MONTREAL - Les véritables amateurs de sport sont des fervents, des fidèles qui assistent à des rendez-vous ponctuels, multiplient les gestes de dévotion à l'égard de leur club, contemplent leurs icônes et écoutent religieusement les sermons des autorités qui épanchent leur courroux. Olivier Bauer, professeur au département de théologie de l'Université de Montréal, concède que si le Canadien n'est pas une religion au sens propre, il revêt définitivement un caractère religieux.

Le livre "La religion du Canadien de Montréal", paru chez Fides, est un collectif qui regroupe six grands thèmes, rédigés par six coauteurs. Ils abordent la piété pour le Canadien, les figures qui font office de leaders, le symbole qu'est devenu Maurice Richard, les oeuvres caritatives du club, les femmes et le hockey, et la question centrale: le Canadien de Montréal est-il une religion?

Même si le centenaire du Canadien s'impose comme prétexte pour lancer le livre, Olivier Bauer précise que le sujet n'est pas neuf et dépasse l'anniversaire. "Il s'agit d'une question qui est dans l'air au Québec et que peu de gens avaient pris au sérieux jusqu'ici."

Outre un réservoir de métaphores particulièrement exploité dans les milieux francophones, plus près des racines catholiques, les chercheurs ont tenté de comprendre pourquoi et surtout comment le Canadien en est venu à développer un caractère près du divin. Pour Jean-Marc Barreau, un des coauteurs du livre, cette situation ne vient qu'exposer que le peuple québécois se rapproche d'une autre forme de sacré. Un élément qui détonne dans une société qui se veut de plus en plus laïque et qui rejette les références religieuses.

"Au fond, c'est une société qui a laissé de côté une certaine religion pour en trouver une autre. Le sport n'est-il pas une religion de substitution à celle qui s'est atténuée?", souligne-t-il.

Les chercheurs ne perdent pas de vue que les références nombreuses et les parallèles qu'il est possible de dresser entre la dévotion du frère André et celle de Maurice Richard, par exemple, traduisent l'esprit et l'héritage culturel du Québec.

"C'est une religion qui s'inscrit dans un Québec traditionnellement ou mythologiquement catholique mur à mur", reprend Oliver Bauer.

Dans une certaine mesure, cette récupération inquiète les chercheurs, au sens où cet attachement et cette piété pourrait basculer en cas de crise majeure, comme la disparition de l'équipe ou un éventuel déménagement du club.

"Dans certains cas, ça va très loin et on peut se demander si c'est vraiment sain, explique Olivier Bauer. Cela dit, si les gens y trouvent une force, une passion, si le Québec y trouve une manière de s'unir, tant mieux. Peut-être que ça peut aussi permettre aux immigrants de prendre corps à la société. La seule inquiétude est de savoir si cela résiste aux crises."

L'objectif du livre "La Religion du Canadien de Montréal" n'est pas d'émettre un jugement, mais simplement d'exposer les bases de ce qui pourrait conduire à un débat ou une forme d'examen de conscience pour les amateurs qui en font peut-être trop. Au fond, selon Olivier Bauer, il ne faut pas perdre de vue que le hockey demeure avant tout un jeu.