On l'aime comme joueur, P.K. Subban. C'est le patineur le plus fluide qui soit passé par Montréal depuis les jours électrisants de Guy Lafleur. Les partisans l'adorent et Michel Therrien, chargé de lui rappeler ses responsabilités, l'aime lui aussi, n'en doutez pas.

Néanmoins, Therrien a encore beaucoup de travail à faire avec ce défenseur qui semblait arrivé parmi l'élite de la ligue. Peut-être que Subban a commis l'erreur de se croire arrivé, justement.

Le défenseur de 24 ans a connu une saison exceptionnelle, l'an dernier, au retour du lock-out. Il a changé à tous les points de vue en disant très souvent les bonnes choses. Quand il parlait de l'équipe, il utilisait le « nous » fréquemment. Il semblait être redescendu d'un piédestal sur lequel il s'était lui-même installé à ses premières saisons avec le Canadien. Non seulement était-il devenu le joueur par excellence du Canadien, mais il donnait l'impression de faire passer l'équipe avant sa propre personne. Tout un changement. On se demandait si ça pouvait durer.

Avant le début de la présente saison, sa sélection semblait assurée en vue des Jeux olympiques. Ce n'est plus le cas aujourd'hui parce que son jeu manque nettement de régularité. Ses bévues sont fréquentes. Dans le dernier match, il a causé trois revirements. Or, Équipe Canada aura besoin d'un personnel défensif stable et d'attaquants capables de se distinguer dans les deux sens de la patinoire. Les détenteurs de trophées ne jouiront pas d'un laissez-passer automatique. À l'heure des choix, on optera pour les joueurs les plus susceptibles de permettre à la formation canadienne de monter sur la première marche du podium olympique. En ce moment, Subban ne répond pas à cette exigence, mais le temps presse. Il a encore un mois devant lui pour faire amende honorable.

Subban est une bonne personne. Il a du caractère, il est turbulent et on ne parvient pas facilement à contrôler ses ardeurs, mais tout cela fait partie de sa personnalité. Son problème, c'est qu'il a du mal à comprendre le concept d'équipe. Il traverse une période au cours de laquelle le nombre de ses erreurs s'approche de celui de ses coups d'éclat. Normalement, on ne devrait jamais remettre en question la présence du détenteur du trophée Norris aux Jeux olympiques. Si des gens de hockey le font, c'est qu'il y a une raison.

S'il y a un reproche qu'on peut adresser à Therrien, c'est celui d'avoir projeté les réflecteurs sur le jeu incohérent de son défenseur vedette devant les médias. C'est le genre de réaction qui fait grincer des dents dans un vestiaire. Therrien est un dur, mais il est un homme juste. Parfois, quand les fils se touchent, il peut être explosif. Dans le cas qui nous préoccupe, il tente d'inciter son pur-sang, comme il le qualifie lui-même, de jouer à l'intérieur de ses limites qui sont, disons-le, illimitées.

Il ne s'agit pas de le casser, pour reprendre une expression consacrée. Il a depuis longtemps franchi cette étape. On ne casse pas un joueur reconnu l'an dernier comme le défenseur par excellence du circuit, mais on peut lui rappeler avec insistance qu'un joueur, dont le jeu est aussi intensément axé sur l'attaque, ne peut pas totalement oublier pourquoi il est là.

On travaille fort là-dessus avec Subban. On passe du temps devant l'appareil vidéo avec lui. L'entraîneur des défenseurs, Jean-Jacques Daigneault, est d'une très grande patience avec lui. Subban est un athlète remarquable, mais il n'est pas facile à diriger. Il ne le sera jamais. À un moment donné, il faudra accepter le fait qu'il est différent.

En tentant de faire de lui un défenseur plus complet, Therrien et Daigneault pourraient lui permettre, par ricochet, de mériter sa place en vue des Jeux olympiques. Néanmoins, il y a un danger à trop insister sur ses erreurs et à vouloir lui imposer un système de jeu qui n'est pas toujours fait pour lui. Guy Lafleur, qui était partout sur la glace, ne s'est jamais moulé au système de Scotty Bowman. Flower ne savait pas lui-même ce qu'il allait faire. Il y avait du génie dans son jeu. N'est-ce pas ce qu'on pourrait dire assez souvent de P.K. Subban?

Tout en cherchant à faire de lui un meilleur défenseur, on ne peut pas courir le risque de brimer le jeu fort excitant du joueur numéro un de l'équipe. Son talent incroyable mérite qu'on lui accorde un peu plus de corde que les autres. Dans le cas de Lafleur, Bowman a fini par accepter qu'il sorte de son système pour faire gagner le Canadien.

Therrien gagnera plus de matchs qu'il en perdra avec ce cheval fou capable des ruades les plus spectaculaires. Il ne faudrait pas que Subban, exaspéré par les recommandations répétées des entraîneurs, en vienne à lever le pied par dépit.

Le premier à en payer le prix serait l'entraîneur.

Claude Brodeur va mieux

J'ai commis une bourde regrettable dans ma dernière chronique sur Martin Brodeur quand j'ai parlé de l'état de santé préoccupant de son frère Claude, un ex-athlète que les problèmes de santé n'ont pas épargné.

Chaque fois qu'on me parlait de lui, on se disait attristé du fait que des ennuis graves attribuables au diabète lui avaient valu de perdre ses jambes. En fait, il n'a été amputé que d'une jambe, ce qui n'est pas rien, on en conviendra.

Même si sa condition est connue d'une bonne partie du public, Claude préfère vivre sa situation privément. Il ne tient pas à ce qu'on s'attriste sur son sort.

« J'ai des amis sur le plan sportif que je n'ai pas vus depuis très longtemps et qui doivent s'inquiéter pour moi à la suite des révélations qui ont été faites, dit-il. Je ne suis pas en train de mourir. Graduellement, j'ai quitté le fauteuil roulant que j'utilisais depuis avril dernier. Je suis passé du fauteuil à la marchette, à la béquille jusqu'à la prothèse à laquelle je tente actuellement de m'habituer. Ça se passe bien avec cette jambe artificielle. Dans deux semaines, je devrais pouvoir rentrer chez moi en marchant. »

L'attitude de Claude Brodeur est inspirante dans les circonstances. S'il s'est mis en tête dès le départ de marcher à nouveau, personne ne doute qu'il y arrivera.

Je lui présente mes excuses pour l'imprécision de mes informations à son sujet.

Parros, pourquoi?

George Parros gagne sa vie à encaisser des coups de poing sur la tête et à en distribuer tout autant. Quel était l'urgence de faire revenir aussi rapidement un joueur qui avait quitté la patinoire sur une civière, il n'y a pas si longtemps? Il était pressé de le faire, certes, mais les patrons d'une équipe ne devraient-ils pas agir de façon à protéger les joueurs contre eux-mêmes?

Même s'il a reçu le feu vert des médecins, cela ne veut pas dire qu'il ne s'expose pas à une autre blessure du même genre, peut-être plus grave encore, dans l'exercice de ses difficiles fonctions. C'était clair que Parros allait se battre dès son retour au jeu au Colorado, ne serait-ce que pour faire la démonstration que sa récente chute, face première sur la glace, n'était qu'une malchance. Et comme les bagarreurs défient rarement des adversaires de petite taille, il a jeté les gants contre le plus costaud de l'Avalanche, Patrick Bordeleau (six pieds, six pouces, 225 livres).

Je n'ai pas aimé ce que j'ai vu. Parros a été chanceux. Il a reçu quelques coups de poing sur la tête de la part d'un joueur d'utilité qui rêvait d'ajouter un nom de plus à son tableau de chasse. Une solide droite au menton aurait pu le retourner à l'infirmerie pour longtemps. Mardi soir, contre Ryan Reaves, des Blues, il en a encore eu plein les bras et le visage.

Malgré tout, Parros serait le premier à affirmer qu'on s'inquiète pour lui sans raison. N'a-t-il pas récemment sermonné les journalistes qui se sont servis de sa sortie de patinoire les pieds devant pour se lancer en croisade contre les bagarres? Il faut le comprendre, car il en va de son job et d'un salaire frôlant le million de dollars. Le jour où il ne pourra plus mettre ses poings au service de l'équipe, il passera vite au rang des oubliés. Dans quelle condition physique sera-t-il à l'heure de la retraite, il est permis de se le demander.

Personnellement, je préfère un Anthony Calvillo, qui pense à s'assurer d'avoir toute sa tête pour le reste de ses jours, à un George Parros pressé de faire oublier sa dernière commotion cérébrale.