Je n'évoluais que dans la catégorie Atome AA, pour les Norois de Montréal, quand il portait les couleurs de la formation que je souhaitais percer, un jour, les Canadiens de Montréal-Bourassa, midget AAA. Martin Brodeur aura donc été un modèle pour moi bien avant qu'il n'amorce sa grandiose carrière professionnelle.

Je ne connais pas beaucoup Brodeur sur le plan personnel, nous nous sommes croisés à quelques occasions, mais certaines choses sautent aux yeux et laissent une impression durable. La passion pour son sport l'aura animé jusqu'à la toute fin de ses jours comme gardien, car il faut avouer qu'elle l'animera encore bien longtemps en tant que gestionnaire ou autre rôle qu'il choisira.

Sourire accroché au visage, il adorait parler de hockey, même avec les journalistes, le matin d'un match où il était désigné comme partant. (Il était toujours désigné comme partant!).

Parmi les marques qu'il a établies, certaines ne tomberont pas. J'espère me tromper car, comme le veut l'adage, les records sont faits pour être battus. Mais plus aucun gardien, aussi bon soit-il, ne sera en mesure de garder les buts pendant plus de 4 697 minutes au cours d'une même saison, sans compter les séries, comme il l'a fait. Les déplacements et les fuseaux horaires rendent l'exploit quasi impossible pour bon nombre de gardiens. L'horaire équilibré, qui assure des voyages aux quatre coins de l'Amérique avec les confrontations dans chacune des villes de la LNH chaque saison, complique la tâche encore plus.

Personne non plus ne devrait toucher à ses 125 jeux blancs. À titre comparatif, Carey Price, à 27 ans, a disputé environ le tiers des matchs de Brodeur et n'a qu’un cinquième de ses blanchissages, soit 27 en un peu plus de 400 parties. Wow!

Ce qui aura le plus caractérisé la carrière de Martin Brodeur, selon moi, sera sa résistance. Sa résistance au temps et aux époques. Et aux styles aussi. Dans une ère où on a robotisé une génération de gardiens à qui on reprochait leur lecture du jeu, en simplifiant et décortiquant de façon presque scientifique chacune des situations de jeu, il a résisté. Il a poursuivi en peaufinant ce qui lui servait le mieux depuis ses premiers pas. Il a anticipé, deviné et lu mieux que quiconque le jeu. Hasek et Roy auront été ses rivaux dans ce département. Il a géré les rencontres de main de maître. Il a manié la rondelle à un niveau supérieur, inspirant plusieurs Marty Turco, Mike Smith et Carey Price. Seuls Ron Hextall et Kirk MacLean l'avaient presque aussi bien fait avant lui.

À un moment où les astuces pour battre les gardiens se ressemblaient toutes: « partie supérieure lors déplacements parce que le gardien s'agenouille en papillon, passes transversales et circulation lourde... », il forçait les adversaires à changer leur façon de faire. On devait rejeter la rondelle loin dans les coins sinon, Brodeur s'occupait, tel un défenseur et à lui seul de la sortie de zone. Il fallait modifier son échec avant pour enrayer ses options. Plus question de faire glisser la rondelle le long de la rampe pour s'installer en territoire offensif lors de supériorité sans quoi, il dégageait lui-même le disque et tout était à recommencer.

C'est beaucoup plus pour toutes ces raisons qu'il n'affrontait pas 40 tirs tous les soirs. Il se facilitait la vie. On a même, principalement à cause de lui, instauré et délimité une zone pour que les gardiens ne nuisent plus aux stratégies offensives de l'adversaire en maniant la rondelle.

S'il est vrai que Brodeur a pu compter, en route vers trois coupes Stanley, sur les Stevens, Niedermayer, Daneyko et Rafalski pour le protéger, il nous a aussi surpris en 2012 en amenant une fois de plus son équipe en grande finale. Cette fois sa brigade se nommait, Salvador, Harrold, Fayne, Greene, Volchenkov et Zidlicky. Pas le même niveau, mais toujours le même Martin...

Martin Brodeur aura inspiré toute une génération, et puis non, deux générations. Il l'a toujours fait en restant émerveillé devant ce sport qui le passionne toujours. C'est d'ailleurs ce que les Blues espèrent qu'il pourra leur apporter à l'approche des séries éliminatoires, lors desquelles ils n'ont pas connu beaucoup de succès dernièrement. Même si je n'ai jamais porté les couleurs de Montréal-Bourassa, il m'aura aussi grandement inspiré. Pour cette grande carrière et pour l'homme qui l'a connu, chapeau Martin!