Mathieu Joseph, le caméléon au camp d’ÉCJ
Mondial Junior jeudi, 15 déc. 2016. 08:23 vendredi, 13 déc. 2024. 08:50« Cette série d’articles sur le Championnat mondial junior est une présentation de Hockey Canada »
BOISBRIAND, Qc - Des 18 attaquants qui avaient été invités au camp de sélection final d’Équipe Canada junior, aucun n’avait rempli le filet avec autant de régularité que Mathieu Joseph depuis le début de la saison.
L’ailier des Sea Dogs de Saint John a mis le feu à la Ligue de hockey junior majeur du Québec cet automne avec une production de 25 buts en 29 matchs. À l’échelle canadienne, seuls Alex DeBrincat (30), des Otters d’Erie, et Jayden Halbgewachs (27), des Warriors de Moose Jaw, ont touché la cible plus souvent.
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Mais pour attirer l’attention des évaluateurs de Hockey Canada cette semaine à Boisbriand, Joseph a vite compris qu’il devait apporter beaucoup plus que son œil de marqueur. Avec le retour de quatre attaquants qui ont fait partie de l’édition 2016 et le rôle de premier plan que seront vraisemblablement appelés à remplir Pierre-Luc Dubois et Tyson Jost, respectivement repêchés aux troisième et dixième rangs au plus récent repêchage de la LNH, les places sur le top-6 d’ÉCJ seront difficiles à décrocher.
Comme à chaque année, les postes restants sont allés aux plus rusés, aux plus altruistes et aux plus polyvalents, ceux qui ont compris que pour porter l’unifolié, il faut parfois savoir mettre son égo de côté et accepter des responsabilités différentes que celles qui nous sont habituellement confiées à Shawinigan, Sault Ste. Marie ou Kelowna.
Joseph, qui projette l’image d’un jeune homme allumé, n’a jamais attendu qu’on lui fasse un dessin.
Mardi soir, à son premier match préparatoire, le natif de Chambly n’a jamais sauté son tour sur l’unité de désavantage numérique canadienne, provoquant notamment une échappée à deux contre le gardien avec son partenaire Dillon Dube. Il a aussi fait sentir sa présence en toute fin de match en sortant un adversaire de ses patins avec une percutante mise en échec.
Le lendemain, contre la République tchèque, il a patrouillé l’aile gauche du trio le plus productif du Canada, récoltant une aide aux côtés de Mathew Barzal et Taylor Raddysh. Sans surprise, il a survécu aux dernières coupes effectuées quelques heures plus tard et sera l’un des sept représentants de la LHJMQ au sein de l’édition 2017 d’ÉCJ.
« La grosse affaire avec Mathieu, c’est qu’il est capable de jouer dans les deux sens de la patinoire. Autant il peut être tannant en frappant tout le monde et en parlant sans arrêt sur la glace, autant il peut scorer des buts, dit Thomas Chabot, un coéquipier de Joseph à St John et l’un des défenseurs qui se sont taillé une place avec ÉCJ. C’est un atout qui l’aide beaucoup. N’importe quel rôle que l’entraîneur va lui donner, il va être capable de le remplir. »
« J’ai joué contre lui assez souvent depuis deux ans pour vous dire que c’est un gars qui ne vous fait pas la vie facile en échec avant, témoigne Pierre-Luc Dubois des Screaming Eagles du Cap-Breton. Il est rapide, il ne lâche pas, il frappe et bloque des lancers. Il est partout sur la glace. Un gars comme ça, je pense que n’importe quel entraîneur en a besoin. Quand tu arrives dans un tournoi, tu as besoin de gars comme ça pour gagner. »
« Je suis un gars qui amène de la vitesse et qui est capable de travailler fort. J’essaie d’amener ça dans ma game, dit simplement Joseph. Il y a tellement de bons joueurs ici, il faut que je me trouve une place. »
Un passeur dans l’âme
Si Joseph démontre autant d’aisance à s’adapter aux exigences de l’environnement dans lequel il se retrouve, c’est peut-être parce que contrairement à ce que ses statistiques personnelles peuvent laisser croire, il n’a jamais pu s’asseoir sur un talent de marqueur naturel pour gravir les échelons.
Son père Frantzi se rappelle en souriant d’une époque où il devait presque supplier son fils d’être un peu plus égoïste avec la rondelle tellement il cherchait constamment à bien faire paraître ses coéquipiers. Mathieu admet lui-même qu’il avait toujours été reconnu comme un passeur avant de gagner ses galons dans l’organisation des Sea Dogs.
« Dans le midget espoir, j’ai eu plus de buts que de passes, mais ça dépendait des années. Je n’étais pas un gars qui la mettait dedans si souvent, raconte-t-il. Quand je suis arrivé dans le junior à 16 ans, je n’avais pas vraiment un rôle offensif. Il a fallu que je me démarque d’une autre façon. Je suis devenu le gars intense qui jouait dans les deux sens. »
À sa première saison complète dans la LHJMQ, Joseph a affiché une production plus qu’honnête de 21 buts et autant d’assistances en 59 parties, des chiffres qui ont convaincu le Lightning de Tampa Bay de le repêcher avec leur choix de quatrième ronde à la fin de l’année. Ce n’est toutefois qu’après cette sélection qu’il a ajouté le titre de franc-tireur à son répertoire.
Joseph justifie humblement son explosion offensive en disant qu’il a simplement gagné du vécu dans une ligue qui favorise logiquement les joueurs plus âgés. Sauf qu’on cherche encore les attaquants de 19 ans capables de suivre son rythme.
Une autre hypothèse, alors?
« J’ai vraiment travaillé sur mon lancer dans les dernières années. C’est un point sur lequel il faut encore que je travaille, mais ça s’est amélioré, estime-t-il. J’ai aussi compris que tu pouvais difficilement marquer en restant à l’extérieur des points de mises en jeu. Il faut que tu ailles au filet et que tu aies un côté hargneux pour être capable de mettre la puck dedans. »
Après son année de repêchage, Joseph a aussi commencé à travailler avec François Borduas, un entraîneur privé spécialisé en maniement de rondelle. Avec son frère Pierre-Olivier, un défenseur des Islanders de Charlottetown, il consacre depuis deux ans quelques aurores estivales au perfectionnement de ses habiletés offensives au Centre sportif Gaétan Boucher de Saint-Hubert.
« C’est bon pour le coup de patin et pour le développement de nos mains quand on est en mouvement. Il m’a vraiment aidé », atteste l’aîné de la famille.
Mathieu Joseph n’avait jamais été sur le radar de Hockey Canada, ou ni même de Hockey Québec, quand un appel de Ryan Jankowski a interrompu son entraînement en gymnase l’été dernier. Le responsable du recrutement voulait l’inviter au camp de perfectionnement estival du prestigieux programme des moins de 20 ans.
La convocation était d’autant plus inattendue que quelques mois plutôt, au terme d’une saison régulière de 33 buts et 73 points, Joseph avait subi une grave coupure à un mollet au début du parcours éliminatoire des Sea Dogs. Il avait dû patienter pendant plus de deux mois avant de pouvoir rechausser les patins. La fin de sa convalescence avait coïncidé de justesse avec le début du camp de perfectionnement du Lightning.
Mais Joseph, confiant, n’a pas été pris de court par l’invitation.
« J’avais vraiment connu une bonne saison l’année précédente, mon entraîneur m’avait donné confiance en me faisant jouer avec deux bons joueurs. On avait une bonne équipe aussi, alors mes statistiques en avaient bénéficié et je pense qu’ils l’ont remarqué. Mais ma polyvalence m’a aidé aussi. On le disait, Hockey Canada ne cherche pas des joueurs qui sont seulement capables de scorer. »