MONTRÉAL – Éric Landry avait eu cinq jours pour préparer son équipe après avoir été nommé à la barre des Olympiques de Gatineau. Toute la semaine, à l’entraînement, il avait laissé de côté les X et les O et avait mis l’accent sur l’intensité. Il était surtout là le problème, selon lui, au sein du groupe dont il venait d’hériter à la suite du congédiement de Mario Duhamel.

Quelques heures avant le grand soir, le nouveau coach sentait que les préparatifs avaient été payants. Ses joueurs étaient gonflés à bloc. Dès la première présence du match, ses gars ont raté une chance en or d’ouvrir le pointage. Tout allait bien aller.

Puis ça s’est mis à rentrer. Un but. Deux buts. Trois buts.

Après 84 secondes de jeu, le Drakkar de Baie-Comeau menait 3-0 et Éric Landry se demandait déjà dans quoi il avait bien pu s’embarquer.

« Je vais t’avouer que je me suis posé plein de questions à ce moment-là. Derrière le banc, le feeling était assez spécial. J’ai pris une bonne respiration et j’ai dit : ‘Ok, on appuie sur le bouton Reset pis let’s go’. »

Après cette cinquième défaite consécutive, les Olympiques occupaient le 16e rang du classement général de la LHJMQ, le dernier donnant accès aux séries éliminatoires. Il restait deux mois avant la fin de la saison et la fière formation de l’Outaouais risquait de les rater pour la première fois en 33 ans.

Landry a réalisé qu’il se trouvait à une intersection. À droite, son plan fonctionnait et tout le monde finissait par oublier ce début de saison désastreux. À gauche, son équipe continuait à déraper et son nom se retrouvait dans le grand livre d’histoire de l’organisation pour les mauvaises raisons.

La pression de coacher à Gatineau, il l’a ressentie ce soir-là.

« Quand on a visionné de nouveau le match à Baie-Comeau, on voyait bien que les gars voulaient bien faire. Pour travailler, ils avaient travaillé. Peut-être trop même! C’est là qu’on leur a dit que ce n’était pas une course pour les premières victoires. Ce qu’on voulait, c’était d’abord retrouver de bonnes habitudes à l’entraînement en sachant qu’éventuellement, on les transporterait dans les matchs. »

Deux jours après leur faux départ sur la Côte-Nord, les Olympiques ont été blanchis 4-0 à Chicoutimi. « Mais on avait joué un bien meilleur match, se souvient Landry. On n’avait pas réussi à scorer, mais c’était déjà cent fois mieux... »

L’intuition de l’entraîneur recrue ne l’avait pas trompé et les Olympiques se sont effectivement ressaisis. À leur retour à la maison, ils ont amorcé une séquence de sept victoires et ont terminé la saison avec 14 gains en 19 matchs pour se hisser au dixième rang du classement.

Benoît Groulx, un mentor

Sans expérience à la tête d’une équipe, Landry pouvait s’appuyer sur la grande expérience qu’il avait acquise au cours d’une carrière de seize ans comme joueur professionnel. Mais il avait aussi eu la chance d’apprendre pendant trois saisons aux côtés de Benoît Groulx, un mentor qu’il n’a pas hésité à consulter quand certaines particularités du métier lui échappaient.

« Il m’a vraiment aidé là-dedans, on est toujours restés en contact. Quand je me posais des questions, il était une référence pour moi. Je ne me suis pas gêné pour prendre le téléphone quand j’avais des questionnements. »

Landry est entré en poste avec une bonne idée du plan qu’il voulait implanter. Tout en l’inculquant à ses joueurs, il a sondé des contacts dignes de confiance. « Pour m’enligner comme il faut », précise-t-il. Groulx est devenu un confident régulier. Même une fois le projet bien lancé, les anciens collègues ont continué de se parler sur une base hebdomadaire.

« Des conseils, ce sont des idées qui génèrent d’autres idées. Ça ne veut pas nécessairement dire que je prends tout ce qu’on me dit à la lettre, mais ça peut servir d’inspiration. On n’a jamais trop d’information. Ensuite, c’est à nous d’en faire ce qu’on veut. »

S’il ne renie pas ses influences, le pilote de 42 ans reste clair sur une chose : il n’est pas, et ne sera jamais, Benoît Groulx. Ni personne d'autre, d'ailleurs.

« C’est une chose qu’il m’a toujours dit : quand tu fais quelque chose, il ne faut pas que tu essaies de copier personne. Les joueurs vont le remarquer et toi-même, à moment donné, tu vas te perdre là-dedans. Si tu es authentique et que tu y vas avec tes idées, avec ton feeling, tu peux prendre des mauvaises décisions, mais tu ne peux pas te tromper. »

Habitués aux surprises

À l’aube du début des séries, les Olympiques sont dans un rôle qui leur est familier : celui des négligés que personne ne veut affronter en première ronde. Landry connaît bien la réputation de son équipe, celle d’une emmerdeuse de première catégorie.

En 2013, les Olympiques avaient terminé la saison régulière avec une fiche de cinq matchs sous la barre de ,500, mais avaient éliminé d’entrée de jeu l’Océanic de Rimouski, qui avait récolté 28 points de plus au classement.

Deux ans plus tard, les « Piques » s’étaient classés au 14e rang et avaient affronté l’Armada de Blainville-Boisbriand, championne de la division Ouest, en première ronde. Ça s’était réglé en six matchs.

Plusieurs observateurs favorisent cette année les Olympiques (33-31-4-0, 70 points) pour servir le même traitement aux Screaming Eagles du Cap-Breton (39-25-2-2, 82 points), mais Landry suggère à tout le monde de se garder une petite gêne avant de prédire une surprise.

« Ils ont été constants toute l’année et ne sont pas dans cette position par chance. C’est une équipe bien rodée, bien dirigée, bien structurée. Je peux comprendre que certains nous voient favoris, c’est vrai qu’on est une équipe qui travaille fort, mais le Cap-Breton a mérité d’être là. Ça ne sera pas une série facile. »

Les Eagles, si on veut, ont déjà causé une certaine surprise par le simple fait de se maintenir dans la portion supérieure du classement après s’être notamment départi de l’attaquant vedette Pierre-Luc Dubois pour assurer une partie de l’avenir durant le temps des Fêtes.

« Tu les regardes jouer, il y a quelque chose en arrière de cette équipe-là », décèle Landry, qui retournera dans la ville où il a débuté sa carrière professionnelle dans la Ligue américaine en 1995.

La série mettra en vedette le meilleur marqueur de la LHJMQ, Vitali Abramov (104 points) des Olympiques, à son meilleur franc-tireur, Giovanni Fiore (52 buts) des Screaming Eagles.

« C’est un duel facile à identifier, mais dans les séries, ce n’est jamais l’histoire de seulement deux joueurs qui récoltent des points, dédramatise Landry. Ça va être beaucoup plus que ça. »