BOCA RATON, Floride - Avant de plonger dans les modifications à apporter pour peaufiner le hockey d’aujourd’hui, les 31 directeurs généraux de la LNH ont passé la première journée de leur rencontre hivernale à cogiter sur le hockey de demain, et d’après-demain.

Réunis autour du commissaire Gary Bettman qui a officiellement accueilli George McPhee et les Golden Knights de Las Vegas, les 31 directeurs généraux ont regardé des vidéos illustrant le hockey et surtout la façon dont il était joué dans les années 60, 70, 80, 90 et au tournant du millénaire. Ils se sont ensuite divisés en quatre groupes au sein desquels ils ont brassé des idées afin d’établir des propositions qui pourraient entrer en vigueur dans deux, cinq, voire dix ans. Et d’autres qui seront rapidement reléguées aux calendes grecques.

« Je ne voudrais jamais voir entrer en vigueur certaines idées que j’ai entendues ce matin », a candidement lancé le directeur général des Devils du New Jersey, Ray Shero.

Refusant de lever le voile sur les propositions les plus loufoques qu’il a entendues, Shero a insisté sur l’importance de respecter la nature même du hockey. « Il y a des idées qui semblent bonnes initialement. Qui sont même intéressantes. Mais quand tu songes à leur application, elles sont vite déplacées dans la colonne des mauvaises idées. »

Les avancées technologiques dicteront plusieurs changements qui seront apportés au fil des prochaines années.

Directeur général du Canadien, Marc Bergevin croit d’ailleurs que le temps est venu d’installer des puces électroniques dans les rondelles afin de confirmer, sans avoir recours aux reprises vidéo, si la rondelle a ou non traversé la ligne rouge. « Je suis un jeune directeur général alors j’écoute bien plus que je ne parle, mais avec la grosseur de l’équipement des gardiens et en raison de la circulation toujours très dense autour des buts, la technologie pourrait aider », a indiqué Bergevin.

Le DG du Canadien n’est toutefois pas d’accord avec l’idée d’empêcher les gardiens d’aller stopper des rondelles derrière leur filet et d’orchestrer des relances comme le faisait si bien Martin Brodeur et le fait encore aujourd’hui Carey Price.

« Comme ancien défenseur, je serais contre cette idée. Oui cela créerait plus d’offensive parce que les équipes seraient plus agressives en échec avant, mais on a développé cet aspect du jeu pour aider les défenseurs et pour éviter les blessures qu’ils subissaient. »

Ray Shero abonde dans le même sens : « Le hockey est un jeu d’erreurs et ces erreurs rendent souvent le jeu imprévisible et spectaculaire. Pour moi, cette notion est bien plus importante que le nombre de buts marqués au cours d’une partie. Oui il y a des gardiens qui sont meilleurs que d’autres dans l’art de contrôler la rondelle. Mais je veux les voir s’interposer. Et s’ils ratent la rondelle ou leur relance, ça donne une occasion de marquer à l’autre club. Même les meilleurs font des erreurs de temps en temps. C’est enlevant. Il ne faut pas changer le hockey simplement pour le changer. Il faut l’améliorer oui. Mais pas le dénaturer. »

Revenir à la base

Marc Bergevin et ses homologues qui ont répondu aux questions des journalistes étaient tous unanimes à dire qu’ils aiment le hockey d’aujourd’hui et que toutes les décisions qu’ils prendront cette semaine et au cours des prochaines années doivent avoir comme objectif le bien du hockey.

« J'aime la LNH d'aujourd'hui »

Qu'en est-il de leurs préoccupations?

Débarqué à la table des directeurs généraux de la LNH en 1988, Lou Lamoriello offre une réponse rapide à cette question : « Le développement technologique me fait peur », lance tout de go le nouveau patron des Maple Leafs de Toronto.

« Les entraîneurs-chefs n’ont jamais été aussi bons. Ils n’ont jamais travaillé aussi fort qu’ils ne le font maintenant. Ils ont des tas de moyens pour décortiquer des matchs et concocter des stratégies pour éteindre le jeu. Comprenez-moi bien, je louange ici les coachs. Je ne les blâme pas du tout. Ils maximisent leur travail. Mais avec toutes les analyses et statistiques avancées, avec l’attention accordée aux plus petits détails, on développe des spécialistes qui remplissent des mandats spécifiques sur une patinoire au lieu de développer des joueurs de hockey et de miser sur le talent et le sens du jeu. »

Lamoriello se tourne d’ailleurs vers le baseball pour appuyer son point. « Il y a quelques années, on voyait des releveurs entrer en scène dans les deux, parfois trois, dernières manches. Aujourd’hui, un partant qui a fait cinq manches a fait son job. Des lanceurs se succèdent ensuite pour mettre la table aux spécialistes des fins de parties. J’aimerais qu’on continue de développer des joueurs complets au hockey au lieu de les surspécialiser comme on le fait aujourd’hui à un très jeune âge. »

Un autre point irrite particulièrement Lamoriello : le point prime accordé dans le cadre des défaites en prolongation et tirs de barrage. Il voudrait revenir à la base et assurer que le club qui gagne le match, peu importe le moyen, obtienne deux points de plus au classement que celui qui perd. « Avec un tel système, les équipes joueraient bien plus pour la victoire en troisième période au lieu de simplement sécuriser le verdict nul pour miser sur la prolongation. »

Brad Treliving des Flames de Calgary est du même avis. Plus jeune que Lamoriello, il opterait toutefois pour un système accordant trois points au gagnant en temps réglementaire et le système actuel pour les matchs qui se décident en prolongation.

Il est clair que Lamoriello, Treliving et plusieurs autres directeurs généraux ne prisent pas beaucoup la parité artificielle créée par la LNH. Une parité qui est toutefois l’une des fiertés du commissaire Gary Bettman ce qui devrait compliquer pas mal le travail des directeurs généraux qui voudrait convaincre la LNH de faire marche arrière.

Enrayer la congestion

Pendant que plusieurs cherchent des solutions pour améliorer l’aspect offensif du hockey, Brad Treliving (Calgary) et ses homologues avec qui il a passé l’avant-midi ont débattu de moyens à prendre pour rendre les défensives plus perméables.

« J’aime le hockey que nous offrons à nos partisans. Mais la congestion autour des filets et certainement la doléance qui me vient en tête lorsque je pense à mes préoccupations face au hockey d’aujourd’hui. Je crois qu’il est temps de se pencher sur les systèmes défensifs quitte à établir de nouveaux paramètres. On pourrait limiter la manière de bloquer des rondelles en défensive de manière à permettre à plus de tirs d’atteindre le filet. Tous les clubs convergent au filet en attaque et tous les clubs demandent aux cinq patineurs de bloquer des rondelles. Il y a souvent plus de rondelles bloquées par les patineurs que par les gardiens lors des matchs. Il me semble qu’on pourrait réfléchir sur ce point », a indiqué Treliving.

Cette notion a été présentée il y a plusieurs années (2008) par Bob Gainey alors qu’il était directeur général du Canadien. Ce n’est peut-être pas demain la veille qu’on adoptera les modalités présentées par Gainey – obligation d’avoir les deux patins sur la glace pour bloquer des rondelles au lieu de s’allonger sur la patinoire – mais si la prolongation à 3 contre 3 a été adoptée après quelques années d’une croisade menée par Ken Holland (Detroit) il est possible que le plan Gainey soit un jour adopté.

Hors-jeu et contestations des entraîneurs

Au lendemain de leur journée un brin ésotérique sur l’avenir à long terme de la LNH, les directeurs généraux reviendront à la base mardi.

En plus de l’accélération de l’analyse des contestations des entraîneurs, les DG se pencheront sur des modifications à apporter à la règle des hors-jeu. Le hockey est devenu tellement rapide que les juges de lignes peinent à maintenir le niveau de perfection qui a longtemps caractérisé leur travail.

Et même si l’analyse des vidéos dans le cadre d’un hors-jeu contesté devrait être rapide, on se rend compte que plusieurs d’entre elles sont démesurément longues, car les bandes vidéo n’indiquent pas clairement si la lame du patin en zone neutre est bien en contact avec la glace ou non.

« Si le patin est en zone neutre, qu’il touche à la glace ou non, ce ne devrait pas être un hors-jeu. Il serait facile de changer la règle et cela aiderait grandement le travail des juges de lignes que ce soit dans le cours du match ou lorsqu’ils doivent effectuer une vérification après une contestation d’un coach », a indiqué Jim Rutherford des Penguins de Pittsburgh.

Parlant de contestation, la Ligue pourrait offrir la possibilité aux équipes qui n’ont plus de temps d’arrêt d’en effectuer une deuxième au cours d’un même match. Si la décision devait être à nouveau défavorable, l’équipe écoperait alors une pénalité mineure pour avoir retardé la rencontre.

Pourquoi ne pas toujours y aller de cette façon? Je vous pose la question.

Parlant de temps d’arrêt, la ligue étudie aussi la possibilité d’interdire aux équipes victimes d’un dégagement refusé d’en réclamer un pour permettre aux joueurs confinés sur la glace de reprendre leur souffle. Cette mesure donnerait un net avantage à l’équipe en attaque et mousserait peut-être la possibilité qu’un but soit marqué dès la reprise hâtive du jeu.

Le protocole visant à détecter les commotions, le congé statutaire de cinq jours accordé aux équipes – on pourrait donner ce congé en deux semaines consécutives afin de s’assurer que les équipes qui reviennent au jeu affrontent lors de leur premier match un autre club qui était en congé – le plafond salarial et le dossier des Jeux olympiques seront aussi à l’ordre du jour d’ici à mercredi.

La réunion reprendra tôt mardi matin au lendemain d’un après-midi de golf. Activité vers laquelle plusieurs DG ont dû se tourner à leur grand dam puisque les forts vents balayant le sud de la Floride ont soulevé de grosses vagues qui ont forcé l’annulation d’excursions de pêche en haute mer qui étaient aussi au programme.

Un autre épisode de la misère des riches...