Un 14 novembre inoubliable
LHJMQ jeudi, 13 nov. 2014. 19:22 dimanche, 15 déc. 2024. 02:04
« Hey le kid, passe-moi la rondelle. Je vais en compter des buts ce soir. »
Ces paroles sont celles de Mathieu Benoît à son compagnon de trio recrue de 16 ans, Karl Fournier, il y a 15 ans jour pour jour.
L’attaquant du Titan d’Acadie-Bathurst avait prononcé ces mots après son premier but d’une rencontre disputée le 14 novembre 1999. Celui qui était âgé de 20 ans à l’époque était loin de se douter qu’il allait terminer le match avec huit buts, un record de la LHJMQ, dans une victoire de 12-3 face aux Saguenéens de Chicoutimi.
« Dans l’échauffement, des fois tu as un feeling et là j’en avais un. Mais je ne pensais pas en marquer autant. Rendu à trois, tu te dis que ton match est quasiment fait dans un sens. Mais tous mes lancers rentraient », a raconté Mathieu Benoît dans un entretien téléphonique avec le RDS.ca.
En plus d’égaler une marque du circuit Courteau pour les buts en un match, le choix de septième ronde des Devils en 1997 battait le record de la concession qui était précédemment à Laval avant la saison 1998-1999. Il détrônait nul autre que son idole de jeunesse, Mario Lemieux.
« Après deux périodes, j’en avais cinq. Je suis allé dans la chambre et j’ai regardé le record pour voir c’était quoi. Quand j’ai vu que c’était Mario Lemieux qui en avait six, j’avais comme objectif d’en faire au moins un autre », se remémore Benoît, qui a été échangé aux Wildcats de Moncton peu de temps après cette partie.
Tout roulait pour Benoît au cours de ce match, lui qui a également obtenu deux mentions d’aide. Celui qui est maintenant père de trois enfants croit avoir décoché 16 tirs lors de cette incroyable performance.
Il a marqué ses trois derniers buts alors qu’il restait moins de trois minutes au match.
« Mon entraîneur, Roger Dejoie, m’avait dit que je pouvais embarquer et débarquer de la glace quand je le voulais. Quand j’ai compté mon sixième but, j’ai dit à Samuel Séguin de me gagner la mise en jeu derrière pour que je règle ce record et que ce soit fait. J’étais comme tanné. Il me l’a passé. La rondelle sautillait, mais j’ai réussi à la garder sur ma palette et le tir est passé sous le bras du gardien », a relaté celui qui a conclu son stage junior avec 418 points en 305 matchs.
Il n’y a pas que Benoît qui a établi des records au cours de cette soirée. Son coéquipier François Beauchemin a récolté huit mentions d’aide, une marque chez les défenseurs de la LHJMQ. L’ancienne sélection du Canadien n’était qu’à une passe du record de tous les temps détenu par André Savard (9 aides).
« Avant mon dernier but, François m’a dit que si j’étais pour en mettre un autre dedans, il lui fallait une passe. Il était rendu en avant. Il a déjoué un joueur et il m’a laissé la rondelle en entrée de zone. J’ai pris un lancer frappé, mais j’étais tout croche. Je me disais "on oublie ça", mais la rondelle est entrée dans le haut du filet. Je ne pensais même pas que j’avais le temps. Dans une vraie partie, j’aurais gardé ma position et je me serais replacé », a spécifié Benoît qui a inscrit son huitième filet avec 12 secondes à faire au dernier tiers.
La rencontre était présentée au Centre régional K.C. Irving à Bathurst et la foule était évidemment en délire en raison de l’avalanche de buts du numéro 97.
Les joueurs étaient aussi impressionnés par cette performance qu’on voit rarement, même dans les rangs mineurs.
« Tous les tirs, il les plaçait dans le haut du filet et ça rentrait. C’était incroyable. On ne voit pas ça tous les jours. Dans ce temps-là, c’était pas mal plein dans l’aréna. Il y avait de l’ambiance », se rappelle Karl Fournier, qui a amassé trois passes au cours de cette rencontre, toutes sur des filets de la vedette de la soirée.
Étrangement, Benoît avait réussi cette performance face à son ancienne équipe, elle qui l’avait échangé au Titan l’année précédente. L’ailier droit de six pieds n’avait pas été le seul à réussir un tour du chapeau lors de ce dimanche soir de novembre 1999. Les trois buts des Saguenéens avaient été l’œuvre de Yannick Guay.
La LNH en tête
Mathieu Benoît a bien failli ne jamais prendre part à ce match.
La saison précédant cette performance inoubliable, Benoît s’était illustré en conduisant le Titan, qui en était à sa première saison dans les Maritimes après son déménagement de Laval, à la Coupe du Président. Il avait été nommé joueur par excellence des séries en route vers sa deuxième participation en carrière à la Coupe Memorial.
En 1999, après le camp d’entraînement des Devils, l’équipe lui a offert un contrat à deux volets, phénomène rare pour un choix de septième ronde à l’époque. Benoît avait finalement refusé l’offre pour revenir disputer une dernière saison dans la LHJMQ.
« D’autres offres se présentaient et j’avais changé d’agent pour faire affaire avec Bob Perno. En 2000, les Rangers m’avaient appelé en me disant que j’allais avoir une offre de contrat qui était mieux que celle des Devils. Le surlendemain, ils mettent tout le monde à la porte et je me suis retrouvé avec rien. C’était de la malchance », a-t-il estimé en ajoutant qu’il faut parfois être à la bonne place au bon moment pour percer dans la LNH.
À la conclusion de sa carrière junior, Benoît a porté les couleurs des Checkers de Charlotte dans la Ligue de la Côte-Est. En une saison, il a inscrit 43 buts pour terminer avec 73 points en 62 matchs seulement. Ce fut sa seule saison professionnelle au sud de la frontière.
Cette même année (2000-2001), Beauchemin, qui était un an plus jeune que Benoît, a aussi fait le saut dans les grandes ligues. Le choix de troisième tour du Tricolore en 1998 s’est joint aux Citadelles de Québec dans la Ligue américaine, eux qui étaient le club-école du CH.
Fournier se souvient bien de ses deux coéquipiers qui avaient des personnalités bien différentes dans le vestiaire du Titan.
« François était de nature plus calme. Il ne parlait pas beaucoup dans la chambre. Il faisait ses affaires. Tu voyais qu’il aspirait à jouer à un autre niveau. Il avait une attitude de professionnel déjà à cet âge », a décrit Fournier qui évolue maintenant avec Bordeaux dans la division 1 en France.
« Mathieu parlait beaucoup, même avec moi qui étais une recrue. Il m’aidait et il prenait le temps de corriger mes erreurs. Je m’entendais super bien avec lui. J’avais aussi de la pression de jouer sur le premier trio avec lui. Mais, il ne me chialait pas après quand je faisais une erreur », se remémore-t-il, lui qui avait terminé sa première de cinq campagnes dans la LHJMQ avec 29 points.
Les portes de la LNH se sont fermées pour Mathieu Benoît et il se rappelle que Beauchemin a bien failli abandonner aussi.
Alors qu’il était de retour au Québec pour s’aligner avec les Dragons de Verdun en 2001-2002, Benoît a croisé son ancien coéquipier qui lui avait fait une révélation qui peut surprendre maintenant que l'on connaît la suite des choses pour Beauchemin.
« Il était dans la Ligue de la Côte-Est à ce moment. Il m’avait dit qu’il jouait une autre saison et que si ça ne fonctionnait pas, il revenait pour jouer à Sorel. Il était fier de sa place. L’année suivante, il jouait son premier match dans la Ligue nationale. Ça montre comment la ligne est mince », a analysé celui qui est aujourd’hui âgé de 35 ans.
Le meneur de tous les temps au Québec
Mathieu Benoît a pris officiellement sa retraite cette année après 14 saisons dans la ligue semi-pro. En 12 saisons depuis que le circuit a été renommé la Ligue nord-américaine, Benoît est celui qui a cumulé le plus de points.
En 542 matchs, il compte 781 points, dont 328 buts, les deux plus hauts totaux dans l’histoire de la LNAH.
Cette ligue l’avait attiré puisqu’elle offrait de bons salaires au début des années 2000 et il pouvait avoir un autre emploi en même temps. À ses débuts, plusieurs croyaient que la LNAH n’allait pas fonctionner.
« À mes cinq ou six premières années, tout le monde n’arrêtait pas de dire que la ligue allait fermer. Plus de dix ans plus tard, elle est encore là », a indiqué celui qui est l’un des actionnaires des Prédateurs de Laval.
Mathieu Benoît possède toujours la passion pour le hockey. Il la transmet à son fils en étant entraîneur de son équipe novice, un rôle qu’il a beaucoup de plaisir à occuper.