À sa 46e partie de la saison, Corey Crawford a réalisé 40 arrêts, mardi, aux dépens du Canadien, pour signer sa 28e victoire de la saison.

C’était aussi sa septième en neuf matchs face au Tricolore contre qui le gardien québécois n’a pas encore perdu en temps réglementaire (7-0-2) en carrière.

« C’est toujours spécial affronter le Canadien. Particulièrement ici à Montréal alors que je joue devant mes parents et amis », a souligné le gardien des Hawks.

S’il n’a pas obtenu d’étoile en dépit sa performance solide, Crawford en a vu en deuxième période alors qu’il a été atteint en plein front par un tir frappé de Shea Weber. Heureusement pour Crawford, la rondelle a atteint le haut du masque avant de dévier dans le coin de patinoire. Si la rondelle l’avait atteint quelques centimètres plus bas, Crawford aurait pu subir une blessure grave, voire très grave.

Retrait préventif

Malgré la chance qui lui a souri, Crawford s’est retrouvé sur le dos en raison de la force de l’impact et aussi parce qu’il était un brin ou deux étourdi. Conscients de la gravité potentielle de la situation, les arbitres ont immédiatement sifflé un arrêt de jeu.

Une sage décision.

Pendant que le thérapeute des Hawks et les joueurs présents sur la glace convergeaient vers le gardien québécois, je me suis dit qu’il serait tout aussi sage d’envoyer Crawford au vestiaire afin de respecter le protocole visant à déterminer s’il venait, ou non, d’être victime d’une commotion cérébrale.

Cette décision qui aurait pu être prise par la thérapeute athlétique des Hawks. Elle aurait pu venir de Crawford lui-même s’il avait cru bon de réclamer un retrait préventif. Elle aurait aussi pu être imposée par l’un des observateurs embauchés par la LNH pour justement réclamer qu’une telle procédure soit mise en branle afin d’assurer la sécurité des joueurs atteints de coups à la tête.

Car on va s’entendre : bien qu’il ait été très chanceux dans sa malchance, Corey Crawford a été victime d’un coup à la tête en recevant un tir frappé décoché par celui qui vient de remporter, deux ans de suite, le concours du tir le plus puissant du circuit, concours orchestré dans le cadre du Match des étoiles.

Mais voilà : cette demande ou imposition d’un retrait préventif n’est jamais venue.

Protocole oublié

Que Crawford n’ait pas demandé un retrait préventif, je peux comprendre. Un gardien québécois, au Centre Bell, devant ses parents et amis, alors qu’il est en voie de non seulement battre le Canadien, mais aussi de les blanchir se battra sang et eau pour rester devant son filet.

Le thérapeute athlétique n’a pas cru bon suggérer fortement à Crawford de sortir du jeu le temps d’une évaluation. Je ne remettrai pas sa décision en question.

Mais l’observateur de la LNH : dans une circonstance comme celle de mardi alors que le simple fait de voir un tir de Weber atteindre un gardien en plein front devrait sonner une alarme, je me demande pourquoi le retrait préventif n’a pas été imposé. Surtout que d’autres retraits du genre ont été imposés au cours de la saison dans des situations qui semblaient moins dangereuses.

« Ce n’était pas nécessaire », m’a lancé Corey Crawford dans le vestiaire des Hawks après la rencontre.

« J’ai été atteint solidement, je le reconnais. J’ai vu la rondelle partir, mais je ne l’ai jamais vue arriver. J’ai été surpris. J’ai été sonné sur le coup c’est sûr. Mais dès que je me suis relevé, tout était revenu à la normale. Je n’ai jamais perdu l’équilibre. Jamais perdu le contrôle. J’étais bien conscient de ce qui arrivait », a poursuivi le gardien.

Comment aurait-il réagi si l’observateur qui suit les rencontres des bureaux de la LNH à New York lui avait imposé un retrait préventif? « J’aurais été déçu, car ce n’était pas nécessaire. Je comprends l’importance de la sécurité et de lutter contre les commotions. Mais au-delà les images initiales, les conséquences de l’impact associé au tir de Weber ne justifiaient pas que je quitte le match », a plaidé Crawford.

Patrick Kane, qui reconnaît avoir été inquiété par la chute de son gardien après le tir de Shea Weber, était malgré tout enclin à respecter la décision de son coéquipier. « La prévention est essentielle. Mais dès qu’il s’est relevé, « Crow » semblait en parfait équilibre. Il semblait solide. Sur la glace, nous savons rapidement si un gars a perdu la carte ou qu’il a tous ses moyens. Ce n’est peut-être pas évident de la galerie de presse, ou pour les spectateurs qui sont dans les gradins ou à la télé, mais sur la glace nous le savons. Et je t’assure que je suis prêt à me fier à la décision prise sur la glace », a réagi le meilleur marqueur des Hawks.

Interprétation trop large

Dans ses commentaires d’après-match, l’entraîneur-chef Joel Quenneville a timidement répondu aux questions associées à cet incident. « Crow était correct. S’il nous avait avisés du contraire ou que nous avions eu l’impression qu’il n’était pas en mesure de jouer, nous aurions pris les décisions en conséquence. Mais il semblait en mesure de continuer. Il l’a d’ailleurs prouvé avec ses performances suivant l’incident », a indiqué le coach des Hawks.

Quand un collègue de Chicago lui a demandé s’il ne jugeait pas que le protocole aurait dû être mis de l’avant par simple mesure préventive, Quenneville a esquivé toute controverse possible. « Je ne crois pas qu’il soit à propos d’ouvrir un débat sur cette question. »

Je ne suis pas d’accord avec Quenneville.

En raison des conséquences néfastes et dramatiques des commotions cérébrales encaissées dans plusieurs sports professionnels, dont le hockey, il est primordial de faire passer la prévention au tout premier rang. C’est pour cette raison que le protocole visant à imposer des retraits préventifs a été élaboré et adopté. Maintenant qu’il existe, ce protocole doit être utilisé.

Il ne l’a pas été mardi.

Peut-être avec raison, en ce sens que Crawford semble vraiment avoir évité le pire malgré la force de l’impact.

Mais les fluctuations dans la façon d’imposer les retraits préventifs pourraient avoir des conséquences directes sur, non seulement la santé des joueurs, mais aussi sur les résultats des parties.

Disons que Crawford est atteint par un tir de Weber en finale de la coupe Stanley et que les observateurs jugent qu’il n’est pas nécessaire d’imposer un retrait préventif. Il garde sa place, les Hawks et leur gardien s’en tirent sans heurt et remportent le match.

Disons qu’au match suivant, Carey Price est atteint par Ducan Keith sur un jeu similaire, mais que cette fois le même observateur, ou un de ses collègues, décident de jouer de prudence et d’imposer un retrait préventif. Un retrait qui coûte un ou des buts au Tricolore parce qu’Al Montoya n’est pas en mesure de faire le travail en relève à Price pendant sa période d’évaluation. Quelles seraient les réactions du Canadien et de leurs partisans?

Cette zone grise, ou zone d’interprétation doit être resserrée afin de limiter au minimum la polémique associée à des décisions différentes rendues sur des jeux similaires. Ça me semble fondamental. Élémentaire même. D’abord pour la sécurité des joueurs. Mais aussi pour le respect de l’intégrité du jeu.

Dans un cas comme celui dont Crawford a été victime mardi soir, au Centre Bell, comme dans tout autre cas similaire, il me semble que le gros bon sens devrait dicter qu’un gardien soit envoyé au vestiaire pour une période minimale prédéterminée – dix minutes de temps de jeu – afin de permettre aux médecins de bien analyser la situation et de prendre la meilleure décision possible en fonction de la santé du joueur et non de l’issue du match.

Et le même gros bon sens devrait assurer que ce protocole soit appliqué le plus uniformément possible.

Du moins il me semble...