MONTRÉAL – Jérémy Lauzon et Gilles Bouchard sont pratiquement arrivés à Rouyn-Noranda en même temps. Le premier a été repêché par les Huskies en juin 2013, quelques semaines avant que l’autre ne succède à André Tourigny derrière le banc de l’équipe.

Rapidement, l’élève est tombé dans l’œil du maître. Un peu plus de deux années ont passé depuis le premier camp d’entraînement des deux hommes chez les juniors, mais quand Bouchard partage ses souvenirs, il en perd encore son latin.

« Ce n’était pas un gars qui se disait : "Je n’ai que 16 ans, je vais prendre mon trou et je vais regarder les plus vieux jouer". Dans sa tête, il n’a jamais pensé comme ça. Lui, il voulait être sur la glace. C’est ce qui ressortait quand tu jasais avec lui ou que tu le regardais pratiquer. Ça ne le dérangeait pas d’aller dans un coin avec un gars de 19 ans », se rappelle le coach sur un ton admiratif.

À l’époque, Bouchard avait l’intention d’être patient avec sa jeune recrue, mais Lauzon ne lui a pas laissé le choix. À peine avait-il l’âge de conduire que l’ancien des Forestiers d’Amos prenait part à 55 matchs dans la LHJMQ. 

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« Ah! C’était l’enfer, lance le pilote dans son accent coloré du Saguenay. À moment donné, je ne pouvais plus me permettre de le mettre dans les estrades. »

En vieillissant, Lauzon est resté le même jeune homme obstiné, déterminé et persévérant. Son entraîneur n’a pas sursauté quand il a appris que son protégé avait survécu à la première vague de coupes au camp de sélection final d’Équipe Canada junior en fin de semaine dernière.

« Il a eu le même discours dans sa tête. Il est assez intelligent pour se dire "Il y a dix défenseurs ici. Quatre ont ce style-là, cinq jouent plus de cette façon... OK, je vais jouer comme ça et vous allez voir, je vais faire ma place!" Il est assez allumé pour ça! […] Il sait qu’il est dans le cadre de porte. S’il met le pied de l’autre côté, c’est le genre de gars qui va s’arranger pour y rester. »

Pourtant, Lauzon est en quelque sorte le mouton noir de l’édition provisoire d’ÉCJ 2016. Jamais Hockey Canada ne lui a fait une place au sein de ses sélections des moins de 18 ans, que ce soit au championnat du monde ou au tournoi Ivan Hlinka. Et en août dernier, même si les Bruins de Boston l’avaient jugé assez bon pour le repêcher au deuxième tour de l’encan amateur de la LNH, Lauzon n’avait pas été invité au camp estival d’ÉCJ à Calgary.

Six joueurs de la LHJMQ sélectionnés

Au départ, le natif de Val-d’Or ne devait pas plus faire partie du processus final de la construction de l’équipe nationale. Il a fallu que le défenseur Jake Walman subisse une blessure à la toute dernière minute pour qu’un appel d’urgence soit lancé au Québécois, qui avait récolté 34 points et qui affichait un différentiel de plus-26 en 26 matchs avec la meilleure équipe de la LHJMQ.

Quand Équipe Canada s’est envolée lundi pour la Finlande, où seront prises les décisions finales concernant la composition de la formation qui amorcera la défense de son titre le 26 décembre à Helsinki, les valises de Lauzon étaient dans l’avion. Le jeune Jakob Chychrun a été le seul arrière retranché au terme de la première portion du camp à Toronto, ce qui veut dire que neuf défenseurs se font toujours la lutte pour les sept postes disponibles à la ligne bleue.

Rien n’est gagné pour Lauzon, l’un des cinq Québécois qui peuvent toujours rêver d’une place sur l’équipe dirigée par Dave Lowry, mais il en a déjà accompli bien plus que ce qu’il était en droit d’espérer il y a une semaine à peine.

« Ça le dérangeait, ça l’agaçait »

Gilles Bouchard admet que Lauzon digérait mal son exclusion des plans de Hockey Canada depuis deux ans.

« Ça le dérangeait, oui. Ça l’agaçait. Mais en même temps, ça le motivait à être encore plus crinqué! Je te dis, il est de même! Ce n’est pas le genre à s’affaisser et à se poser trop de questions. Au contraire, il vire ça de bord, ce n’est pas bien long. Pour lui, c’était devenu une raison d’être encore plus tannant sur une glace! »

« Il n’a jamais abandonné, il n’a jamais arrêté d’y croire. Et tu vois, là, il est sur le bord de faire l’équipe. »

Bouchard décrit Lauzon comme le parfait défenseur à deux volets, un joueur qui ne se démarque pas nécessairement par son talent offensif, mais qui parvient à contribuer à l’attaque par son ardeur au travail et sa grande confiance. D’où la moyenne supérieure à un point par match qu’il maintient depuis le début de sa troisième campagne dans le circuit Courteau.

Mais à 6 pieds 2 pouces et 204 livres, l’Abitibien est aussi capable d’en mener large. Il vient au septième rang des défenseurs les plus punis de la Ligue avec 50 minutes passées au cachot.

« C’est un joueur contre qui tu ne veux pas jouer, résume Bouchard. Il est tannant! Tu sais, à moment donné, à force d’être intense et d’être compétitif dans les coins, tu prends des deux minutes. Mais ce sont des deux minutes d’extra-intensité. C’est vraiment incroyable la progression qu’il a connue et le désir de ce petit gars-là. Il est en train d’écarquiller les yeux de tout le monde! »

Bouchard se doutait bien qu’il ne reverrait pas son quart-arrière avant le congé des Fêtes quand les premiers rapports du camp d’entraînement d’ÉCJ sont arrivés à ses oreilles. Et comme tout fier formateur, il n’est pas pressé de revoir son pilier défensif, dont il souhaite devoir se passer jusqu’aux premiers jours de la nouvelle année.

« D’après ce qu’on m’a dit de ses matchs contre les Universitaires, il a été tranquille au début, mais après ça il s’est mis à bloquer des lancers, à se concentrer sur son jeu défensif et à faire le travail en désavantage numérique. Il  leur a montré qu’il était prêt à aller à la guerre pour faire ce club-là, tu comprends? C’est tout un gamer! Ça fait longtemps que je le dis. C’est l’un des plus grands compétiteurs que j’ai connus. »