MONTRÉAL – Cédric Desruisseaux a amorcé sa dernière saison dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, une saison qui risquait d’être bouchonnée et lancée à la corbeille à tout moment, avec une sagesse et une légèreté qui ne viennent pas naturellement à tous les jeunes dans sa position, celle d’un joueur de 20 ans toujours en quête d’un contrat professionnel.

« On était privilégiés d’avoir une saison ici tandis que les autres ligues ne savaient même pas si elles allaient jouer, remet en contexte le jeune attaquant. Ça fait qu’en partant, je me sentais juste privilégié. Je me suis dit : "C’est ma dernière chance dans cette ligue-là, je vais essayer d’en faire une année mémorable et d’en profiter au maximum". »

Qui ne s’est pas demandé, à un moment ou un autre de ce rocambolesque hiver pandémique, pourquoi la LHJMQ s’entêtait à aller de l’avant avec la suite de son calendrier pendant que les éclosions de COVID-19 se succédaient dans ses divers marchés? Pendant que certains clubs étaient en voie de jouer une vingtaine de matchs de plus que d’autres? Pendant que ses joueurs étaient limités à faire l’aller-retour entre l’aréna et leur pension?

Au milieu de tant de distractions, Desruisseaux a fait ce qu’il avait à faire sans trop se prendre la tête, avec comme résultat que son histoire est devenue une réponse possible à toutes ces questions. Deux jours après l’élimination de ses Islanders de Charlottetown en demi-finale des séries éliminatoires, le natif de Warwick s’est entendu sur les termes d’un contrat d’un an avec le Rocket de Laval.

« Je savais que je pourrais avoir ma chance »

Desruisseaux a monnayé cette étrange saison en dominant la LHJMQ au chapitre des buts (42) et des points (78) en seulement 40 matchs. Avant la pause de deux mois que son équipe a été forcée de respecter à partir de la mi-novembre, il a marqué au moins un but dans 13 matchs de suite, une séquence comme aucun joueur n’en avait connu depuis Sidney Crosby avec l’Océanic de Rimouski. Celui qui n’avait jamais marqué plus de 24 fois dans une saison a terminé 14 matchs avec plus d’un but en 2020-2021.

« Après Noël, je savais que si je continuais sur ma lancée, je pourrais avoir des chances, relate le franc-tireur en entrevue à RDS. Mais en même temps, mes agents ne m’ont pas trop pitché d’informations sur les pourparlers qui se tramaient. Je pense que ça a été une bonne chose. J’ai pu garder le focus sur ma saison. J’ai juste su le lendemain de notre élimination que des équipes me regardaient pendant les séries à Québec. Le surlendemain, c’est là que ça a sorti. »

Desruisseaux cadre parfaitement pour Trois-Rivières

Rien ne destinait Desruisseaux à un passage chez les pros avant cet ultime tour de piste dans le circuit Courteau. La saison dernière, sa première sur l’Île-du-Prince-Édouard, il n’avait inscrit que 14 buts et une quarantaine de points en 56 matchs. L’année précédente, avec les Voltigeurs de Drummondville, c’était 34 points en 59 matchs.

L’ailier de 5 pieds 8 pouces avait d’ailleurs fait d’autres plans pour l’automne prochain. Celui qui a été nommé deux fois le joueur étudiant du mois dans la LHJMQ depuis deux ans s’était engagé à jouer avec les Gee-Gees de l’Université d’Ottawa. Ses amis Mathieu Desgagnés et Shawn Element devaient l’y accompagner pour le début d’une nouvelle aventure.

Sa production inattendue au cours des derniers mois a changé la donne.

« J’avais les habiletés et je le savais »

« J’ai toujours cru en moi, dit-il avec assurance. Par le passé, j’avais les habiletés et je le savais. Dans toutes les équipes où j’ai joué, je savais que j’avais une petite touche que pas tout le monde avait. Mais l’avoir c’est une chose, l’appliquer c’est un peu plus difficile des fois. La COVID, oui ça a été plate, mais on a eu un long été et ça a été bénéfique pour moi. Je me suis entraîné fort, mais pas juste côté hockey, au niveau mental aussi. Au lieu de toujours me fixer des objectifs à long terme, des gros objectifs, j’essayais vraiment de prendre ça au jour le jour. Dit de même, ça a l’air simple, mais c’est plus dur de le faire. J’ai travaillé fort pour juste rester dans le moment présent et c’est vraiment ce qui m’a aidé. »

Pour illustrer le contraste avec son ancienne approche, Desruisseaux raconte qu’à 18 ans, après une saison recrue franchement réussie, il a voulu trop en faire. Il a traduit en chiffres ses objectifs ambitieux et aux premiers signes de ralentissement dans son rythme de production, il a perdu ses moyens.

« Quand ça fait cinq ou six matchs que tu ne marques pas, tu commences à te dire que tu n’y arriveras jamais et là, ça peut te décourager ou te frustrer », verbalise-t-il.

À Charlottetown, il a commencé à travailler sur une base hebdomadaire avec le préparateur psychologique Jackson Slauenwhite, qui lui a donné des astuces afin de l’aider à consacrer son attention au moment présent.

« Si tu te dis au début de l’année : "J’aimerais ça marquer un but dans 13 matchs de suite", ça n’arrivera pas, a-t-il compris. J’essayais de scorer dans un match, je scorais. Le match d’après, même chose. Je pense que c’est ce qui explique mes succès. Et une fois que ça va bien, c’est d’avoir confiance en soi et surtout d’utiliser tes habiletés le plus possible. Je savais que le coup de patin et mon lancer, c’était deux habiletés dominantes. Fallait juste les utiliser le plus possible. »

À l’automne, Cédric Desruisseaux tentera mettre ses habiletés à profit dans la Ligue américaine. S’il a besoin d’un peu de temps pour s’y adapter, il pourra aller faire ses classes dans la ECHL avec le nouveau club-école du Rocket à Trois-Rivières. Il s’agirait pour lui d’un retour dans la ville où il a complété son stage Midget AAA avec les Estacades.

« Ce contrat-là a mis un beau plaster sur le bobo, dit-il en déplorant l’absence de son équipe en finale de la LHJMQ. Le fait que ça soit dans la famille du Canadien, c’est encore plus cool. Faire partie de la grande famille, c’est vraiment spécial. »