MONTRÉAL - Brendan Gallagher a admis candidement qu’il était déçu lorsqu’il s’est présenté devant les journalistes après le revers de 5-4 encaissé en tirs de barrage aux mains des Sénateurs d’Ottawa.

 

Une déception à laquelle s’ajoutait un brin de gêne et deux brins d’incompréhension.

 

Cette déception n’avait rien à voir avec le hockey, mais tout à voir avec l’annonce du retrait préventif de Carey Price qui s’est tourné, mercredi, vers la LNH et l’Association des joueurs pour obtenir l’aide dont il a besoin afin de composer avec des ennuis qui le minent depuis un moment.

 

Price : « La perception des fans va peut-être changer »

Quel genre d’ennuis? Des ennuis reliés à une consommation incontrôlée d’alcool, de drogue, de médicament?

 

Après tout, le programme conjoint de la Ligue et de l’Association qui représente ses joueurs porte le nom de programme de contrôle des substances.

 

Des ennuis reliés aux « gambling », aux jeux de hasard, aux jeux vidéos?

 

Non! Des ennuis de santé mentale selon ce qu’a dévoilé Angela Price jeudi par le biais des médias sociaux.

 

Gallagher, comme tous ses coéquipiers qui ont pris la parole jeudi, comme le directeur général Marc Bergevin, comme l’entraîneur-chef Dominique Ducharme, comme l’épouse du gardien du Canadien, est très fier de la décision de Carey Price de réclamer de l’aide afin de régler ses ennuis et de ressortir grandi du programme d’aide vers lequel de plus en plus de joueurs de la LNH et d’athlètes en général se tournent lorsqu’ils se sentent prisonniers au fond du cul-de-sac dans lequel ils se sont engouffrés.

 

Gallagher a aussi souligné le courage dont il a fait preuve dans sa prise de décision.

 

Comment expliquer alors sa déception teintée de gêne et d’incompréhension?

 

Par le constat qu’il ne s’est jamais rendu compte que son coéquipier, son ami, celui qui lui sert de modèle depuis la première fois qu’il a posé les pieds dans le vestiaire du Canadien avait autant besoin d’aide.

 

« Cette nouvelle m’a complètement pris par surprise et je suis déçu d’avoir été surpris. Carey est un coéquipier exceptionnel. Il a toujours été là pour moi comme pour l’ensemble de ses coéquipiers. C’est une idole pour des tas de jeunes joueurs de hockey. C’est une idole pour les membres des communautés autochtones. Ça fait 10 ans que je le côtoie et j’aurais vraiment souhaité être en mesure de réaliser ce qu’il vivait pour être là pour lui. Pour l’appuyer. Pour l’aider comme il a toujours aidé les autres », a plaidé Gallagher qui a abordé le sujet sans même attendre qu’une question lui soit posée.

 

Jeff Petry a joint sa voix à celle de Gallagher pour admettre une gêne certaine en marge du retrait préventif qu’il n’avait pas vu venir.

 

« Je suis très près de Carey au sein de l’équipe, mais aussi dans la vie de tous les jours. Nous avons trois enfants tous les deux. Nous faisons des activités familiales ensemble. Nos épouses sont impliquées dans des causes sociales communes et je n’ai jamais réalisé qu’il était dans une telle situation. Carey affichait toujours son air habituel, il semblait toujours solide. Il faut croire qu’on je juge pas un livre par sa page couverture », a philosophé Petry.

 

Un exemple à suivre

 

Dans le concert d’éloges auquel il s’est livré devant les journalistes, Brendan Gallagher a comparé Carey Price à Superman :

 

« C’est difficile d’être le gardien numéro un du Canadien de Montréal, mais Carey a toujours très bien assumé ce rôle et la pression qui l’accompagne. C’est injuste de lui demander de jouer à Superman devant le filet, mais il l’a toujours été en réussissant à faire fi des critiques et de la pression venant de l’extérieur. On se rend compte aujourd’hui que même Superman peut avoir besoin d’aide. » 

 

Loin de son filet pour une période minimale de 30 jours, période à laquelle s’ajouteront les quelques semaines dont il aura besoin pour retrouver sa forme, Price ne peut jouer les superhéros sur la patinoire.

 

Mais sa décision de réclamer de l’aide d’une manière aussi publique alors qu’il n’avait pas l’obligation de le faire – la première participation au programme d’aide de la LNH et de l’Association des joueurs n’a pas besoin d’être révélée au public – aura certainement l’impact d’une intervention orchestrée par un superhéros.

 

Car si « Superman » peut avoir besoin d’aide et la réclamer sans gêne, il convaincra peut-être les gens « ordinaires » qu’ils soient jeunes ou vieux, garçons ou filles, sportifs ou rats de bibliothèque qu’ils peuvent eux aussi le faire sans la moindre crainte d’être jugés, voire ridiculisés.

 

Mieux encore : cet exemple donné par Carey Price pourrait avoir comme autre effet bénéfique de faire comprendre qu’il est normal, voire banal, de parfois avoir besoin d’aide et que ces demandes d’aide n’ont plus, en bientôt 2022, à être expliquées en conférence de presse.

 

Même si cette aide est réclamée par Superman ou l’un de ses disciples…

 

Blessures : situation périlleuse

 

Déjà que le Canadien était lourdement handicapé par le forfait de Shea Weber qui pourrait rater la saison au grand-complet et les blessures qui empêcheront Joel Edmundson, Mike Hoffman et Paul Byron pour ne nommer que ceux-là d’entreprendre la saison, la perte de Price transforme une situation difficile en situation périlleuse chez le Canadien.

 

Surtout si le Tricolore joue aussi mollement qu’il l’a fait dans le cadre de son dernier match préparatoire. Je sais! Ce match n’avait rien d’un vrai match. Mais quand même. Exception faite de Jonathan Drouin qui a été retourné à la maison quelques minutes avant l’échauffement en raison d’une petite « grippe » que les médecins du club ne voulaient pas voir se propager dans le vestiaire, le Canadien ressemblait beaucoup à l’équipe qui amorcera la saison mercredi prochain à Toronto.

 

Abandonné par ses coéquipiers, surtout en période médiane alors que les Sénateurs ont marqué trois buts sur 15 tirs pour prendre une avance de 4-2, Jake Allen a finalement accordé quatre buts en temps réglementaire et deux autres au cours de la séance de tirs de barrage.

 

Allen a été très solide par moment. Mais Allen n’est pas Superman. Il n’a pas pu racheter toutes les erreurs multipliées devant lui.

 

Il n’a pas pu faire contrepoids à toutes les pénalités écopées – l’attaque massive d’Ottawa a fait mouche deux fois en sept tentatives – par ses coéquipiers.

 

Il n’a pas pu faire ce que Carey Price a souvent fait par le passé et ce qu’il aurait encore été obligé de faire cette année pour mousser les chances de son équipe d’accéder aux séries ou au moins de rester dans la course le plus longtemps possible.

 

Le Canadien s’est rendu coupable de 20 revirements au cours de la partie. Huit de ces 20 remises de rondelle à l’adversaire sont allées noircir la feuille d’évaluation de David Savard.

 

Après une bonne première période à la gauche de Jeff Petry, Alexander Romanov a perdu le nord en deuxième. On l’a revu multiplier les mauvaises décisions, bousiller des couvertures, mettre son partenaire dans le trouble.

 

« Il reste beaucoup de travail à faire », a d’ailleurs convenu Dominique Ducharme qui a cinq jours pour redresser un peu une brigade défensive qui a grandement besoin d’être redressée.

 

Une brigade défensive qui est encore bien difficile à présenter tant les duos semblent encore aléatoires contrairement aux trios d’attaquants qui sont eux établis depuis un bon moment déjà. Une défensive qui soulève bien plus de questions qu’elle n’offre de réponses pour le moment.

 

Carey absent, club perdant

 

« Carey et Shea (Weber) sont deux gros pans de notre équipe. Leurs pertes créent des vides imposants. Nous ferons de notre mieux pour les combler », a insisté Jake Allen.

 

Combler la perte de Carey Price est loin d’être un défi facile à relever.

 

Au cours des six dernières saisons, le Canadien a maintenu un dossier de 46-57-15 lors des 118 parties ratées par Carey Price en raison de blessures.

 

Le Tricolore a maintenu une fiche gagnante lors de ses courtes absences (2-1-1 en 2016-2017, 3-1-0 en 2018-2019, 1-0-0 en 2019-2020), mais l’efficacité du club a piqué du nez lorsque Superman a été coincé dans sa cabine téléphonique trop longtemps.

 

Bien que la durée de l’absence de Carey Price soit indéterminée pour le moment. Bien qu’il soit encore difficile de prévoir dans quel état d’esprit et dans quelle forme physique il rejoindra ses coéquipiers, on peut avancer sans risque de se tromper qu’il pourrait rater au moins le premier quart de la saison. Peut-être même le premier tiers.

 

« C’est Carey l’homme, le coéquipier, le mari et le père de famille qui compte aujourd’hui. Le hockey peut attendre », a insisté Jake Allen qui a indiqué, après la défaite aux mains des jeunes « Sens » avoir échangé avec Price au cours de la journée de jeudi.

 

Allen a raison dans le cas de Price. Le joueur de hockey compte beaucoup moins en ce moment que l’homme qui se cache sous son masque, sous son équipement.

 

Mais comme il devient du coup gardien numéro un de l’équipe, avec tous les défis que cela entraîne, des défis que même Superman n’est pas en mesure de tous relever, Jake Allen et ses coéquipiers devront se surpasser pour éviter que la saison que plusieurs partisans abordaient avec grand optimisme au lendemain de la présence de leurs favoris en finale de la coupe Stanley ne se transforme rapidement en cauchemar.