ou troisième père dans ma vie. Je peux toujours me tourner vers Rick même maintenant. Bien sûr, je comprends qu’il travaille pour une autre organisation et que, techniquement, il ne peut pas m’aider comme il m’aidait dans le junior. Mais je suis convaincu que si j’ai besoin d’aide avec quelque chose, je peux toujours l’appeler », a décrit Fucale qui appartient à l’organisation des Capitals de Washington. 

Un roc pour Price, un professeur pour Primeau

À son âge, Price n’a assurément pas besoin d’un deuxième père, mais plutôt d’un roc sur lequel il peut s’appuyer quand la pression le fait chambranler et un guide pour éviter que sa technique ou son rendement en paie le prix. 

« C’est sûr que ça ne prend pas la même approche avec Price qui n’a peut-être pas besoin de tant de conseils techniques. Avec tous les gardiens qu’il a aidés, je suis convaincu qu’il pourra composer avec cette situation », a noté Fucale. 

En s’éloignant du hockey professionnel pendant un certain temps, Price devrait revenir avec un état d’esprit propice à un rapprochement avec Raymond. 

« Je pense que ça repose sur l’ouverture de Carey. Je ne le connais pas personnellement, mais même si c’est l’un des meilleurs et qu’il a eu différents entraîneurs, je pense qu’il va être à l’écoute », a convenu Dandenault. 

« Ce que j’ai appris, c’est que les athlètes de l’élite veulent savoir la vérité, ils ne veulent pas que tu joues une game avec eux et ils souhaitent que tu les propulses à un autre niveau. Éric a ces atouts-là donc je n’entrevois aucun problème », a répondu Pascal Vincent qui a été adversaire et coéquipier de Raymond dans la LHJMQ il y a de ça déjà trois décennies. 

Là où l’embauche de Raymond s’avère assurément un grand coup, c’est pour orchestrer la progression de la relève. 

« Honnêtement, les gardiens faisaient tous ça avec lui!, a lancé Dandenault en mimant une flèche ascendante. Parfois, certains étaient ordinaires en début d’année et c’est fou comment ils évoluaient », a vanté Dandenault en pensant au potentiel à exploiter de Cayden Primeau. 

Éric Raymond« Avec le club-école des Rangers, on lui a confié deux gardiens qui étaient des projets quand même polis, mais leur évolution a explosé avec Éric. Ce créneau, ça tombe clairement dans ses cordes », a-t-il poursuivi.

Raymond attendait ce poste dans la LNH 

Outre les buts qu’il se souvient d’avoir marqué contre lui, à l’entraînement, du côté de la mitaine s’amuse-t-il à préciser, Vincent se rappelle que Raymond était un athlète qui ne négligeait jamais sa préparation à la belle époque du Titan de Laval et du Collège-Français de Verdun. Cet attribut ne l’a vraisemblablement pas quitté puisque chaque intervenant l’a évoqué. 

« Les jeunes ont accès à tellement d’informations que si tu te trompes une ou deux fois, ça ne prend pas de temps qu’ils vont se demander si tu connais ton affaire. Ce ne sera pas un problème, il va être préparé. Price et le reste des gardiens de l’organisation des gardiens vont bénéficier de sa présence », a mentionné Vincent qui a dirigé le Junior de Montréal avec Joël Bouchard, Ducharme et Raymond comme adjoints.  

En vertu de son cheminement et de sa préparation, Raymond se sentait fin prêt pour la LNH depuis deux ou trois ans, mais il a été coiffé par d’autres candidats ailleurs. Le contexte idéal a fini par se présenter à Montréal auprès de Ducharme. Les atomes crochus ne s’arrêtent pas là. Raymond a appris de Benoît Allaire chez les Rangers et ce dernier a encadré Sean Burke (désormais le directeur des gardiens de but pour le Tricolore) au début des années 2000 avec les Coyotes.

« Éric n’est pas arrogant du tout, mais il comprend sa valeur. Il sait ce qu’il vaut puis il sait ce qu’il est capable d’accomplir. Il a toujours livré la marchandise, mais ça n’arrive pas si souvent qu’un nouvel entraîneur des gardiens perce dans la LNH. On voit souvent les gars se recycler d’une équipe à l’autre », a exposé Dandenault, fier qu’il ait obtenu sa chance. 

« Les athlètes d'élite veulent la vérité, Éric a ces atouts-là »

« Il est extrêmement dédié dans tout ce qu’il fait. Il est justement un complice de Dominique parce qu’il prend sa job très au sérieux comme lui », a cerné Fucale. 

Cela dit, Fucale n’a pas oublié quand Raymond était parvenu à le calmer lors des éliminatoires du printemps 2012. Les Mooseheads tiraient de l’arrière 3-0 dans leur série face aux Remparts de Québec. 

« J’avais donné un très mauvais but (à Mikhail Grigorenko) en deuxième période et je m’en voulais vraiment. Visiblement, je ne me sentais pas bien durant l’entracte, j’étais en maudit envers moi-même. Il m’a demandé pourquoi je m’en faisais autant vu que mes parents et mes deux sœurs étaient en santé, que j’avais une copine et que ça allait bien à l’école. Il m’a rappelé de m’amuser en troisième période. Je l’ai fait et on a fini par remporter la série. Il y a des milliers d’autres fois qu’il m’a dit les bons mots au bon moment pour me remettre à la bonne place mentalement. C’est ça, sa spécialité », a ciblé Fucale, la semaine dernière. 

À ce moment, Fucale ignorait que ses propos cadreraient si bien avec les besoins de Price.