TORONTO - Trois ans après sa retraite, Martin St-Louis écrit les derniers mots du récit formidable de sa carrière dans la LNH.

 

Le récit d’une carrière au cours de laquelle le héros a patiné entre épreuves et déceptions, mais aussi entre victoires et triomphes. Le récit d’une carrière dans la LNH qui est passée à un cheveu de ne jamais se concrétiser alors qu’au tournant des années 2000, ce héros trop petit pour aller se battre avec les grands songeait sérieusement à mettre le cap sur l’Europe où l’attendait du hockey à sa mesure. « Il me fallait quand même un plan B », a admis le nouvel intronisé.

 

Parce que le plan A, le plan de jouer dans la LNH a relégué aux oubliettes un plan B qui nous aurait privé d’un extraordinaire joueur de hockey, Martin St-Louis conclura, lundi soir, le récit de sa carrière en défilant les mots soigneusement choisis dans le cadre de son discours d’intronisation au Temple de la renommée du hockey.

 

« Quand tu lis un livre, il arrive parfois d’espérer que la fin sera belle. Que tout finira bien ! Dans mon cas, la conclusion ne pourrait pas être meilleure», a reconnu Martin St-Louis qui a savouré, vendredi, avec les cinq autres intronisés de la cohorte 2018, un avant-goût du moment grandiose qu’ils partageront lundi soir, à Toronto.

 

Malgré des cheveux gris qui se multiplient au rythme qu’il récoltait des points dans ses grandes années avec le Lightning de Tampa Bay, Martin St-Louis avait des allures de gamin vendredi après-midi dans le Grand Hall du Temple du hockey.

 

Comme Martin Brodeur, Gary Bettman et les autres intronisés de la cohorte 2018, Willie O’Ree, Jeyna Hefford et Alexander Yakushev, St-Louis a plusieurs fois regardé la bague commémorative qu’il venait de glisser à son doigt avec une satisfaction évidente. Avec une fierté plus évidente encore.

 

Mais plus encore que les autres intronisés, le Québécois souriait chaque fois qu’il levait les yeux sur les murs du Grand Hall. Des murs recouverts des plaques commémoratives associées aux immortels du hockey.

 

« Je suis fier de ce qui m’arrive. Je sais que j’ai réalisé de belles choses pour me rendre jusqu’ici et c’est flatteur de recevoir un honneur pareil. Mais quand je regarde autour de moi, ce n’est pas ce que j’ai accompli dans la LNH qui me vient en tête, mais bien de réaliser que je rejoins tous ces immortels du hockey. Ça, je n’en reviens pas. Je regarde les murs et je pense à Guy Lafleur et Maurice Richard qui sont ici. Je pense à Gretzky, à Lemieux. Je pense à tous les samedis que j’ai passés à regarder la soirée du hockey avec mon père qui me parlait des immortels du hockey et là, je suis ici. Je fais partie de ce club-là », a défilé St-Louis avec une sincérité touchante dans la voix.

 

Rancœur vs motivation

 

Martin St-Louis a fait mentir bien du monde et a surmonté bien des préjugés pour simplement atteindre la LNH.

 

Brodeur, St-Louis et cie rejoignent les immortels

Choix de 11e ronde dans la LHJMQ, il s’est tourné vers le système tiers deux dans l’Est ontarien – les Hawks de Hawkesbury – pour faire un stage junior qui l’a conduit à l’université du Vermont dans la NCAA.

 

Boudé par tous les recruteurs de la LNH, St-Louis a mangé son pain noir dans les ligues mineures qu’il a gravi lentement avant de se retrouver avec les Flames de Calgary qui l’ont embauché à titre de joueur autonome sans jamais ensuite lui offrir une vraie chance de réussir.

 

Entrer au Temple de la renommée après avoir soulevé une coupe Stanley (2004), après avoir gagné le championnat des marqueurs dans la LNH (trophée Art Ross) à deux reprises en 2004 et 2013, être l’un des seulement huit joueurs de l’histoire à avoir gagné les trophées Hart, Art Ross et la coupe Stanley la même année (2004) devrait l’inciter à vouloir défiler les noms de tous ceux – et la liste serait bien longue – qui n’ont jamais cru en lui et en son talent. Ou pas assez!

 

« Ça donnerait quoi, réplique St-Louis. Je mentirais si je soutenais que ça ne m’a jamais dérangé de faire douter de moi. Mais je n’ai jamais vraiment eu de la rancœur. Au contraire, j’ai toujours tenté de transformer ça en motivation. Le négatif ne mène nulle part. Quand tu mets les efforts, quand tu travailles et que tu travailles bien, les choses vont à la bonne place. Quand en plus, tu es aussi bien entouré que j’ai été entouré à Tampa Bay, tu as encore plus de chances que les bonnes choses arrivent. C’est ce qui s’est passé pour moi. Regarde la saison de notre coupe: Vincent (Lecavalier) a gagné le titre de joueur le plus utile de la coupe du Monde. Brad (Richards) a gagné le Conn Smythe. Moi j’ai gagné le Hart – St-Louis a aussi gagné le trophée Lester B. Pearson, devenu le trophée Ted Lindsay qui est remis au joueur de l’année dans la LNH tel que choisi par l’ensemble des joueurs – ça démontre à quel point on avait une bonne équipe. Le seul problème, c’est que l’année suivante la saison a été annulée par le lock-out. Qui sait ce qui serait arrivé si on avait pu bâtir sur notre coupe », défile St-Louis.

 

Ode à Tortorella

 

S’il a été entouré de coéquipiers de grande qualité, Martin St-Louis a aussi pu compter, à Tampa, sur un entraîneur-chef qui a osé lui offrir une chance qui n’était jamais venue avant.

 

Brodeur et St-Louis : deux légendes immortalisées

« Torts a cru en moi », rappelle Martin St-Louis qui est aussi arrivé à Tampa à titre de joueur autonome.

 

De fait, St-Louis et Tortorella avaient tout pour développer une complicité gagnante. Ils sont tous les deux des bagarreurs, des disciples du travail et de la discipline. « Il était très exigeant et en demandait toujours plus, mais moi j’aimais ça. Ça me poussait à ne jamais me satisfaire », convient St-Louis qui réfute toutefois la légende urbaine selon laquelle il s’est pointé dans le bureau de son coach un jour pour lui demander une place au sein du top-6 du Lightning.

 

« Je sais qu’il raconte l’histoire de cette manière, mais ce n’est pas comme ça que ça s’est passé. John m’a connu alors qu’il était adjoint. Il était sur la glace quand je faisais du surtemps. Il était dans le gymnase où je passais plus de temps que les autres. Il me voyait travailler et j’ai réussi à le convaincre que si j’avais l’occasion de jouer plus, les résultats viendraient. Je l’ai un peu forcé à m’ouvrir la porte, mais c’est lui qui l’a ouverte. Mais si tu te rappelles bien, en début de saison l’année de notre coupe, on ne jouait pas très bien. Je pense qu’on jouait à peine pour ,500. Mais en deuxième moitié de saison, on a perdu deux fois, je pense. C’est là que tout est parti. »

 

Dans les faits, le Lightning avait maintenu une fiche de 19 victoires, 16 revers et six verdicts nuls en première moitié de saison. Tampa avait perdu plus que deux fois en deuxième moitié de calendrier, mais avait quand même maintenu une fiche sensationnelle de 27 gains, 12 revers et deux verdicts nuls.

 

Oublier les déceptions

 

S’il a vécu ses plus grandes joies dans le monde du hockey avec le Lightning, c’est aussi avec cette équipe qu’il a vécu sa plus grosse déception. Une déception qui a pris des allures de trahison lorsque son directeur général Steve Yzerman a décidé de le rayer de la liste des joueurs invités à défendre les couleurs du Canada aux Jeux olympiques de 2010 à Vancouver.

 

« C’est certainement la plus grosse déception de ma carrière. Mais tu sais, des déceptions, tous les joueurs en ont vécues. Même ceux qui sont ici. Et quand je repense aux déceptions, aux épreuves, aux moments difficiles, je me dis : ne sois pas trop gourmand. Ne regarde pas ce que tu aurais pu faire ou avoir, regarde ce que tu as fait et ce que tu as. Et quand je regarde ce qui a bien été, je peux t’assurer que je ne changerais rien de rien de ce qui m’est arrivé au cours de ma carrière. Je me suis servi des Mats Naslund et Theo Fleury comme sources de motivation. Si j’ai à mon tour servi de source de motivation pour des gars plus petits qui ont finalement réalisé leur rêve, c’est tant mieux. C’est la roue qui tourne », admet franchement et fièrement St-Louis qui profiterait grandement du hockey d’aujourd’hui pour améliorer les statistiques déjà impressionnantes qu’il a obtenues au cours de sa carrière.

 

« Le hockey d’aujourd’hui est différent c’est sûr. Est-ce que je pourrais y réussir? Je n’en doute pas. Est-ce que je serais meilleur qu’à mon époque? Pourquoi se demander ce que je pourrais faire aujourd’hui alors que j’ai eu la carrière que j’ai eue? », lance St.Louis qui compte six saisons de 30 buts en carrière et qui a atteint des sommets de 43 buts marqués et 102 points récoltés en 2006-2007.

 

« J’entre au Temple de la renommée. Je rejoins les immortels du hockey. C’est extraordinaire. Mes enfants vont venir ici et vont me voir avec tous les autres. Leurs enfants et leurs enfants à eux viendront me voir ici un jour. Tu ne peux pas demander une plus belle fin de carrière. »