Au tour des amateurs de hockey de Montréal de voir à l'œuvre l'excellent Vincent Lecavalier, premier choix au repêchage de 1998 du Lightning de Tampa Bay. L'équipe, soit dit en passant, a obtenu sa concession sous certaines conditions le 6 décembre 1990. C'est le président de l'époque, John Zeigler, qui en avait fait l'annonce.

Le tout premier choix de Tampa Bay fut Roman Hamrlik. Et à son premier match dans la Ligue nationale de hockey, le Lightning avait inscrit une victoire de 7-3 contre les Blackhawks de Chicago, le 7 octobre 1992.

Beaucoup de joueurs ont depuis porté les couleurs de l'équipe. Jacques Demers est devenu le second entraîneur-chef de l'équipe en novembre 1997 et a accédé au poste de directeur général l'année suivante.

Pour lui, le nom de Vincent Lecavalier est synonyme d'excellence et nul doute qu'un tel joueur représente un élément solide autour duquel l'on peut construire une équipe plus que respectable.

Vincent Lecavalier fut le dernier joueur francophone à être sélectionné au premier rang lors du repêchage. À cette occasion, nombreux furent les observateurs qui avaient mentionné combien il serait important que le Canadien de Montréal puisse encore sélectionner d'abord les joueurs d'origine francophone. Quelle équipe nous aurions à Montréal si nous avions conservé ce droit…

Ce droit fut accordé au Canadien de Montréal lors d'une réunion de l'Association nationale de hockey qui s'est déroulée le 11 octobre 1911 à l'hôtel Kastel de Montréal.

C'était une époque où l'on tentait, tant bien que mal, d'établir les bases d'un circuit solide. Mais les ligues étaient aussi nombreuses que les régions géographiques que comptent le Canada et le nord des États-Unis. Les règles étaient aussi nombreuses que les circuits et amateurs et professionnels étaient utilisés les uns contre les autres ou ensemble. Bref, c'était l'anarchie quasi-totale dans le merveilleux monde du hockey.

C'est lors de cette même réunion que l'on décida que les équipes devraient dorénavant présenter des uniformes différents, que les joueurs seraient identifiés par des numéros sur les chandails et que le nombre des joueurs sur la glace serait limité à six.

Les dirigeants n'ont pas chômé lors de cette rencontre puisque l'on a aussi convenu de faire la différence entre les pénalités mineures et majeures. Un joueur qui écopait d'une pénalité majeure devait aussi débourser une amende de cinq dollars.

Mais il fut aussi convenu que l'équipe du Canadien de Montréal devait dorénavant mettre sous contrat uniquement des joueurs d'origine francophone. Les autres équipes qui formaient alors le circuit n'avaient pas le droit d'aligner des joueurs d'origine francophone. Plusieurs dirigeants et joueurs ont présenté des baptistères d'origine douteuse, mais peu importe…

Les Canadiens de Montréal disputèrent cette année-là dix-huit matchs, terminant en dernière position avec une fiche de huit victoires et dix défaites. Le meilleur attaquant de l'équipe fut Didier Pitre, lui qui avait inscrit 28 buts. Les autres joueurs étaient Jack Laviolette, Eugène Payan, J. Dellaire, Ernie Dubeau, L. Berlinquette, Jette, Leduc et Payer. Le meilleur gardien de buts de la ligue évoluait pour le Canadien et avait pour nom Georges Vézina.

L'année suivante, la règle fut modifiée. On permettait au Canadien d'aligner deux joueurs anglophones et on permettait aussi à toutes les autres équipes de faire l'acquisition de deux joueurs francophones.

Longtemps, très longtemps, avons-nous profité de cette règle voulant que le Canadien obtienne les droits de négociation des contrats des joueurs francophones.

En fait jusqu'au repêchage universel de 1970. L'année précédente, les Canadiens avaient profité des choix de Réjean Houle et Marc Tardif. Ces furent les derniers joueurs francophones automatiquement sélectionnés par les Canadiens de Montréal.

En effet, en 1970, Gilbert Perreault devenait propriété des Sabres de Buffalo.

En 1971, les tractations menées par Sam Pollock, alors directeur général du Tricolore, ont permis à l'équipe de souffler Guy Lafleur aux Seals de la Californie. Et si jamais la règle des joueurs francophones avait été maintenue, les Canadiens prenaient également Marcel Dionne au passage ou encore Jocelyn Guèvremont ou Richard Martin. Remarquez qu'ils ont mis la main sur un certain Larry Robinson, qui devait faire les délices des amateurs pendant plusieurs années…

Que de joueurs d'origine francophone perdus à la suite de ce changement de règlement. Jacques Richard, Denis Potvin, Pierre Larouche, Réal Cloutier, Lucien Deblois, Michael Bossy, Raymond Bourque…

La liste est longue, et plus longue encore quand vient l'année 1984 au moment où Mario Lemieux termine son stage junior. Elle est aussi longue jusqu'à l'apparition de Vincent Lecavalier en 1998.

Depuis 1995, en fonction des choix effectués par toutes les équipes de la Ligue nationale de hockey, est-ce que cette même règle aurait été bénéfique aux Canadiens de Montréal. Parmi les joueurs francophones sélectionnés lors de la première ronde, nous aurions obtenu treize gardiens de buts et quelques défenseurs et attaquants évoluant toujours dans la LNH. Le joueur vedette serait sans contredit Vincent Lecavalier. Viendraient ensuite Simon Gagné et Alex Tanguay.

Le droit obtenu un 11 octobre 1911 a permis d'établir une dynastie. Et même en modifiant les règles l'année suivante, le fait français, déjà, était devenu chose acquise.

En constatant les résultats des récents repêchages et en scrutant le personnel des Canadiens de Montréal, nous avons dorénavant l'impression que nous manquons de temps, de joueurs et surtout d'identité.