MANHATTAN - Dans le serpentin d’escaliers mécaniques menant des hauteurs du Madison Square Garden au coin de la 43e rue et de la 8e avenue, des fans des Blueshirts scandaient des « Let’s Go Rangers! » à l’unisson. Un peu plus loin, d’autres répondaient avec des « Henry! Henry! Henry! » hurlés à tue-tête en hommage à la performance sensationnelle du héros de la soirée Henrik Lundqvist.

Brillant devant son filet, chanceux aussi à quelques occasions, le gardien suédois a réalisé 40 arrêts pour priver les Kings de Los Angeles d’une victoire qu’ils auraient pleinement méritée. Lundqvist a aussi mené les Rangers à une victoire de 2-1 qui leur permet de garder espoir et de surtout éviter l’affront d’un balayage en grande finale ou de voir les Kings célébrer leur conquête à New York. « On ne voulait pas la coupe sur notre patinoire ce soir. La simple idée de les voir célébrer dans notre domicile me rend malade », a candidement reconnu le gardien des Rangers.

Entre deux cris de ralliement, des « high fives » balancés à droite et à gauche, et quelques insultes bien senties adressées aux rares fans des Kings qui quittaient déçus le MSG, les partisans des Rangers se donnaient rendez-vous lundi prochain pour un éventuel sixième match.

Il ne faudrait pas aller trop vite en affaire.

Car si les Rangers ont trouvé le moyen de soutirer une victoire aux Kings, ils devront disputer un bien meilleur match que celui de mercredi pour permettre à leurs fans de les revoir une dernière fois cette année lundi prochain. À moins que Lundqvist se transforme en magicien à nouveau vendredi à Los Angeles. Ou que dame chance, qui s’est rangée du côté des Rangers mercredi après leur avoir tourné le dos lundi, reste dans le camp des Blueshirts au lieu de basculer dans celui des Kings. En fait, une combinaison des deux serait bienvenue pour les Rangers et leurs partisans.

« Ça fait assez longtemps que je suis dans cette ligue pour savoir que les dieux du hockey s’impliquent parfois », a convenu l’entraîneur-chef Alain Vigneault.

Contre les Kings qui ont sans l’ombre d’un doute disputé leur meilleur match depuis le début de la finale, les Rangers ont joué dangereusement avec le feu. Pendant qu’ils laissaient Los Angeles lapider Henrik Lundqvist de 41 tirs, dont 15 en période médiane et 15 autres au dernier tiers, les Rangers se sont contentés de mettre Jonathan Quick à l’épreuve 19 fois seulement. Une seule en dernière période.

« Nous avons plié à plusieurs reprises ce soir. On a même plié beaucoup en fin de match, mais nous n’avons pas cassé. Nous avons trouvé une façon de gagner. Henrik a été phénoménal, c’est évident, mais je suis convaincu qu’une fois la satisfaction de la victoire passée, nos joueurs réaliseront qu’il faudra jouer bien mieux lors de la prochaine rencontre », a souligné avec raison l’entraîneur-chef des Rangers.

La chance change de bord 

À une défaite d’une élimination, les Rangers n’avaient pas le choix : ils devaient gagner. Peu importe la façon.

Après avoir promis qu’ils devraient afficher de la fierté pour éviter d’être balayés et surtout de voir les Kings célébrer leur conquête de la coupe Stanley au MSG, devant leurs partisans, les Rangers ont tenu parole. Ils ont très bien amorcé la rencontre. Ils ont imposé leur rythme. Ils ont pris le territoire des Kings d’assaut. Ils ont bourdonné autour de Jonathan Quick. Leurs efforts ont été récompensés lorsque Benoit Pouliot, bien posté devant la cage des Kings, a fait dévier un tir frappé du défenseur John Moore à qui le Gatinois Derick Brassard venait de refiler la rondelle. Ce but a mis un terme à la disette offensive de 123 :01 des Rangers.

En début de deuxième, les Rangers ont doublé leur avance lorsque Martin St-Louis, bataillant à la droite du gardien des Kings a enfilé son 8e but des séries, son deuxième de la finale.

Opportunistes depuis le début de la finale avec leurs deux victoires en prolongation et le fait que leurs trois buts marqués lors du troisième match ont tous été le résultat de bonds en leur faveur, les Kings ont vu la chance changer de bord.

Marian Gaborik, qui s’est fait bien discret avec seulement deux des 41 tirs de son équipe, a vu son meilleur tir de la soirée frapper la barre horizontale avant de dévier dans les mèches noires du filet protecteur plutôt que dans les mèches blanches du bon filet…

Les Kings ont aussi vu deux fois plutôt qu’une la rondelle s’arrêter tout juste sur la ligne rouge derrière Henrik Lundqvist qui croyait avoir fait l’arrêt. Alex Martinez a dirigé les deux tirs. Le premier est passé entre les jambières du gardien des Rangers. Une fois stoppée sur la ligne rouge, la rondelle a été ratée de quelques centimètres par la lame des bâtons de Jeff Carter et Marian Gaborik avant d’être balayée à l’extérieur du but par Anton Stralman. «J’ai joué de chance sur ce jeu, car avec toute l’agitation j’aurais pu moi même pousser la rondelle dans le fond du filet au lieu de la dégager», a convenu le défenseur suédois.

Le deuxième tir de Martinez a été dévié par Tanner Pearson alors que les Kings menaçaient dangereusement avec un peu plus d’une minute à jouer. Une fois encore, la rondelle s’est retrouvée sur la ligne rouge et c’est Derek Stepan, d’un geste rapide avec la main qui l’a ramenée sous son gardien. Stepan a été vif d’esprit sur le jeu. Il a évité un tir de pénalité en s’assurant de ne pas fermer la main sur la rondelle et de la pousser sous son gardien qui vilipendait alors l’officiel campé derrière lui. «Je croyais avoir la rondelle sous moi depuis le début. Je me demandais pourquoi il n’avait pas sifflé. Quand j’ai compris qu’elle était derrière moi depuis quelques secondes, je me suis excusé», a raconté Lundqvist, un brin repentant.

Girardi : tour du chapeau 

Si la chance a nettement favorisé les Rangers pour les aider à amorcer une remontée qui est loin d’être terminée, elle leur a fait défaut une fois. Mais quelle fois!

Pendant que les Rangers complétaient leur troisième attaque massive du match, Dan Girardi a perdu la rondelle à la ligne bleue des Kings. L’extrémité du manche de son bâton s’est alors brisée. Girardi a dû laisser tomber son bâton avant de regarder Dustin Brown s’emparer de la rondelle pour ensuite s’offrir une longue échappée. À l’autre bout de la patinoire, le capitaine des Kings a habilement déjoué Henrik Lundqvist avec une feinte du tonnerre.

« Je ne pouvais croire ce qui venait de se passer. J’ai craint que la malchance revienne encore nous hanter comme ce fut le cas lors de la troisième partie », a d’ailleurs reconnu le gardien des Rangers après la rencontre.

C’était la troisième fois de la finale que Girardi faisait cadeau d’un but aux Kings. Justin Williams a marqué le but gagnant en prolongation lors du premier match après que le défenseur des Rangers eut commis un revirement atroce en tentant de dégager son territoire alors qu’il était sur les genoux. Dans le troisième match, Girardi a fait dévier un tir de Jeff Carter alors qu’il effectuait une glissade pour le bloquer.

Girardi a complété son tour du chapeau en brisant son bâton sur ce but qui a complètement changé l’allure de la rencontre.

Sur les talons 

Victimes de remontées victorieuses des Kings lors des deux premiers matchs, les Rangers ont très mal réagi après le but de Brown.

Au lieu d’afficher la confiance qu’ils affichaient jusque là – loin d’être parfaits, ils étaient malgré tout dans le coup – les Rangers se sont alors mis à jouer sur les talons. Loin de faire honneur au vieux principe selon lequel la meilleure défensive est l’offensive, les hommes d’Alain Vigneault se sont retrouvés sur les talons. En avant 18-16 au chapitre des tirs au but avant le but du capitaine des Kings, les Rangers ont ensuite été dominés 25-1 par Los Angeles.

« On avait beau dire aux joueurs de garder le rythme, de ne pas être sur les talons, on dirait que c’était une réaction instinctive. Il est aussi important de donner tout le crédit qui revient aux Kings qui ont vraiment tour donner dans les dernières 30 minutes du match. Ils nous ont présenté le meilleur hockey qu’ils ont joué depuis le début de la finale », a souligné Vigneault.

Les Kings ont menacé plusieurs fois en fin de match, sans arriver à niveler les chances.

C’était la première fois en 10 matchs que les Kings étaient limités à un but par leurs adversaires et la troisième fois seulement depuis le début des séries qu’ils n’enfilaient pas au moins deux buts. Los Angeles a été blanchi une fois (3-0) par les Ducks d’Anaheim et a encaissé un revers de 3-1 aux mains des Blackhawks de Chicago.

Chiffres du match 

3 – Martin St-Louis a marqué son 3e but gagnant des présentes séries, son 11e en carrière. Il occupe le 5e rang chez les joueurs actifs derrière Jaromir Jagr (15), Patrick Marleau (15), Daniel Brière (13) et Johan Franzen (12)…

5 – Les Rangers affichent un dossier parfait de cinq victoires depuis le début des séries lorsqu’ils font face à l’élimination…

7 – Les Rangers sont devenus hier la 7e équipe seulement sur les 27 qui ont accusé un déficit de 0-3 en finale de la coupe Stanley à forcer la tenue d’un cinquième match…

8 – Les Rangers ont établi un nouveau record de la LNH en remportant hier un 8e gain de suite dans le cadre d’un match disputé au Madison Square Garden lorsqu’ils font face à l’élimination. Henrik Lundqvist qui a signé ces huit victoires a maintenu une moyenne de ,99 but accordé par match et une efficacité de 96,8 % au cours de cette séquence phénoménale…

11 – Les Rangers présentent un dossier de 11-2 lors de leurs 13 derniers matchs de séries disputés alors qu’ils font face à l’élimination. Henrik Lundqvist affiche une moyenne de 1,3 but alloué par rencontre et une efficacité de 95,9 % lors de ces 13 parties…

26 – Les Kings disputeront vendredi leur 26e rencontre des présentes séries. Ils égaleront le record de la LNH que partagent les Flyers de Philadelphie (1987) et les Flames de Calgary (2004) qui ont tous deux encaissé des revers en sept matchs en finale de la coupe Stanley…

40 – Selon le Elias Sports Bureau, Henrik Lundqvist est le premier gardien à réaliser 40 arrêts ou plus dans un match de série finale de la coupe Stanley depuis les années 1950 alors que la LNH a commencé à comptabiliser les arrêts effectués par les gardiens…

93 – Les Kings et les Rangers disputeront samedi la 93e partie des séries éliminatoires 2014 améliorant ainsi le record pour le plus grand nombre de matchs éliminatoires (92) établi en 1991…