Martin St-Louis passe actuellement des moments précieux à la résidence familiale de Sainte-Dorothée en compagnie de son père Normand et de sa soeur Isabelle.

Rien n'est vraiment facile pour lui depuis que sa mère est décédée. Un autre pépin est survenu quand la Ligue nationale (pour ne pas dire le réseau NBC) a décrété que le premier match de la série Canadiens-Rangers sera présenté demain à 13 heures. Or, les funérailles de sa mère devaient avoir lieu à 11 h 30, le même jour. On ne pouvait quand même pas lui demander de passer outre à son dernier adieu à la femme qui a guidé ses premiers pas dans la vie pour aller disputer un match de hockey, si important soit-il.

Les Rangers ont tout fait pour l'accommoder. Ils étaient d'accord pour que le match soit remis à dimanche, mais la ligue s'y est opposée. Alors, Martin, les membres de sa famille, ses amis et toute l'équipe des Rangers se réuniront dimanche matin pour célébrer la mémoire de France St-Louis à l'occasion d'une cérémonie qui devrait être empreinte d'une grande émotion.

L'attaque cardiaque dont sa mère a été victime a frappé comme un coup de tonnerre pour son mari. Le couple à la retraite venait de rentrer de Tampa où il séjournaient cinq mois par année depuis 10 ans. France et Normand Saint-Louis étaient en train d'élaborer d'autres projets quand c'est survenu.

« Cela ne fait aucun sens, précise Normand, père d'Isabelle et d'un fils célèbre, Martin. J'ai mangé une soupe avec elle et une heure plus tard, elle n'était plus là. J'ai suivi l'ambulance avec mon véhicule pour apprendre une quarantaine de minutes après son arrivée à l'urgence que c'était terminé. J'ai appelé Martin et j'ai gardé le corps de sa mère pour qu'il puisse la voir une dernière fois. Toute cela se passe si rapidement. On ne s'imagine jamais qu'une telle chose peut nous arriver. »

Chaque fois qu'il s'est adressé aux médias depuis le triste événement, on a senti que Martin ravalait ses pleurs. Même s'il était pris par l'émotion, il a su dire les bonnes choses. En parlant de ce que sa mère représentait pour lui, il a dit d'elle qu'elle était la plus grande personne humaine qu'il ait connue. La douleur est probablement double pour lui parce qu'il doit se ramasser à la petite cuillère pour être le joueur important qu'il est et ce, devant des millions de téléspectateurs.

Durant cette période de deuil, on ne peut pas dire qu'il profite de l'intimité souhaitée. Il est un personnage très important au sein d'une famille regroupant 30 équipes. Quand il est allé jouer un match crucial des séries quelques heures après le décès de sa mère, c'est toute la communauté du hockey professionnel qui a compati avec lui. À la maison, la peine est également très intense où Isabelle a perdu une mère et Normand une femme exceptionnelle.

« C'était une merveilleuse compagne pour moi, déclare-t-il. Nous étions ensemble depuis 43 ans. Quand je l'ai mariée, j'ai toujours dit que j'avais signé le plus beau contrat de ma vie. J'avais 19 ans quand je l'ai rencontrée. Elle en avait 20. Elle était un joli bout de femme, mais c'est son sourire qui m'a accroché. Elle souriait constamment. Je l'ai connue le 3 janvier et je l'ai demandée en mariage le 10 janvier. C'était celle-là. Je suis tombé en amour une seule fois dans ma vie et c'était avec elle. Je suis toujours en amour, mais elle n'est malheureusement plus là. Je n'aurais pas pu choisir une meilleure femme. Elle pensait à tout le monde, sauf à elle. Moi, je passais toujours avant elle. »

Elle était aussi un bon public. Même quand les blagues qu'on lui racontait n'étaient pas très drôles, elle souriait pour éviter de déplaire à qui que ce soit. Son départ va creuser un vide immense dans la maison. Son rire va résonner dans les oreilles de Normand St-Louis pendant longtemps. Quand Isabelle, qui lui tient compagnie actuellement, retournera chez elle, il ne sait trop comment il pourra redonner vie à une maison devenue trop grande. Il affirme qu'il ne faisait rien dans la maison. Il l'a construite et France s'est chargée de tout le reste.

« Je n'avais pas le droit d'accomplir des choses, mentionne-t-il. Elle était en charge de tout. Ça vous paraîtra peut-être ridicule, mais chaque matin, quand je me levais, mes vêtements étaient déjà bien placés. Ce sont ceux-là que je devais porter. Elle trouvait que je n'étais pas bon pour agencer les couleurs. Pour moi, ce n'était pas important. Pour elle, ça l'était. Elle voulait que son homme soit cute. »

Martin leur procure des joies

C'est devenu une histoire pas comme les autres quand Martin est retourné au jeu sans prendre le temps de vivre pleinement sa première journée de chagrin « parce que c'est ce qu'elle aurait voulu qu'il fasse ». En ce moment, il est un peu mal à l'aise que les funérailles aient été retardées de 24 heures à cause de lui. C'est assez difficile de gérer tout ça pour lui, mais les St-Louis ont reçu tellement d'appuis de divers milieux. On fait tout pour que Martin refoule temporairement ses émotions et qu'il s'acquitte de sa mission comme il le fait toujours.

« Nous traversons des moments difficiles, mais disons que mon gars nous offre des joies à travers tout cela. C'est dur. Quand on se réunit, on pleure tous ensemble. »

L'une de ces joies a été le but qu'il a marqué sous les yeux des membres de sa famille et de sa femme Heather dans le sixième match, le jour de la fête des Mères. Ce but a ému toute l'équipe. Les coéquipiers présents sur la glace l'ont encerclé dans un coin de la patinoire dans un moment qui a tiré quelques larmes, peut-être même celles de Martin.

« Je n'en revenais pas quand il a marqué ce but, dit son père. Quand j'ai vu la rondelle dévier sur sa jambe pour pénétrer dans le filet, j'ai tout de suite pensé que France était encore avec nous. Cela n'avait pas d'allure une coïncidence comme celle-là. »

Les St-Louis ne sont pas encore au bout de leurs émotions. Le hasard a voulu que les Rangers soient les adversaires du Canadien, ce qui fournira l'occasion à Martin de passer plus de temps avec les siens. Cependant, il devrait ressentir une pression additionnelle, celle de bien jouer et de produire en plein Centre Bell devant un public québécois qui l'aime bien.

Face aux caméras, sa voix tremblotante témoigne de la peine qu'il ressent depuis une dizaine de jours. Réuni autour des siens, il peut davantage baisser sa garde et se laisser aller.

« Martin pleure avec moi. Je devrais plutôt dire qu'il pleure pour moi parce que j'en suis incapable. Toutefois, quand nous sommes tous ensemble, c'est là que ça sort », conclut Normand St-Louis.