« C'est difficile de le comparer avec les Roy ou les Dryden, mais je peux vous dire que dans son temps, il était le king. »

Jacques Lemaire, qui a dirigé Martin Brodeur lors sa première conquête de la coupe Stanley en 1995, ne pèse pas ses mots lorsqu'on le questionne au sujet du vénérable gardien, qui sera admis au Temple de la renommée du hockey en novembre prochain.

Dès ses premières saisons, il était évident que les Devils comptaient un gardien spécial dans leurs rangs.

« On voyait beaucoup d'espoir en lui, s'est rappelé Lemaire en entrevue avec notre collègue Jean-Luc Legendre. Dès ses débuts, on l'a vu tout de suite qu'il était différent. On était habitués aux gardiens renfermés qui étaient vulnérables à la pression et se mêlaient moins avec les joueurs. Ce gars-là était totalement différent. »

Brodeur, lui, se mêlait au groupe, faisait preuve de leadership et agissait en véritable capitaine, s'est remémoré Lemaire.

« Quand j'entends le nom de Martin Brodeur, je pense tout de suite gars d'équipe. Un gars très facile à diriger, jovial, toujours de bonne humeur. Il arrivait le matin et il avait hâte d'embarquer sur la patinoire. Il avait toujours des défis avec les attaquants lors des entraînements. Je trouve que ça améliorait l'esprit d'équipe. »

Il était passionné de hockey et se plaisait même à jouer à l'attaque ou à la défense lors de certains entraînements optionnels. Sa compréhension du jeu globale, celui des attaquants et des défenseurs, l'a d'ailleurs grandement aidé à être si dominant dès ses premiers coups de patin dans la LNH.

« Il connaissait le jeu défensif. Il savait comment un défenseur allait réagir dans son territoire. Il voyait aussi ce que les avants avaient dans l'idée lorsqu'ils arrivaient en zone offensive, a-t-il expliqué. Il était au courant de tout ça et il a appliqué ça comme gardien. »

« Celui qui va battre mes records va avoir une belle carrière »

Claude Carrier, un dépisteur des Devils qui a conseillé à Lou Lamoriello de sélectionner Brodeur à l'époque, tire les mêmes conclusions.

« Sa meilleure qualité était sa lecture du jeu, ajoute Carrier. Elle était incroyable et ses déplacements étaient très bons. »

Après avoir dirigé Brodeur lors de ses premières saisons de 1993 à 1998, Lemaire est revenu à la barre des Devils de 2009 à 2011. En 2009, Brodeur était maintenant âgé de 37 ans et n'était plus du tout au même stade de sa carrière. Mais rien n'avait changé. Il était toujours animé par la même passion.

« Il est toujours resté le gars simple, prêt à aider tous les joueurs de l'équipe. Un joueur qui s'impliquait s’il y avait des problèmes, qui aimait les entraînements. Pour moi, ça a été un joueur vraiment spécial. Premièrement, il m'a fait bien paraître comme entraîneur », a avoué Lemaire en éclatant de rire.

« Du jour 1 où je l'ai connu jusqu'à aujourd'hui, rien n'a changé, renchérit Carrier. C'est une personne aimable, qui a le respect des autres et qui a toujours donné le 100 pour cent dans son travail pour devenir le meilleur. Il ne change pas. Il est calme et agréable. Il a toujours pris son travail au sérieux, mais en s'amusant. Il ne se mettait pas de pression inutile. »

Pascal Rhéaume, qui a remporté la coupe Stanley avec les Devils en 2003, a été marqué par ses trois courts séjours au New Jersey comme coéquipier de Brodeur.

« C'était un leader. Il était aimé de ses coéquipiers. C'était une personne simple et humble. Il avait tellement une bonne énergie. S'ils avaient pu lui donner le "C" du capitaine, ils l'auraient probablement fait. »

Jacques Caron, qui a longtemps été entraîneur des gardiens avec les Devils, se souvient de Brodeur comme d'un passionné avec qui il était très facile de travailler.

« Je me souviens à ma première année, il avait eu des opérations aux genoux. Je lui ai suggéré de changer son style pour qu'il joue plus longtemps. Il avait initialement un style papillon à la Patrick Roy, mais ce n'est pas tous les gardiens qui sont capables de pratiquer ce style sans se blesser. Il a compris ce que je voulais faire et n'a jamais remis mes conseils en question.

« Il était très humble pour le succès qu'il a connu. »

Lemaire a vu joué Brodeur pour la première fois dans la LHJMQ. Déjà, son talent sautait aux yeux.

« Mes premiers souvenirs de lui remontent à son passage avec les Lasers de Saint-Hyacinthe. Il se promenait d'un cercle à l'autre pour faire des arrêts. Je trouvais qu'il avait du talent et je me disais que si quelqu'un pouvait l'aider à se contrôler un peu qu'il allait faire tout un gardien. On voyait déjà son potentiel. »

L'instinct du défenseur

Outre ses nombreux records, ses trois titres et ses statistiques démesurées, c'est sa capacité à contrôler la rondelle et à agir comme véritable troisième défenseur qui est la plus inoubliable lorsqu'on se remémore la carrière de Brodeur. Selon son ancien entraîneur, Brodeur était en avance sur son temps au niveau de la vitesse et possédait un instinct hors du commun pour parvenir à exceller de la sorte hors de son filet.

En Chiffres : Martin Brodeur

« C'est à cause de son habileté à patiner et bouger avec son équipement de gardien de but. Aujourd'hui, la majorité des gardiens sont bons patineurs. Les bons gardiens comme Fleury se déplacent bien autour du filet, mais si on recule de 20 ou 30 ans, c'était différent. Il y a des gardiens qui ne sortaient pas de leur but.

« Martin avait l'instinct du défenseur. »

Les équipes adverses devaient absolument adapter leur style de jeu pour contrer cette habileté, rappelle Carrier.

« Il était souvent celui qui amorçait les sorties de zone et on avait une transition extrêmement rapide grâce à Martin, se souvient Claude Carrier. Les équipes hésitaient énormément à rejeter la rondelle dans le territoire parce qu'ils savaient que Martin serait capable d'aller la chercher. »

Son talent a même forcé la ligue à modifier son livre de règlements, ce qui en dit long sur les aptitudes du gardien, selon Lemaire.

« [Ce qui m'impressionne le plus], c'est de quelle façon il l'a fait. Il ont dû changer un règlement à cause de lui parce qu'il était trop bon dans un domaine. »

En Chiffres : Martin Brodeur