MONTRÉAL – Ce n’est pas la première fois qu’un intervenant du milieu du hockey tape sur ce clou, mais les dirigeants de la Ligue nationale de hockey préfèrent encore, trop souvent, embaucher leurs amis au lieu de rechercher avidement le meilleur candidat.

Neil Glasberg, un influent agent d’entraîneurs, l’a constaté de ses propres yeux en travaillant dans les coulisses de la LNH et il a jugé que ça valait la peine de dénoncer le tout publiquement. Neil Glasberg et Pascal Vincent

Au micro de l’émission On Jase, Glasberg avait commencé à enfoncer le clou et il a frappé encore plus fort dans un entretien avec ESPN.

« Au lieu de démontrer une ouverture pour interviewer des candidats hautement qualifiés, les décideurs adoptent encore régulièrement la mentalité d’engager un ami. Les entreprises n’auraient pas de succès si elles ne faisaient qu’embaucher leurs amis », a-t-il notamment déploré.

À l’image de certains agents de joueurs, Glasberg n’hésite pas à défendre les intérêts de ses clients quand il le juge nécessaire. Il trouvait que le jeu en valait la chandelle cette fois.

« Le feedback que j’ai reçu a été de me soutenir à 100%. J’essaie seulement d’introduire les meilleures méthodes corporatives, j’ai passé 27 ans ce milieu. La meilleure façon de le dire c’est que si tu opères une opération de haut niveau, tu dois embaucher les candidats les plus qualifiés. Quand tu engages un ami, ça ne veut pas dire que tu engages nécessairement le meilleur candidat », a-t-il expliqué au RDS.ca.

« Pour mes clients, ça peut être frustrant quand il y a une ouverture, mais que personne ne passe d’entrevues et qu’une personne est nommée au poste », a poursuivi Glasberg qui dirige l’agence PBI Sports.

Ce serait trop délicat de s’aventurer à nommer des situations précises. Toutefois, Glasberg représente une cinquantaine de clients dont l’entraîneur Rikard Gronborg, l’un des meilleurs entraîneurs européens qui attend encore une première occasion dans la LNH malgré un curriculum vitae éloquent.

Le verdict de Glasberg ne fait aucun doute. En dépit de quelques évolutions observées dans les dernières années, la LNH accuse un retard significatif.

« La LNH, c’est très old fashion. Ils ont de vieilles habitudes et j’aimerais que plus de personnes découvrent qu’il y a de meilleures méthodes pour engager des entraîneurs que de choisir quelqu’un qu’on connaît. La LNH est toujours 10 ans derrière les autres circuits », a affirmé l’ancien haut dirigeant pour des entreprises comme la Banque Nationale, HSBC et BMO.

Un retard face à la NFL, la NBA et la NCAA

En écoutant Glasberg dresser ce portrait, on a voulu savoir si sa présence est parfois mal accueillie. En quelque sorte, est-ce que certains directeurs généraux sont mécontents d’apprendre qu’ils doivent composer avec lui pour conclure un pacte avec un entraîneur?

« Ça commence à être plus accepté. Ça fait 10 ans que je suis dans ce domaine, mais je peux te dire que dans la NBA, la NFL et la NCAA, les entraîneurs et les personnes des opérations sportives travaillent avec des agents depuis 25 ans. Ce n’est pas nouveau du tout. C’est rare que tu trouves un entraîneur dans la NBA ou la NFL qui n’a pas d’agent », a exposé Glasberg.

Neil GlasbergSon ton de voix ne laissait aucun doute ici. C’est clair que sa présence ne fait pas l’unanimité.

« Pourtant, je ne suis pas un gars intimidant. Je ne sais pas si c’est lié à l’insécurité de certains directeurs généraux, mais je ne comprends pas pourquoi. L’entraîneur, c’est son droit. Après tout, on sait que la pire conversation que tu peux avoir avec ton employeur, celle qui peut provoquer le plus de contrecoups, c’est à propos de la rémunération. C’est le sujet qui peut causer le plus de problèmes éventuellement », a précisé l’intervenant.

Grâce à son expertise, il est en mesure de connaître les salaires de tous les entraîneurs de la LNH. Ainsi, il peut bien défendre les intérêts de ses clients qui ne maîtrisent pas tous l’art complexe de la négociation.

« Ce n’est pas évident pour un entraîneur d’arriver dans le bureau de son patron et de dire ‘Je veux deux millions par année parce que je sais que les entraîneurs A, B, C, D font autant millions ou plus‘. Si je suis le DG et que mon coach me dit ça, je vais demander comment il a obtenu ces informations et ça se pourrait que ça m’irrite un peu comme demande », a émis le sympathique agent.

De manière objective, Glasberg peut se demander de manière légitime pourquoi son travail n’est pas mieux accepté. Après tout, les joueurs sont déjà représentés par des agents. De plus, son but demeure de procurer une valeur ajoutée à une équipe quand celle-ci parvient à dénicher un homme de hockey qualifié.

Selon ses estimations, la proportion des entraîneurs de la LNH qui sont représentés par un agent se situe à 40%.

Avec 31 équipes, bientôt 32, ce n’est pas le boulot le plus facile de trouver du travail à ses clients d’autant plus qu’il essaie d’identifier le meilleur « fit » pour ceux-ci. Glasberg se retrouve parfois avec deux – et même trois – clients en lice pour un poste avec une équipe et il s’assure de gérer le tout en vase clos.

« L’avantage d’avoir une tierce partie comme moi, c’est que j’ai le droit d’appeler n’importe quelle équipe, ce n’est jamais du maraudage. Si je pense qu’un client cadrerait bien quelque part, je regarde le rendement du club, je parle à des gens, je vois ce qui marche et pas et si je vois qu’un changement se dessine, je pourrais avoir une conversation avec le DG ou son adjoint du style ‘Si vous pensez faire un changement, je pense que ce client serait un bon candidat‘. C’est l’équivalent de semer des graines sans faire une prévente », a maintenu Glasberg.

Graduellement, l’agent a découvert que c’était utile d’agir ainsi. Il a été fasciné que bien des anciens joueurs, qui évoluent maintenant dans la sphère des dirigeants, connaissent à peine des joueurs ou des entraîneurs qu’ils côtoient dans le milieu du hockey depuis de nombreuses années. Il y a une marge entre connaître la vision d’une personne et savoir que c’est « un bon jack ».