J’en étais à mon dernier paragraphe de cette chronique quand j’ai appris que Tomas Kaberle s’amenait à Montréal et j’ai pensé, douloureusement, à tout effacer et recommencer mon texte. Mais à bien y penser, j’ai choisi de vous le soumettre quand même car, au fond, la transaction ne fait qu’y ajouter une dimension supplémentaire. Peu importe l’apport éventuel du nouveau venu à la ligne bleue (espérons qu’il redeviendra le même joueur qui a si bien fait contre le Canadien jadis) et même si le renvoi à Hamilton de Frédéric St-Denis est un peu cruel après sa performance contre Vancouver, ma pensée ne change pas. C’est aux attaquants que je m’adresse aujourd’hui. Et non aux défenseurs.

- — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — –

Les blessures à répétition chez les défenseurs du Canadien ont forcément attiré les projecteurs vers cette position depuis le début de la saison. La saga Markov a généré à elle seule une couverture pratiquement équivalente à celle de Sidney Crosby à Pittsburgh. Le rendement de Carey Price en tirs de barrage, par ailleurs, a fait grincer les dents de certains amateurs à quelques reprises.

Le résultat net est que les athlètes appelés en renfort à la ligne bleue ainsi que le gardien numéro un du Tricolore ont tous reçu une appréciation injuste jusqu’ici, particulièrement depuis quelques semaines. « Ah! Si Markov, Campoli et Spacek étaient tous là à la place de Diaz, Emelin et St-Denis ou Weber, si on avait gardé Hamrlik, les choses seraient bien différentes », a-t-on entendu à répétition depuis le début de la saison. « On aurait deux ou trois points de plus si Price avait été plus fort en tirs de barrage », peut-on lire ou entendre aussi à partir de différentes sources.

En soi, ces affirmations ne sont pas fausses, mais elles n’expliquent certainement pas à elles seules le rendement « montagne russe » du Canadien récemment. Je vous lance la petite question suivante : Et si les attaquants de l’équipe en faisaient plus, juste un peu?

Avant chaque match, je fais la même mise à jour de mes notes personnelles. Je calcule notamment la moyenne de buts marqués par les deux équipes, je la compare à celle des autres formations dans l’Association pertinente. Puis, je cherche la position respective des deux équipes qui s’affrontent au chapitre de la moyenne de buts alloués. Je compile aussi, bien sûr, le rendement récent des unités spéciales. Déjà là, l’exercice est révélateur!

Même après les trois buts marqués contre les Canucks, jeudi, le Canadien a toujours une moyenne inférieure à 2,5 buts par match! À part celle des Islanders, c’est la pire moyenne de l’Est! À l’échelle de la Ligue nationale, il n’y a que quatre équipes inférieures au Canadien!

Chez les gardiens et par rapport aux buts alloués, cependant, les choses sont bien différentes. Le Tricolore est toujours au 10e rang (donc dans le premier tiers) malgré ceux accordés aux Canucks jeudi. Avec une moyenne globale de 2,40, avec celle de Price à 2,29, avec une efficacité globale à plus de 91%, on est très largement à l’intérieur de la zone de respectabilité dans la LNH.

Parlons maintenant des unités spéciales (ou avons-nous vraiment besoin d’en parler?). Brillant en infériorité, pathétique en supériorité, le rendement ordinaire de ,500 s’explique en grande partie par cette monstrueuse dichotomie!

Avec et sans la rondelle!

J’ai adoré le commentaire incisif d’Eric Cole après le match de jeudi. À propos du rendement de sa nouvelle équipe en tirs de barrage, Cole a simplement dit : « Lâchez Price. C’est lui qui le plus souvent nous donne cette chance supplémentaire de gagner en bris d’égalité. Il faut qu’on marque plus, un point c’est tout! » En fait, en 17 tirs de barrage au total, le Canadien n’a marqué que quatre buts, dont deux par Brian Gionta, qui n’était même pas disponible jeudi, à la fin du match. Hum…

La remarque de l’attaquant du Canadien a une portée encore plus valable cependant quand on la prend au sens large. Combien de fois avons-nous entendu l’entraîneur Jacques Martin expliquer une défaite par l’inertie du jeu de puissance? Combien de fois a-t-il parlé d’occasions de marquer qui sont restées sans résultat? Combien de fois a-t-il laissé échapper son impatience en parlent des attaquants qui ont « mal joué sans la rondelle »?

Je sais que cela peut paraître « cliché » ou machinal, mais c’est la réalité pure et simple! Contre Vancouver jeudi, nous avons eu droit à un échantillon criant! Gorges et Subban ont été excellents contre les jumeaux Sedin. St-Denis et Diaz ont marqué les deux premiers buts, qui ont ouvert toutes grandes les portes de la victoire au Canadien. Emelin a dérangé et frappé l’adversaire et Gill a désamorcé plusieurs situations dangereuses en infériorité numérique. Honnêtement, le groupe de défenseurs, collectivement, mérite une excellente note. Quand à Price, il fut encore à la hauteur, pendant 65 minutes.

Mais dites-moi, à part Cole hier soir, à quand remonte le dernier « mea culpa » d’un attaquant dans la défaite? Au cours des 17 derniers matchs, Tomas Plekanec a marqué deux buts, au cours des huit derniers, Brian Gionta en a marqué un, au cours des dix derniers David Desharnais en a marqué un, au cours des 5 derniers matchs où il a porté l’uniforme, Max Pacioretty en a un. Cammalleri? Trois buts en 17 matchs joués! Quand avez-vous entendu un supposé marqueur « naturel » dire publiquement qu’il est gêné de sa performance, qu’il est impensable de rater le filet aussi souvent, qu’il est inadmissible de présenter des statistiques aussi gênantes, comme le font régulièrement Price et ses défenseurs après chaque défaite?

Et j’en rajoute, tant qu’à y être! Quand avez-vous entendu le « nouveau marqueur », Travis Moen, se pointer du doigt pour une insuffisance de mises en échec dans un match? Quand avez-vous entendu Cammalleri expliquer pourquoi il passe dans le vide aussi souvent? Quand avez-vous entendu Pacioretty s’interroger sur les raisons pour lesquelles il rate le filet aussi souvent? Eller est-il allé publiquement au secours de ses coéquipiers jeudi après ses bourdes « avec et sans la rondelle » qui ont ouvert la porte aux Canucks?

Jacques Martin a parlé de « crise de croissance inévitable » après le relâchement de jeudi, en faisant référence à ses jeunes joueurs et il a parfaitement raison de le faire, à tous les points de vue. Mais l’esprit d’équipe n’a pas d’âge et il est important que chaque membre d’une formation se regarde devant un miroir, en pensant au bien collectif.

Or, avec toute l’emphase mise sur la situation des défenseurs, les attaquants du Canadien ont peut-être eu un alibi un peu facile jusqu’ici cette saison. Allez messieurs, à vous aussi de faire la différence, de temps à autres!