OTTAWA – À l’aube d’une saison qui s’annonce difficile, les Sénateurs d’Ottawa ont pris les décisions qui s’imposaient en offrant un riche contrat (50,75 millions pour sept ans) à Bobby Ryan et en décernant le titre de capitaine au défenseur Erik Karlsson.

Les Sénateurs auraient pu opter pour le vétéran Chris Phillips. De fait, après lui avoir préféré Jason Spezza l’an dernier, les Sénateurs auraient facilement pu « réparer » l’erreur commise en offrant le C à Phillips. Certains avancent qu’ils auraient même dû réparer cette erreur.

Tout premier choix de la cuvée 1996, Phillips est un pilier à la ligne bleue des Sens depuis 1997. Bien qu’il ait ralenti, il amorce la première année d’un contrat de deux ans qui lui permettra de disputer 18 saisons à Ottawa. Il est depuis longtemps, et il est toujours, un roc solide dans le vestiaire. Un roc autour duquel les joueurs auraient pu se regrouper si les prochains mois sont aussi difficiles que plusieurs observateurs le prévoient.

Décision justifiée

Grand admirateur de Chris Phillips – le joueur, mais plus encore l’individu qui se cache derrière le joueur – j’aurais applaudi sa sélection. Et bien que je sois peiné pour lui, car il est évident qu’il aurait beaucoup aimé assumer ce rôle à la tête de la seule équipe pour laquelle il jouera au cours de sa carrière – il pourrait toujours être échangé en fin de saison, mais j’en doute – je comprends très bien pourquoi les Sénateurs ont décidé de fait un bond au-dessus de Phillips pour coudre le C du capitaine sur le chandail d’Erik Karlsson.

Première raison : pour éviter de se retrouver dans la même position à la fin de la prochaine saison ou dans deux ans au plus tard.

Deuxième raison, et raison principale selon moi, il était grandement temps pour Karlsson de prendre plus de place au sein de son équipe.

Il est déjà le meilleur joueur de son camp, l’un des meilleurs défenseurs offensifs de la LNH, mais son implication au sein de l’équipe n’était pas toujours évidente. Dans l’ombre de son grand ami et mentor Daniel Alfredsson, Karlsson était tout à fait à l’aise. Il pouvait faire ce qu’il fait de mieux au hockey, sans avoir à assumer les responsabilités de leader qu’il aurait normalement dû assumer.

La perte d’Alfredsson lui a fait très mal. Il l’a reconnu. Des ennuis personnels – réaménagement de sa vie conjugale – tout comme les blessures et les insuccès de l’équipe sur la patinoire l’an dernier sont loin d’avoir aidé les choses.

À l’aube d’une saison qui pourrait en être une de transition, le temps est donc bien choisi pour faire de Karlsson le capitaine. Pour le contraindre à assumer plus de responsabilités sur et à l’extérieur de la patinoire. Pour l’aider à afficher plus de maturité. Sur la patinoire comme à l’extérieur.

À titre de capitaine, il ne pourra plus – ou ne devrait plus en tout cas – jouer au chat et à la souris avec les journalistes comme il l’a fait l’an dernier en refusant systématiquement de répondre aux questions reliées aux performances décevantes que lui et l’équipe offraient sur la glace.

Si Karlsson a retenu une et une seule des nombreuses choses que lui a apprises Daniel Alfredsson, il assumera ses responsabilités, toutes ses responsabilités, en tentant d’imiter son parrain qui demeurera l’un des grands leaders de l’histoire des Sénateurs, voire du hockey.

Est-ce trop tôt pour faire ainsi confiance à Karlsson?

Non! Même que je considère que c’est nécessaire. Car malgré ses 24 ans, Karlsson amorce une sixième saison à Ottawa et dans la LNH. Il a un trophée Norris à son actif. En le gardant sur la voix de service, les Sénateurs lui auraient permis – et ce n’est pas souhaitable – de continuer de jouer à sa tête sans se soucier du reste de l’équipe.

Le titre de capitaine ne transformera par Erik Karlsson en Chris Phillips sur le plan du style de jeu. Ça non! Mais s’il lui permet de développer un peu plus de responsabilités défensives, cela aidera la cause des Sénateurs et fera de Karlsson un meilleur défenseur encore.

Les prochains mois diront si la direction de l’équipe a eu raison de prendre la décision qu’elle a prise. De prendre le pari qu’elle a pris.

Déception normale

Chris Phillips ne s’est pas présenté devant les journalistes après l’entraînement. S’il était venu répondre aux questions, il aurait convenu que le fait d’avoir été écarté l’a déçu. Et c’est normal. Phillips est en plein le genre de gars assez honnête pour livrer ses réels états d’âme tout en étant assez fier pour éviter de les laisser miner ses performances. Pour les laisser miner sa contribution à l’équipe.

Bien qu’il n’ait pas de C sur son chandail, Phillips pourra assumer le leadership qu’il a toujours assumé en appuyant Karlsson devant tout le monde et en le rappelant un brin ou deux à l’ordre en privé si jamais la pierre angulaire des Sénateurs ne remplit pas toutes les facettes du rôle que la direction du club vient de lui confier.

Et Phillips ne sera pas seul.

« Des joueurs importants sont partis au fil des dernières saisons (Daniel Alfredsson et Jason Spezza), mais il y a encore beaucoup de leaders au sein du noyau de notre club. Des joueurs se sont greffés à l’équipe et nous apportons tous notre contribution à notre façon. Je n’ai jamais considéré avoir des chances de devenir capitaine et je n’ai jamais eu les indications que la direction de l’équipe me voyait dans ce rôle, mais cela ne m’empêche pas d’être un leader à ma façon. Et j’ai bien l’intention de maintenir ces responsabilités », a indiqué le vétéran attaquant Chris Neil.

Ryan vite convaincu

« Quand tu considères le genre de joueur qu’est Erik Karlsson et ce qu’il représente au sein de cette équipe, il représentait un choix normal pour obtenir le titre de capitaine », a ajouté Bobby Ryan.

Acquis des Ducks d’Anaheim l’an dernier, Ryan n’a pas obtenu le titre de capitaine. Mais le contrat de 50,75 millions qu’il a signé mercredi fait de l’ailier droit un pilier aussi important que Karlsson.

Après une première saison un brin décevante l’an dernier (23 buts, 48 points en 70 matchs), Ryan ne savait pas trop sur quel pied danser à l’aube de sa dernière année de contrat. Même que des commentaires reliés au fait qu’il voulait attendre de voir quelle direction l’état-major des Sénateurs voulait prendre avant de s’engager pour longtemps laissaient poindre la possibilité qu’il tourne le dos à Ottawa pour mettre le cap vers un club doté de meilleures chances de gagner.

Les négociations qui se sont déroulées en début de semaine ont tout changé.

Quand j’ai demandé à Ryan ce matin si les sept années du contrat que lui offraient les Sénateurs et les 50,75 millions $ garantis par ce contrat avaient rapidement pris le dessus dans sa quête des succès de l’équipe à long terme, il s’est contenté de sourire.

« Je n’ai jamais caché mon intention de me joindre à cette équipe à long terme. Mais je tenais à évaluer les choses. Disons qu’en m’offrant ce genre de confiance la direction de l’équipe m’a convaincu rapidement », a répondu Ryan.

Bien qu’elle soit imposante sur le plan des dollars et celui des années, l’entente liant Ryan aux Sénateurs s’est conclue en moins de deux jours.

«J’étais prêt à prendre mon temps et je n’avais pas la moindre idée que ce contrat tomberait si vite sur la table. Cela démontre au fond que moi et la direction partagions les mêmes vues sur l’avenir de l’équipe et sur le rôle qu’on veut me confier. »

À la lumière des matchs préparatoires, le rôle de Ryan pourrait changer un brin ou deux. Du moins en début de saison.

Employé avec Clarke MacArthur et Kyle Turris l’an dernier – après que l’expérience avec Jason Spezza n’ait pas été concluante – Bobby Ryan a été remplacé au sein de ce trio par Mark Stone.

Contre le Canadien vendredi soir, à Ottawa, Ryan évoluera avec Mika Zibanejad et le Québécois Alex Chiasson.

Une façon pour les Sénateurs de diviser leur force de frappe offensive afin de faire mentir les nombreux observateurs qui prétendent que la perte de Jason Spezza facilitera grandement le travail des équipes adverses en défensive.

« On a perdu un joueur important avec le départ de Jason. C’est évident. Mais un gars comme Mark Stone a démontré qu’il a le potentiel pour évoluer au sein d’un bon trio et je vois la décision de la direction comme un souci de lui offrir les meilleures chances possibles de réussir. Et ce n’est pas comme si j’étais perdant au change. Mika (Zibanejad) est un excellent joueur de centre et Alex (Chiasson) a prouvé qu’il est en mesure de contribuer sur le plan offensif. Nous avons encore de la complicité à établir au sein de notre trio en début de saison, mais je vois d’un bon œil ce défi que la direction me confie », a conclu Ryan.