TORONTO – Débarqués à Toronto avec l’intention avouée de remporter la Coupe du monde de hockey, les États-Unis sont déjà éliminés.

Bâtie pour battre le Canada en grande finale, l’équipe américaine devait d’abord l’emporter en ronde préliminaire. Elle a failli à la tâche. Lamentablement. Non seulement les Américains ont perdu 4-2 contre une équipe canadienne qui les a fait très mal paraître, mais ils n’ont pas même été en mesure d’offrir une opposition digne de ce nom dans le cadre d’un match qu’ils devaient gagner pour éviter l’odieux d’une exclusion aussi rapide.

Une exclusion désastreuse si l’on considère que c’est la première fois depuis la Coupe Canada de 1987 que les États-Unis baissent pavillon dès la ronde préliminaire lors de Jeux olympiques (huit fois) et en Coupe du monde (trois fois).

Bien mince consolation pour les Américains, ils ont amorcé la rencontre avec intensité. Ils ont d’ailleurs marqué le premier but alors que Ryan McDonagh, qui avait bien des choses à se faire pardonner après son match très difficile contre l’Europe samedi, a foncé au filet pour surprendre Carey Price.

Ce but a laissé poindre un brin d’espoir.

Un brin que le Canada a balayé du revers de la main en nivelant les chances 89 secondes plus tard alors que Matt Duchene a bondi sur une rondelle qui venait de frapper la bande derrière la cage américaine pour la pousser derrière Jonathan Quick.

Invité à défendre les couleurs du Canada en raison de sa très grande efficacité en défensive, Marc-Édouard Vlasic a fait preuve d’un flair offensif qu’on ne lui connaissait pas sur ce but alors qu’il a volontairement raté le filet sur un tir de la pointe. «De la façon dont les gars étaient placés, je me suis dit que si la rondelle sortait d’un côté, Joe (Thornton) aurait des chances de la saisir alors que Matt (Duchene) était susceptible d’y arriver de l’autre côté», a assuré Vlasic qu’on croira sur parole. Au moins, il n’a pas poussé l’audace jusqu’à prétendre qu’il visait Duchene uniquement…

Ce premier but a secoué les Américains. Mais pas autant que celui de Corey Perry qui marqué 14 secondes après la reprise du jeu.

Après ce but du gros attaquant des Ducks, les Américains sont soudainement devenus craintifs sur la patinoire. Hésitants. Lents.

Rien pour hausser sa cote auprès de l’état-major de Team USA, Max Pacioretty a ensuite bousillé une sortie de zone qui a conduit au deuxième but de Matt Duchene. Au deuxième d’un quatrième trio – O’Reilly flanqué de Thornton et Duchene – qui avait alors des allures de premier trio tant les Américains ne pouvaient rivaliser contre lui.

Après cette poussée de trois buts en 6 :16, les Américains n’ont plus jamais été dans le match. On peut même se demander s’ils l’étaient vraiment avant...

« On a fait bien trop de cadeaux à un club qui n’en avait pas besoin pour espérer gagner. On a bien amorcé le match, mais à l’image de la défaite contre l’Europe, nous n’avons pas été en mesure de générer assez d’attaque », a répété un John Tortorella visiblement affecté par la défaite et l’exclusion rapide de son équipe.

Tororella – et quelques joueurs aussi – ont indiqué avoir manqué de chance en troisième période en frappant les poteaux à trois reprises. Mais cette déveine ne peut en rien expliquer le cuisant revers américain. D’autant que ces poteaux, tout comme le but de T.J. Oshie, ont été atteints vers la fin de rencontre alors que le Canada avait visiblement levé le pied.

Dans ce qui pourrait être considéré comme un coup bas asséné à Team USA, voire un coup de grâce, l’entraîneur-chef Mike Babcock a indiqué que ses joueurs  «n’avaient pas joué à la hauteur de leur plein potentiel pendant de grands pans de cette rencontre » que le Canada a pourtant bien facilement gagnée.

Et vlan dans les flancs!

Pointés du doigt

Comme on pouvait s’y attendre, les critiques à l’endroit de l’équipe américaine se sont mises à défiler au rythme des buts enfilés par le Canada.

ContentId(3.1198201):Coupe du monde : Le plan des Américains de bâtir une équipe pour battre les Canadiens échoue
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La sélection des joueurs a été remise en question. La sélection de John Tortorella comme entraîneur-chef l’a été tout autant. Tout comme les performances très décevantes des Patrick Kane, Zach Parise, Joe Pavelski et autres leaders offensifs qui devaient propulser Team USA jusqu’aux grands honneurs. Ou à tout le moins, jusqu’en grande finale. Des leaders sont demeurés bien tranquilles. Trop tranquilles pour mener à bien la mission de reconquérir le titre de monarque du hockey.

Les États-Unis retiennent l'attention

« Nos difficultés n’ont rien à voir avec notre formation. Je regarde cette équipe et je vois assez de potentiel pour gagner. C’est décevant. C’est frustrant aussi, car j’ai le sentiment et je suis convaincu que les joueurs partagent ce même sentiment d’avoir laissé tomber bien du monde. Et tout ça est arrivé durant mon tour de garde », a ajouté Tortorella.

Ryan Suter, visiblement attristé pour ne pas dire atterré par l’exclusion en deux petites parties de son équipe, ponctuait ses réponses de longs silences tant il était prudent dans ses commentaires. Tant il donnait l’impression de vouloir éviter tout faux pas.

Intentionnellement ou non, le défenseur a donné une idée du climat – malsain – qui régnait dans le vestiaire lorsqu’il a illustré sa déception. «Après être passé si près du titre à aux Jeux de Vancouver (2010) c’est très difficile personnellement de me retrouver dans cette situation. J’ai beaucoup de peine aussi pour l’état-major de l’équipe. Pour Dean Lombardi, Paul Holmgren et Brian Burke qui ont déployé beaucoup d’efforts et d’énergie pour composer une bonne équipe. Pour composer un bon groupe de joueurs. Nous les avons laissés tomber», a confessé Suter sans jamais ajouter les noms de John Tortorella ou des autres membres du groupe d’entraîneurs.

Absences de jeunes surdoués

Les É.-U. n’avaient pas encore perdu le match que plusieurs collègues américains imputaient aussi une part de l’échec de leur équipe nationale à la présence du club des moins de 24 ans dans le tournoi.

Bon!

Vrai que l’équipe des surdoués a privé Team USA de la présence des Jack Eichel, Auston Matthew et peut-être Seth Jones au sein de la formation.

Mais l’état-major a laissé de côté tellement de joueurs de talent disponibles au profit de joueurs de caractères – Kyle Okposo, Tyler Johnson, Justin Faulk, Kevin Shattenkirk – qu’il est un brin ou deux indécents de croire que les jeunots auraient propulsé leur club national en finale.

« Il y a de très bons jeunes joueurs qui poussent aux États-Unis. Ils auraient certainement pu nous aider. Mais il y a de très bons jeunes canadiens de moins de 24 ans qui poussent aussi », s’est limité à dire John Tortorella.

La LNH perd son tremplin

Max Pacioretty discret lors du tournoi s’est fait remarquer pour les mauvaises raisons mardi. Une image de Tortorella l’enguirlandant vertement a fait le tour de la planète hockey par les biais des médias sociaux durant le match.

ContentId(3.1198185):Coupe du monde : Que signifie la défaite pour le hockey américain?
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Coupable d’un revirement qui a coûté un but, il s’est aussi retrouvé au cachot après voir mis Logan Couture en échec par derrière dans un coin de patinoire. Un geste qui ne lui a pas seulement valu deux minutes de pénalités, mais aussi un solide double-échec en pleine poitrine de la part de son futur coéquipier Shea Weber. Un futur coéquipier qui était toutefois ennemi encore hier soir…

« C’est sûr que je suis déçu. J’aurais aimé contribuer davantage aux succès de l’équipe. Quand tu endosses les couleurs de ton pays, il y a toujours une pression de bien faire. Nous sommes éliminés après deux matchs seulement. On doit se retrousser les manches et disputer un bon troisième match (mercredi contre la Tchéquie) afin d’au moins sauver la face en terminant du bon pied », a indiqué le capitaine du Canadien.

Vrai que les Américains seraient bien mieux d’éviter un balayage en battant la Tchéquie.

Mais le mal est déjà fait.

Et cette déconfiture lamentable de l’équipe américaine ne saute pas seulement au visage des responsables de USA Hockey. Elle plonge aussi la LNH un brin ou deux dans l’embarras alors que l’intérêt des téléspectateurs du sud de la frontière pour la Coupe du monde plongera maintenant de la même façon que leur équipe a plongé au classement.

Le commissaire Gary Bettman misait, avec raison, sur une éventuelle finale opposant le Canada aux É.-U. pour attirer l’attention sur le hockey afin de servir de tremplin pour un début de saison qui n’est jamais fameux aux États-Unis en raison des séries mondiales au base-ball et de la saison de la NFL qui bat son plein.

Sans présence américaine en ronde éliminatoire, ce tremplin n’aidera pas la LNH à bondir dans les cotes d’écoute. De fait, on peut se demander si le diffuseur américain ESPN ne transférera pas la diffusion des matchs sur ses réseaux secondaires afin d’éviter le pire face à ses nombreux rivaux.