Il est facile de chercher à diminuer le mérite de Sebastian Vettel après la conquête hâtive de son titre en 2011. Après tout, la Red Bull n’est-elle pas tout simplement « trop forte » pour la concurrence?

À cela, je réponds toujours de la même façon. De nos jours, un bon pilote ne peut être champion sans conduire la meilleure voiture, je le concède volontiers. Mais la meilleure voiture ne peut décrocher un titre sans qu’elle soit aussi dirigée par un très grand pilote. Ceux qui cherchent à établir des pourcentages de crédit entre les deux entités perdent leur temps. Quelle est la différence entre 50–50 ou 60–40 ou 40–60? Ce qui est beaucoup plus juste, c’est de regarder le résultat d’un pilote par rapport à son coéquipier, d’apprécier sa capacité continuelle à livrer de très hautes performances, d’analyser le nombre d’erreurs commises lors d’une saison et d’apprécier le sérieux de sa préparation personnelle en route vers le succès. Alors, après avoir fait cela, comment ne pas saluer la deuxième conquête consécutive de Vettel?

Il faut remonter au dernier tiers de la dernière saison pour retracer le grand virage du jeune pilote allemand, en route vers son premier titre. Après une suite de malchances et d’erreurs, Vettel semblait en voie de perdre le contrôle sur lui-même, au moment où la course au championnat des pilotes prenait une tournure décisive. On avait peine à reconnaître le jeune homme habituellement si souriant et sûr de lui, en conférence de presse. Mais il eut la sagesse de trouver conseil et réconfort auprès de personnes d’expérience et visiblement compétentes et fit preuve d’une force mentale nettement accrue dans le dernier droit. Les choses se mirent à tomber en place, les unes après les autres, jusqu‘à l’ultime conquête.

Vettel aura su afficher cette nouvelle sérénité dès le début de la présente saison et elle ne lui a jamais fait défaut par la suite. Ce fut, selon moi, un ingrédient déterminant dans sa domination. La voiture a été exceptionnelle, certes. Mais son parcours sans faute, orné de quelques jolis coups de volant (vous vous rappelez Monza contre Alonso?), fut d’une importance capitale dans l’obtention d’un deuxième championnat. Son immense talent n’a jamais fait de doute. Mais il fallait qu’il apprenne à le gérer parfaitement pour atteindre les grands échelons supérieurs. Ce qu’il fit, avec courage et détermination, malgré son très jeune âge. Comme Alonso, à l’époque, chez Renault.

L’avenir dira si Vettel occupera une place encore plus grande dans l’histoire de la F1. J’endosse complètement les propos de Ross Brawn, le grand patron de l’écurie Mercedes, qui dit que l’on mesurera sa véritable valeur lorsqu’il sera au volant d’une voiture moins compétitive. « Ce sera intéressant de voir le rôle de Sebastian, son influence, sa position quand un jour peut-être, il n’aura pas la meilleure voiture et qu’il devra en faire la meilleure voiture, aider à créer la meilleure voiture ».

En clair, Brawn rappelle à tous les observateurs le rôle capital que Michael Schumacher a joué dans le développement formidable de Ferrari à l’époque et qui fut à la base même de sa séquence phénoménale de succès. Son jeune compatriote saura-t-il exercer la même influence, le même effet d’entraînement au sein de son écurie au cours des dix prochaines années? On verra bien.

Mais à la lumière de ce qu’on détecte déjà chez ce jeune homme qui n’a même pas encore 25 ans, il y a lieu de le croire. Il semble posséder, de façon intrinsèque, ce qu’il faut pour se lancer à l’assaut de l’histoire de la Formule 1!