Peter Laviolette était un coach en sursis. C’était le secret le moins bien gardé autour de la LNH. En fait non! Ce n’était pas même un secret.

Aux quatre coins de la LNH plusieurs observateurs étaient convaincus qu’il ne survivrait pas à l’hécatombe de l’an dernier alors que les Flyers ont été évincés des séries éliminatoires pour la première fois en six ans. La deuxième en 18 ans, la septième fois seulement depuis qu’ils ont pris la LNH d’assaut en 1967, dont cinq saisons consécutives lorsque les années 1980 ont basculé dans les années 1990.

La saison écourtée par le lock-out, le vaudeville défensif attribuable à la perte irremplaçable de Chris Pronger et aux contre-performances d’Ilya Bryzgalov devant le filet ont obligé le directeur général Paul Holmgren à accorder une autre chance à son coach.

Ce n’est pas moi qui le dit, mais Holmgren lui-même qui a convenu avoir jonglé avec l’idée de congédier Laviolette le printemps dernier afin de lui offrir une autre chance.

Remarquez qu’il aurait dû de limoger dès le printemps!

Car un sursis de trois matchs, ce n’est pas un sursis. J’irais même jusqu’à dire que c’est un coup de poing en plein front plus percutant encore qu’un congédiement à la fin d’une saison.

Une finale et une coupe Stanley

Peter Laviolette est un excellent entraîneur. Il l’a prouvé à son arrivée avec les Flyers alors qu’il a pris une équipe en déroute, remplaçant John Stevens au milieu de la saison 2008-2009, pour la conduire en séries.

La saison suivante, les Flyers de Laviolette ont réussi ce que les Penguins de Pittsburgh et les Capitals de Washington avaient été incapables de réussir : ils ont résolu l’énigme Jaroslav Halak et sont venus à bout du système défensif ô combien efficace de Jacques Martin pour se rendre en finale de la coupe Stanley.

Une finale qu’ils ont perdue aux mains des Blackhawks de Chicago.

Sans oublier que c’est Laviolette qui était derrière le banc des Hurricanes lorsque la coupe Stanley a défilé dans les rues de Raleigh à l’été 2006. Je veux bien croire que Cam Ward avait multiplié les miracles, mais en dépit de ses prouesses, les Hurricanes étaient quand même loin de former une puissance dans la LNH.

Comme quoi Laviolette devait bien avoir une qualité, ou deux. Peut-être même trois. Et que son congédiement de ce matin servira de tremplin vers un autre poste dès qu’il sera disponible. Que ce soit au Minnesota, à Columbus ou ailleurs…

Équipe désorganisée

Pourquoi le congédier alors? Après trois petites parties en plus. Ce qui est un record en passant : plus rapide licenciement en début de saison après les congédiements de Denis Savard en 2008 à Chicago après 4 matchs (1-2-1), d’Ivan Hlinka (0-4-0) à Pittsburgh en 2000 et de Jacques Demers (0-4-0) avec le Canadien en 1995.

Maurice Richard avec les Nordiques de Québec à leur arrivée dans l’Association mondiale de hockey et Bill Gasby, des Red Wings de Detroit, en 1969, ont quitté leur poste après deux matchs seulement. Mais dans leur cas, on a parlé de démissions et non de congédiements.

Anyway!

Alors : pourquoi congédier Laviolette si rapidement?

Parce que rien ne fonctionnait chez les Flyers. On l’a vu samedi à Montréal. Selon quelques-uns de mes collègues qui suivent l’équipe quotidiennement, ou presque, ce fut pire, bien pire, dimanche soir en Caroline.

De fait, ils m’assurent que cette équipe patinait sur la bottine depuis le premier jour du camp d’entraînement.

Quand les joueurs sentent que leur coach n’est pas solide, c’est rare qu’ils se mobilisent pour sauver sa job. À moins qu’ils l’aiment vraiment.

Est-ce à dire que les joueurs des Flyers en avaient assez de Laviolette? Peut-être. Mais je ne suis pas assez au fait des jeux de coulisses dans ce vestiaire pour vous l’affirmer.

Je peux toutefois vous assurer une chose : Craig Berube était un adjoint très apprécié. Ce ne sera pas facile de se faire autant aimer à titre d’entraîneur-chef. Il aura le rôle ingrat de prendre les décisions difficiles au lieu de se contenter de réconforter les joueurs. Mais à titre de Flyer depuis toujours, il pourrait avoir un effet bénéfique.

Du moins à court terme.

Craig Berube, un dur qui a passé 3145 minutes au banc des pénalités au cours des 1054 matchs qu’a duré sa carrière, a assuré aux journalistes qu’il débarquerait derrière le banc avec une autre philosophie que celle de son ancien patron Peter Laviolette.

On verra ce que ça donnera.

Cela dit, comme il est crucial de le faire chaque fois qu’un congédiement est annoncé, j’ai sauté sur le calendrier des Flyers pour voir ce qui les attend à court terme.

Les prochains adversaires des Flyers sont les pauvres Panthers de la Floride. Un match qui devrait être facile. Un match que Berube doit gagner.

Après les Panthers, les Flyers croiseront Phoenix avant de se rendre à Detroit. Vancouver, Pittsburgh et New York (Rangers) représentent trois gros défis, mais les Flyers seront à la maison, où normalement, ils devraient être plus difficiles à battre.

Ils se rendront ensuite à Long Island avant de recevoir les Ducks et les Capitals.

En fait d’équipes, le défi demeure imposant. Mais les Flyers disputant sept de leurs neuf prochains matchs à domicile, on comprend mieux que Paul Holmgren ait décidé de mettre le plus de chances de son côté en procédant au changement dès aujourd’hui et non après les deux, cinq, voire dix prochaines parties.

Le retour d'Ian Laperrière

Je vois Berube comme un motivateur. Un motivateur qui aura à sa gauche, en John Paddock, un mentor pour l’analyse des bandes vidéos et la mise en ordre des stratégies. Car la motivation, c’est bien beau, mais ça prend un brin ou deux de stratégies également dans le hockey d’aujourd’hui.

À sa droite, Berube sera flanqué d'Ian Laperrière. Un vrai de vrai. Un gars qui a maximisé le talent que le bon Dieu lui a donné en travaillant sans relâche et qui sera d’une aide précieuse pour inculquer aux joueurs des Flyers la motivation et la passion qui manquaient peut-être un peu, pas mal, depuis l’an dernier.

En passant, je suis très heureux de voir Laperrière revenir à l’avant-scène du hockey. Je ne sais pas ce qu’il sera en mesure d’accomplir et si cette première expérience lui permettra de se rendre à un rôle d’entraîneur-chef un jour. S’il le désire et qu’il en a les compétences.

Mais s’il transmet la moitié de son énergie aux joueurs qu’il dirigera, le Canadien ne croisera pas les Flyers qu’il a croisés samedi lors du prochain match entre les deux équipes, le 12 décembre à Philadelphie.

Sur le Grand Club, mon collègue et ami Luc Gélinas a d'ailleurs parlé avec Ian Laperrière au cours de l’après-midi et a effectué un compte-rendu de cet entretien.

À quand le tour d’Holmgren?

La vraie question maintenant est de savoir si en congédiant Peter Laviolette, les Flyers ont congédié le vrai problème qui mine leur organisation.

Car quand on regarde ce que les Flyers ont gaspillé en argent avec des contrats complètements fous et en talent avec des transactions qui ont changé la face de l’équipe et aidé les Kings de Los Angeles à soulever la coupe Stanley, il est permis de se demander s’il ne serait pas temps de changer le grand boss?

Ce n’est pas Peter Laviolette qui a remplacé Sergei Bobrovsky par Ilya Bryzgalov.

Ce n’est pas Peter Laviolette qui a échangé Mike Richards et Jeff Carter pour des jeunes de talent, c’est vrai, mais des jeunes qui sont loin d’avoir remplacé les joueurs en retour de qui ils ont été acquis.

Ce n’est pas Peter Laviolette qui a offert un contrat de quatre ans et 21 millions $ à Mark Streit comme si le gentil défenseur suisse était la solution à long terme aux problèmes reliés à l’absence de Chris Pronger.

Et comme Streit a franchi le cap des 35 ans, les Flyers seront pris avec son contrat et ce qu’il représente sous le plafond, peu importe ce qui lui arrive.

Un méchant coup de dés sur le plan financier.

Mais bon! Les Flyers sur le plan financier sont loin d’avoir des ennuis. Ed Snider, leur richissime propriétaire traine plus d’argent dans ses poches pour ses dépenses personnelles quotidiennes que bien des équipes de la LNH en ont à la banque. Incluant leurs marges de crédit…

Ça fait que « money is no object ».

Mais quand même, il serait peut-être temps que Snider s’assure que ses millions $ rapportent un peu au lieu d’être gaspillés. Il serait temps qu’il redonne une ligne directrice à son équipe. Et pour se faire, il devrait peut-être mettre plus de pression sur son DG en l’identifiant comme le prochain coupable à tomber si la situation ne s’améliore pas.

Semble-t-il que ça s’en vient. À Philadelphie, on assure que l’ancien gardien Ron Hextall est le prochain en lice. Qu’il prépare son entrée.

On verra!

Ce qui est clair, c’est que le bon vieux Ed Snider a encore de la pogne. Ce matin, devant des journalistes qui décriaient le manque de cohésion des Flyers sur la patinoire et dans les bureaux, Ed Snider s’est rebiffé. Il a apostrophé les collègues en martelant que les Flyers étaient toujours guidés par la même philosophie depuis leur entrée dans la LNH. Celle de gagner. De gagner à tout prix!

On veut bien.

Mais pour l’instant, Ed Snider paie le gros prix pour voir une équipe perdre trop souvent pour lui offrir un rendement intéressant sur l’argent qu’il dépense.

Peut-être devrait-il s’assurer d’embaucher un bon comptable autant qu’un bon entraîneur-chef. Cela aiderait son équipe à respecter la philosophie qui l’anime depuis son entrée dans la LNH.

Sinon, les Flyers continueront à être ce qu’ils sont devenus : l’équipe qui mine les budgets des 29 autres en concédant des contrats faramineux à des joueurs qui ne le méritent pas toujours et en débalançant une échelle salariale cruciale pour la survie économique des équipes dans le hockey d’aujourd’hui.

D’ici là, c’est à Craig Berube de jouer.