MONTRÉAL – C’est à la fois rassurant et plaisant de constater qu’un agent puisse se lancer dans ce milieu compétitif sans appartenir à une puissante firme et en dictant les conditions de son entreprise. Tout cela en étant officier des Forces armées canadiennes, voici l’histoire méconnue de Samuel Perreault.

 

Pour vous donner une idée, des agences comme Newport Sports Management (la firme de Don Meehan), CAA Sports (celle de Pat Brisson), Octagon Athlete Representation (Allan Walsh notamment) cumulent, chacune de leur côté, des contrats d’une valeur supérieure à un milliard.

 

Dans le cas de Perreault, il est fort heureux d’être à l’autre bout du spectre. Il représente trois athlètes dont un seul (Jake Dotchin) évolue dans la LNH et son contrat est inférieur à un million.

 

Après avoir joué au hockey mineur et campé le rôle d’entraîneur, il ressentait le désir de demeurer impliqué dans cette discipline sportive.

 

« J’ai gardé ce projet en tête pendant des années. Après avoir complété mes études en droit et le Barreau du Québec, j’ai décidé que c’était le temps d’essayer de franchir les étapes. Tout s’est bien passé et ça fait environ neuf ans que je représente des joueurs », a révélé Perreault au RDS.ca.

 

« Quand j’ai commencé ça, je ne l’ai pas fait parce que je voulais devenir une grosse entreprise ou devenir Don Meehan ou bien Pat Brisson. C’était pour être impliqué dans le hockey au plus haut niveau. Ensuite, j’ai vu que bien des jeunes joueurs n’avaient pas été bien représentés et que tout ça leur avait coûté beaucoup d’argent, de temps et de stress. Mon but, c’est d’aider les jeunes à devenir de bonnes personnes », a-t-il précisé.

 

Le profil de Perreault se démarque cependant de ses confrères. Bien sûr, d’autres agents occupent un autre métier, mais le sien demeure particulier.

 

« Étant donné que j’ai un autre emploi, ce n’est pas ma vie d’être un agent de joueurs de hockey. Pour moi, c’est comme un hobby que je prends au sérieux. Je suis toujours disponible que je sois aux États-Unis ou même quand je suis déployé ailleurs sur la planète. Ça n’a jamais été un problème de faire les deux emplois en même temps », a confié Perreault.

 

Sa philosophie n’est pas de se lancer à la poursuite de cinq, dix ou vingt joueurs par année comme les grandes agences. Cela dit, il doit parfois rivaliser avec elles quand il convoite le même espoir.

 

« Ce n’est pas évident (de recruter de nouveaux clients), c’est certain. J’en ai perdu un avant de déménager aux États-Unis en 2016. Il y avait 20 agents qui étaient intéressés par lui et j’ai terminé deuxième derrière Bobby Orr », a relaté l’agent de 52 ans.

 

Par choix, il demeure aussi très discret sur le numérique. Il ne possède aucun site web ou page LinkedIn.

 

« Je ne le fais pas pour avoir mon nom dans les journaux, c’est plutôt le contraire. Je veux que ce soit plus privé que public. Je crois que ça me donne un avantage de dire aux parents que leur enfant sera l’un des deux ou trois joueurs avec moi », a justifié Perreault qui a déjà refusé une offre de se joindre à une agence new-yorkaise afin de demeurer son propre patron.

 

Il fallait une certaine dose d’audace pour tenter sa chance dans cet univers et encore plus en adoptant cette approche.

 

« Je peux te dire carrément que certains me lançaient que je ne serais sans doute jamais capable de réussir. Je ne connaissais rien de ce milieu quand j’ai voulu devenir agent, je suis parti de zéro », a avoué celui qui n’a pas été trop ébranlé par l’entrevue à accomplir aux bureaux de l’Association des joueurs de la LNH à Toronto.

 

« Ce n’était pas si exigeant. Étant militaire, j’ai passé des moments très intensifs dans des zones de combat. Pour quelqu’un qui n’œuvre pas dans le milieu du hockey, cette étape aurait pu être un stress de faire ça. »

 

Même s’il détonne dans la profession, Perreault se sent à sa place.

 

« Je parlais avec Steve Yzerman d’un cas semblable et il me disait qu’un joueur avait le droit d’être représenté par l’agent de son souhait et que personne n’est obligé d’aller avec une grosse firme », a précisé le Québécois.

 

Au service de l’OTAN

 

Parlant de son métier principal, Perreault détient une expérience de 22 années.

 

« Je suis un officier des forces terrestres, je travaille à Norfolk (en Virginie) au quartier général de l’OTAN en tant qu’adjoint au représentant national du Canada. Mais je quitte dans quelques semaines puisque j’ai été muté à Vancouver. Je vais être le responsable du recrutement dans la province de la Colombie-Britannique et du Yukon. J’adore ce que je fais, j’ai été déployé en Syrie, à Israël, en Jordanie, en Égypte, au Liban, au Congo et au Soudan », a expliqué Perreault.

 

« Je ne suis pas un officier d’infanterie donc ce n’est pas à moi de combattre. J’ai été envoyé là-bas pour des missions de l’ONU qui ne sont pas vraiment des missions de combat. Mais je me suis retrouvé dans des zones de combat comme la guerre civile en Syrie où je suis resté pendant deux ans », a ajouté l’avocat qui conserve son permis.

 

Le passage éprouvant de Dotchin

 

Ceux qui suivent de près les activités de la LNH n’ont pas oublié que Dotchin, l’unique client de Perreault dans le circuit Bettman, a vu son contrat être résilié par le Lightning de Tampa Bay.

 

Dotchin, un défenseur droitier, s’était présenté au camp du Lightning avec un excès de poids considérable ce qui constituait une rupture de contrat.

 

Malgré cette histoire et son influence modeste dans les cercles de la LNH, Perreault a été en mesure de lui trouver une nouvelle entente au sein de l’organisation des Ducks d’Anaheim. Ça ne devait pas être un jeu d’enfant pour lui. Jake Dotchin

 

« Je te remercie parce que ça devient un compliment », a-t-il rétorqué en souriant. Je peux te dire que j’ai passé des nuits à travailler là-dessus, ça implique beaucoup d’appels et d’heures. Mais ça s’est bien passé sauf qu’il a été blessé pendant presque deux mois et ça l’a ralenti beaucoup. Il a dû recommencer à zéro. Ce n’était pas facile de traverser ça », a reconnu Perreault.

 

Joueur autonome cet été, Dotchin n’a pas tardé cette fois à trouver une nouvelle destination. Dès le 1er juillet, Perreault lui a déniché un pacte satisfaisant avec les Blues de St. Louis.

 

« Ça s’est très bien déroulé dans les négociations. Il a un bel avenir, on va voir ce qu’il réussira cet hiver. Je suis fier que Jake obtienne une nouvelle chance de se prouver dans la LNH. »

 

Dire que Perreault s’était fait tirer les oreilles pour aller épier Dotchin alors qu’il évoluait dans le bantam AAA.

 

« C’est une histoire bizarre, j’avais commencé à faire mes recherches pour trouver des clients et j’allais voir des jeunes en Outaouais où j’habitais. Ma femme me disait constamment que son neveu à Toronto était un très bon joueur. Mais tsé, bien des gens pensent que leur fils est un bon joueur. Je suis allé en voir des centaines pour lesquels il a fallu que je dise aux parents de manière diplomatique que leur fils avait encore beaucoup de travail à accomplir.

 

« J’ai fini par aller le voir à Toronto. Après sa première présence sur la patinoire, j’ai dit à son père qu’il jouerait au hockey professionnel », a conclu Perreault qui venait de dénicher son premier client.