Les dénigreurs de Patrick Roy, certains qu'on retrouve parmi la confrérie des entraîneurs de la Ligue nationale, doivent se rendre à l'évidence. L'ex-gardien de but est un coach dans l'âme. S'il a vécu pendant longtemps uniquement pour sa carrière d'athlète, il est aujourd'hui animé des mêmes ambitions derrière le banc. Sa soif de gagner n'est pas rassasiée.

Quand il a brassé une baie vitrée dans la face de Bruce Boudreau à son premier match dans la ligue, l'entraîneur des Ducks d'Anaheim a tenté de le faire passer pour un bouffon. On a dit de Roy qu'il préconiserait du hockey de ligue de garage chez les professionnels. Aucun de ceux qui l'ont critiqué publiquement n'a été entendu depuis. Peut-être parce que tous ces gens-là n'ont jamais pu faire ce qu'il est en train de réussir. Peut-être parce qu'ils sont en train de réaliser qu'il a le potentiel pour devenir tout un entraîneur après avoir été tout un joueur.

L'Avalanche présente un bilan de 8-1. Ce dossier ne s'est bâti par lui-même. À défaut de posséder un bon groupe de défenseurs, Roy a établi un système défensif serré que ses joueurs appliquent à la lettre. Dès le premier jour, il a fermé la porte du country club que son prédécesseur avait laissé s'installer. Un laisser-aller général a fait place à la culture de gagnant que cette organisation avait connue dans le passé.

L'Avalanche, bon dernier dans l'Ouest l'an dernier et 29e au classement général, a planté Anaheim 6-1 à son premier match. Il a battu les Maple Leafs quand ils étaient encore invaincus. Il a gagné 5-1 à Washington et battu les Bruins 2-0 sur leur glace. Finalement, il y a eu cette très impressionnante victoire de 1-0 à Pittsburgh, lundi. C'était la première fois que les Penguins subissaient un jeu blanc à domicile avec Sidney Crosby dans la formation.

Juste pour surenchérir sur le travail effectué jusqu'ici par Roy, établissons une comparaison avec les Oilers d'Edmonton. Les deux équipes sont jeunes et très talentueuses à l'attaque. Elles sont toutes les deux dirigées par un entraîneur recrue. Or, l'Avalanche ne perd presque jamais alors que les Oilers ne gagnent presque pas.

Dave Reid, un ailier gauche qui a connu une carrière de 16 saisons au sein de quatre organisations différentes, dont les deux dernières avec l'Avalanche, était en devoir mardi soir à Montréal dans un rôle d'analyste à TSN. Il était le genre de coéquipier que Roy appréciait parce qu'il se donnait au jeu et qu'il voulait gagner autant que lui. Immédiatement après avoir été embauché par l'Avalanche à titre de joueur autonome en octobre 1999, Reid raconte qu'il a été raccompagné à son hôtel par Adam Foote et Roy. Ce soir-là, il dit avoir eu une longue et intéressante conversation avec Roy. Il a compris qu'il ne serait pas un coéquipier ordinaire. Roy parlait de la nécessité de redevenir au plus tôt une équipe gagnante. Cette année-là, l'Avalanche a perdu en finale de conférence. Deux ans plus tard, elle a gagné la coupe Stanley.

Durant les vols nolisés, Reid rappelle en souriant que la plupart des joueurs tuaient le temps en s'adonnant à des jeux sur ordinateurs. Roy, lui, cherchait toujours quelqu'un avec qui jaser de hockey. Du nombre, à ses côtés, il y avait Raymond Bourque, Adam Foote, Shjon Podein et Reid, notamment. Ceux qui n'étaient pas animés de la même passion que leur gardien restaient concentrés sur leurs ordis.

Quand les choses n'allaient pas à son goût et qu'il prenait la parole dans la chambre, Roy ne criait pas les clichés habituels comme: «Il faut faire mieux, il faut se regrouper, on doit gagner.» Selon Reid, c''était plus structuré comme commentaire. Il disait voici ce qu'on fait de mal et voici ce qu'il faut faire pour que ça marche. Il avait déjà une façon de voir les choses qui se rapprochait du coaching.

Reid dit ne pas seulement être étonné du comportement de Patrick parce qu'il est une recrue. C'est d'abord sa façon de diriger qui l'impressionne. Pourtant, durant les deux ans qu'il a passés à ses côtés, le hockeyeur devenu analyste affirme que jamais le gardien recordman ne lui avait fait part de son ambition de devenir entraîneur un jour.

«Patrick comprenait les systèmes de jeu, de sorte qu'il a pu les appliquer dès son arrivée dans son équipe junior, à Québec, souligne-t-il. L'une des responsabilités de l'entraîneur est d'amener ses joueurs à comprendre rapidement son système et de les convaincre ensuite qu'ils vont gagner s'ils le préconisent avec efficacité.»

Même si Patrick n'a jamais douté qu'il connaîtrait du succès derrière le banc, Reid est étonné de constater à quel point cela s'est produit rapidement, surtout avec une formation pas très forte à la ligne bleue. «C'est un gars extrêmement confiant. L'ensemble de ses joueurs semblent exprimer la même confiance en ce moment», ajoute-t-il.

Plus rien n'est pareil au Colorado

À titre de coéquipier, Reid appréciait l'intensité de Roy durant les entraînements. Il voyait à ce que tous les autres ne s'endorment pas. Il remarque que c'est une qualité qu'il a conservée dans son nouveau rôle. Il l'a observé de près durant son dernier match. Dans les derniers moments de la rencontre, quand l'Avalanche s'accrochait à sa mince avance de 1-0, il s'est assuré que ses joueurs entendent clairement ses directives. Il était intense dans ses changements de trios. Il plaçaient les joueurs à leur position respective à l'aide de grands gestes. Bref, il était encore plus impliqué que ses jeunes.

«J'ai toujours pensé qu'une équipe est le reflet de son entraîneur. Si le coach est immobile et peu démonstratif (Allo, Jacques Martin?), ses joueurs se comporteront comme des robots sur la glace. Si un entraîneur est émotif, son groupe jouera avec émotion», conclut-il.

L'Avalanche du Colorado va affronter des embûches éventuellement. Cette équipe aura à se défendre sans la contribution de joueurs qui seront à l'infirmerie. Il y aura des périodes léthargiques. Néanmoins, tous les points imprévus qui ont été amassés jusqu'ici pourraient peser lourd dans la balance en avril.

Celui dont le dossard numéro 33 a été retiré à Montréal et à Denver a déjà prédit que son équipe de dernière place surprendrait le monde du hockey. Encore là, on a bien ri. Or, nous ne sommes qu'en octobre et les surprises causées par l'Avalanche sont nombreuses.

On parle pour parler, mais si le hasard avait voulu que Roy fasse ses débuts professionnels derrière le banc des Nordiques, avec des gardiens et des attaquants aussi spectaculaires, tout le Québec serait excité en ce moment. Et Casseau, assurément, ne ferait rien pour calmer les ardeurs des amateurs.

Malheureusement, au rythme où ce natif de Sainte-Foy fait gagner sa nouvelle équipe, l'Avalanche, qui causait des inquiétudes avant son arrivée, ne sera jamais sujette à un transfert à Québec. Des 10 000 spectateurs par match de l'an dernier, la moyenne des assistances est déjà passée à 16 452.

Le propriétaire de l'organisation est mort de rire. Le riche salaire de son jeune entraîneur sera remboursé avant Noël.