Petites histoires de hockey
Hockey dimanche, 22 déc. 2002. 12:49 vendredi, 13 déc. 2024. 19:11
(RDS) - Lorsque Jacques Demers et Guy Carbonneau ont demandé que soit mesuré le bâton de Marty McSorley lors des séries éliminatoires de la Coupe Stanley en 1992-93, ils n'ont certes pas tenu compte des trésors d'imagination requis depuis la fin du 19e siècle pour fabriquer un bâton afin de prendre leur décision.
Dans le feu de l'action, ils ont probablement oublié que dans les années 1820, 80% du bois des forêts canadiennes servait aux industries britanniques et qu'il était principalement utilisé dans la construction des navires. Ils étaient loin des premières rencontres disputées en Nouvelle-Écosse d'un sport découlant du hurley (sport d'origine irlandaise et toujours pratiqué aujourd'hui) et qui, à quelques exceptions près, ressemblait à un jeu surnommé Oochamkunutk pratiqué par les Micmacs, amérindiens de l'Est du Canada. Ils n'ont sûrement pas pensé que le jumelage des deux activités a porté le nom de Alchamadijk chez les aborigènes. Pourtant, c'est un fait.
Remarquez que le joueur des Kings n'a pas, sur le moment, pensé que son outil de travail avait été sculpté par les Micmacs à partir du tronc d'un orme centenaire, scrupuleusement analysé par les anciens jusqu'aux racines, afin qu'il corresponde à la forme exigée pour pratiquer un sport inusité.
Parce que, voyez-vous, les premiers bâtons de hockey ont effectivement été sculptés par les amérindiens. D'une seule pièce, ils pouvaient durer trois ans. Les bâtons étaient lourds, souvent gravés aux pensées des pratiquants et aux noms de leurs équipes, mais ils étaient le fruit d'une analyse poussée qui permettait aux artisans d'obtenir six ou sept bâtons du même tronc royal.
La mise en place de la Ligue Nationale de Hockey, et des autres circuits professionnels, ont permis le développement, au début du 20e siècle, d'une industrie tout à fait particulière.
Les moulins à scie de la communauté ontarienne de Hespeler, du nom de Jacob Hespeler, un homme d'affaires prospère de la région, ont servi à la fabrication de bâtons de hockey. Ils étaient vendus au coût de 45 sous la douzaine.
Plusieurs industries du Québec ont également imaginé diverses méthodes de fabrication et de production des bâtons de hockey. CCM, Victoriaville et Sherwood sont certes parmi les plus populaires. Cette dernière n'est notamment illustrée par une mise en marché innovatrice en vantant les mérites de ses produits par son utilisation par des joueurs vedettes de la Ligue Nationale de Hockey.
Déjà bien loin des oeuvres d'art du début du siècle, le bâton de hockey avait déjà subi plusieurs transformations. On recherchait l'outil parfait. On a oublié l'orme et opté pour d'autres sortes de bois, plus susceptibles de répondre aux exigences techniques. Les innovations ont été nombreuses. Les bâtons dorénavant étaient fabriqués en deux, trois ou multiples pièces. Les Finlandais Virtanen et Yro ont proposé le principe de laminage et donné des noms canadiens (Montréal) à leurs produits afin de les faire mieux accepter en territoire nord-américain.
Les faillites furent nombreuses. Les coups d'éclat également. Les fusions se sont multipliées et l'on a vu les marques de commerce Koho, Kharu, Titan, Sherwood, CCM, Bauer, Nike, Christian, Hespeler et Easton, pour ne nommer que celles-là, s'entremêler et devenir des entités commerciales importantes.
Non seulement avons-nous assisté au développement d'une industrie particulière, mais nous avons été témoins d'une révolution de l'instrument crucial pour pratiquer le sport.
On a dénaturé le bâton de hockey. Sa forme fut modifiée afin de le rendre plus efficace.
L'histoire veut que le joueur de centre des Black Hawks de Chicago, Stan Mikita, de son vrai nom Stanislav Gvoth, soit celui, qui le premier, ait modifié la palette de son bâton. Il aurait lors d'une séance d'entraînement utilisé un bâton brisé et réalisé qu'il pouvait ainsi mieux frapper la rondelle obtenir des trajectoires différentes. Un de ses coéquipiers lui aurait suggéré de tremper les palettes afin de les rendre plus flexibles alors que Mikita s'entêtait à les courber par des pratiques difficiles. Comme par exemple, laisser le bâton sous un poids pendant un certain temps afin de lui donner une forme différente.
En utilisant une nouvelle arme, Mikita a obtenu passablement de succès et fut rapidement imité par Bobby Hull dont le tir était dévastateur. Non seulement le lancer était-il plus puissant, mais l'on ne savait que très rarement où se dirigeait précisément la rondelle. Les gardiens de buts, pas plus que les attaquants, ne savaient où donner de la tête. C'était sans compter que la plupart des gardiens ne portait pas de masque protecteur à l'époque. On peut imaginer l'enfer de Glen Hall, alors gardien des Hawks, lors des séances d'entraînement.
Une autre école veut que le joueur des Rangers, Andy Bathgate, lors d'une tournée européenne impliquant les Rangers et les Black Hawks de Chicago, ait fait part de ses expériences avec une lame courbée avec Mikita et Hull et que ces derniers aient ensuite procédé à des expériences de leur cru. Bathgate aurait utilisé les palettes courbées vers la fin des années 50.
Les dirigeants des équipes furent néanmoins récalcitrants et ce ne sont que les succès de Mikita et Hull qui ont fait en sorte qu'ils ont finalement permis l'utilisation des bâtons à lames courbées lors des matchs.
Aujourd'hui, les bâtons présentent des perspectives différentes et propulsent la rondelle à des vitesses phénoménales. De 45 sous la douzaine, ils coûtent de 250 à 350 dollars l'unité lorsque l'on parle d'objets à caractère unique et faits de matériaux tels céramique, fibre de carbone et titanium.
Quant à la courbe de la lame, maintenant contrôlée par les règlements de la Ligue Nationale de Hockey, ni Bathgate, ni Mikita, ni Hull ne devraient se vanter d'en avoir altéré la forme. D'autres y ont pensé bien avant.
Bert Olmstead, un des joueurs légendaires des Canadiens, a souligné un jour : ...afin de pouvoir soulever la rondelle, il nous est arrivé dans les années 30, en Alberta, de courber nos lames de hockey en les faisant tremper dans l'eau...
Cette chronique aurait pu s'étendre sur des dizaines de pages. Elle est le résultat de plusieurs lectures et recherches, mais force est d'admettre que le livre de Bruce Dowgibbin intitulé The stick, éditions Mcfarlane Walter & Ross, est une source de savoir indéniable et intarissable. J'ai pleinement savouré chaque instant de lecture de cet ouvrage qui retrace l'histoire du bâton de hockey, et qui nous raconte aussi les manies des joueurs qui les utilisent.
La semaine prochaine, dans le cadre de la chronique des petites histoires de hockey, nous ferons le point sur la mesure officielle du bâton de hockey.
Dans le feu de l'action, ils ont probablement oublié que dans les années 1820, 80% du bois des forêts canadiennes servait aux industries britanniques et qu'il était principalement utilisé dans la construction des navires. Ils étaient loin des premières rencontres disputées en Nouvelle-Écosse d'un sport découlant du hurley (sport d'origine irlandaise et toujours pratiqué aujourd'hui) et qui, à quelques exceptions près, ressemblait à un jeu surnommé Oochamkunutk pratiqué par les Micmacs, amérindiens de l'Est du Canada. Ils n'ont sûrement pas pensé que le jumelage des deux activités a porté le nom de Alchamadijk chez les aborigènes. Pourtant, c'est un fait.
Remarquez que le joueur des Kings n'a pas, sur le moment, pensé que son outil de travail avait été sculpté par les Micmacs à partir du tronc d'un orme centenaire, scrupuleusement analysé par les anciens jusqu'aux racines, afin qu'il corresponde à la forme exigée pour pratiquer un sport inusité.
Parce que, voyez-vous, les premiers bâtons de hockey ont effectivement été sculptés par les amérindiens. D'une seule pièce, ils pouvaient durer trois ans. Les bâtons étaient lourds, souvent gravés aux pensées des pratiquants et aux noms de leurs équipes, mais ils étaient le fruit d'une analyse poussée qui permettait aux artisans d'obtenir six ou sept bâtons du même tronc royal.
La mise en place de la Ligue Nationale de Hockey, et des autres circuits professionnels, ont permis le développement, au début du 20e siècle, d'une industrie tout à fait particulière.
Les moulins à scie de la communauté ontarienne de Hespeler, du nom de Jacob Hespeler, un homme d'affaires prospère de la région, ont servi à la fabrication de bâtons de hockey. Ils étaient vendus au coût de 45 sous la douzaine.
Plusieurs industries du Québec ont également imaginé diverses méthodes de fabrication et de production des bâtons de hockey. CCM, Victoriaville et Sherwood sont certes parmi les plus populaires. Cette dernière n'est notamment illustrée par une mise en marché innovatrice en vantant les mérites de ses produits par son utilisation par des joueurs vedettes de la Ligue Nationale de Hockey.
Déjà bien loin des oeuvres d'art du début du siècle, le bâton de hockey avait déjà subi plusieurs transformations. On recherchait l'outil parfait. On a oublié l'orme et opté pour d'autres sortes de bois, plus susceptibles de répondre aux exigences techniques. Les innovations ont été nombreuses. Les bâtons dorénavant étaient fabriqués en deux, trois ou multiples pièces. Les Finlandais Virtanen et Yro ont proposé le principe de laminage et donné des noms canadiens (Montréal) à leurs produits afin de les faire mieux accepter en territoire nord-américain.
Les faillites furent nombreuses. Les coups d'éclat également. Les fusions se sont multipliées et l'on a vu les marques de commerce Koho, Kharu, Titan, Sherwood, CCM, Bauer, Nike, Christian, Hespeler et Easton, pour ne nommer que celles-là, s'entremêler et devenir des entités commerciales importantes.
Non seulement avons-nous assisté au développement d'une industrie particulière, mais nous avons été témoins d'une révolution de l'instrument crucial pour pratiquer le sport.
On a dénaturé le bâton de hockey. Sa forme fut modifiée afin de le rendre plus efficace.
L'histoire veut que le joueur de centre des Black Hawks de Chicago, Stan Mikita, de son vrai nom Stanislav Gvoth, soit celui, qui le premier, ait modifié la palette de son bâton. Il aurait lors d'une séance d'entraînement utilisé un bâton brisé et réalisé qu'il pouvait ainsi mieux frapper la rondelle obtenir des trajectoires différentes. Un de ses coéquipiers lui aurait suggéré de tremper les palettes afin de les rendre plus flexibles alors que Mikita s'entêtait à les courber par des pratiques difficiles. Comme par exemple, laisser le bâton sous un poids pendant un certain temps afin de lui donner une forme différente.
En utilisant une nouvelle arme, Mikita a obtenu passablement de succès et fut rapidement imité par Bobby Hull dont le tir était dévastateur. Non seulement le lancer était-il plus puissant, mais l'on ne savait que très rarement où se dirigeait précisément la rondelle. Les gardiens de buts, pas plus que les attaquants, ne savaient où donner de la tête. C'était sans compter que la plupart des gardiens ne portait pas de masque protecteur à l'époque. On peut imaginer l'enfer de Glen Hall, alors gardien des Hawks, lors des séances d'entraînement.
Une autre école veut que le joueur des Rangers, Andy Bathgate, lors d'une tournée européenne impliquant les Rangers et les Black Hawks de Chicago, ait fait part de ses expériences avec une lame courbée avec Mikita et Hull et que ces derniers aient ensuite procédé à des expériences de leur cru. Bathgate aurait utilisé les palettes courbées vers la fin des années 50.
Les dirigeants des équipes furent néanmoins récalcitrants et ce ne sont que les succès de Mikita et Hull qui ont fait en sorte qu'ils ont finalement permis l'utilisation des bâtons à lames courbées lors des matchs.
Aujourd'hui, les bâtons présentent des perspectives différentes et propulsent la rondelle à des vitesses phénoménales. De 45 sous la douzaine, ils coûtent de 250 à 350 dollars l'unité lorsque l'on parle d'objets à caractère unique et faits de matériaux tels céramique, fibre de carbone et titanium.
Quant à la courbe de la lame, maintenant contrôlée par les règlements de la Ligue Nationale de Hockey, ni Bathgate, ni Mikita, ni Hull ne devraient se vanter d'en avoir altéré la forme. D'autres y ont pensé bien avant.
Bert Olmstead, un des joueurs légendaires des Canadiens, a souligné un jour : ...afin de pouvoir soulever la rondelle, il nous est arrivé dans les années 30, en Alberta, de courber nos lames de hockey en les faisant tremper dans l'eau...
Cette chronique aurait pu s'étendre sur des dizaines de pages. Elle est le résultat de plusieurs lectures et recherches, mais force est d'admettre que le livre de Bruce Dowgibbin intitulé The stick, éditions Mcfarlane Walter & Ross, est une source de savoir indéniable et intarissable. J'ai pleinement savouré chaque instant de lecture de cet ouvrage qui retrace l'histoire du bâton de hockey, et qui nous raconte aussi les manies des joueurs qui les utilisent.
La semaine prochaine, dans le cadre de la chronique des petites histoires de hockey, nous ferons le point sur la mesure officielle du bâton de hockey.