Simplifier le travail défensif
Hockey samedi, 14 févr. 2009. 19:45 jeudi, 12 déc. 2024. 05:44
Je vous propose une chronique Défense 101 en relation directe avec les ennuis du Canadien en deuxième et troisième périodes contre l'Avalanche du Colorado vendredi.
Je tiens d'abord à préciser que la défense du Canadien pose problème depuis le début de la saison et pas uniquement lors des sept ou huit dernières parties.
Ça demeure difficile de comprendre que le Canadien cafouille autant dans son territoire quand tu additionnes le nombre de coupes Stanley remportées par Bob Gainey (5), Guy Carbonneau (3), Kirk Muller (1) et Doug Jarvis (4). D'autant plus que le travail défensif représentait leur grande force et leur responsabilité. Je suis également déçu de constater que le CH ne présente pas un meilleur pourcentage d'efficacité (14e rang avec 50,4%) malgré des entraîneurs comme Carbo, Jarvis et Muller qui excellaient dans cette facette.
Ces arguments démontrent que les connaissances et l'expérience sont présentes au sein de l'organisation, mais est-ce qu'il existe un manque dans la transmission? Je me demande si les entraîneurs sont en mesure de bien communiquer ces connaissances. Mais une chose est certaine, c'est anormal de connaître autant de difficultés en zone défensive quand tu mises sur autant de ressources pour corriger le tir.
Afin de bien comprendre les difficultés défensives du Canadien, il faut regarder le système qu'il préconise. Bienvenue au cours de Défensive 101.
Depuis que j'ai arrêté d'être entraîneur au hockey en 1996, je regarde environ 250 parties de la LNH par année. Durant toute ma carrière d'entraîneur et avant que je l'amorce, j'ai participé à de nombreux colloques au Québec et à travers le monde avec des entraîneurs comme Jacques Lemaire, Scotty Bowman, Roger Neilson
J'enseignais toutes leurs stratégies utilisées au niveau professionnel à mes joueurs et le mot d'ordre n'était pas compliqué. La clé est justement de ne pas compliquer le travail défensif
Les grandes lignes d'un système défensif efficace sont simples. Quand une équipe n'est pas en possession de la rondelle dans son territoire, elle doit s'assurer d'imposer une pression sur le porteur de la rondelle tandis que les quatre autres joueurs doivent couper les trajectoires de passe. Chacun de ces joueurs doit également s'assurer de mettre une pression rapide sur le joueur qu'il surveille si la rondelle se rend à lui.
Oublier les «X» et les «O»
En somme, la défense représente une question de responsabilité et non une question de système de jeu. Il est essentiel que tous les joueurs comprennent leur rôle et ces rôles doivent être fort simples. Ça ne sert à rien de tenter de trouver des réponses avec des «X» et des «O», la réponse ne s'y trouve pas.
Le travail des entraîneurs devient donc d'aider chaque joueur à bien connaître ses responsabilités afin d'assister aux bonnes réactions. D'ailleurs, Jacques Lemaire, qui est l'un des spécialistes du travail défensif, expliquait dans les colloques que la recette n'a rien de complexe.
L'important demeure lire la situation et réagir adéquatement. Il est inutile de développer de multiples stratégies élaborées, car tout dépend du jeu offensif déployé par l'équipe adverse.
En décortiquant grossièrement les possibilités, une équipe peut prôner une défense de zone, une défense homme à homme ou bien une défense de panique lorsque tout tourne et que tu es incapable de rien contrôler. J'appelle ce système de dernier recours : "Boîte +1" puisque c'est l'équivalent de jouer comme en désavantage numérique avec un cinquième joueur au centre.
Par les temps qui courent, le Tricolore concède davantage de lancers à cinq contre cinq qu'en désavantage numérique ce qui démontre un problème de responsabilité chez les joueurs.
De plus, le CH en arrache en raison du facteur physique, car les joueurs se font régulièrement battre dans les batailles à un contre un. Le problème est encore plus criant étant donné que le Canadien se débrouille avec plusieurs petits joueurs de centre. En territoire défensif, le centre a la responsabilité de travailler en fond de territoire avec les défenseurs ce qui implique de remporter des luttes individuelles.
Simplifier et encore simplifier
Si j'étais l'entraîneur du Canadien, j'opterais pour une défense de zone et je tenterais de ramener les choses au plus simples possibles durant cette période de crise. De cette façon, même le joueur le moins doué défensivement comprendrait tout de suite ce qu'il doit effectuer. Il faut simplifier l'équation au maximum et insister sur l'exécution.
L'exemple du basketball convient bien, car les joueurs défensifs se positionnent à l'intérieur et ils gardent leurs adversaires à l'extérieur ce qui s'avère crucial dans un système de zone. Malheureusement, les joueurs du Tricolore se font souvent battre à un contre un et les opposants peuvent percer la défense ce qui leur procure de bonnes chances de marquer.
Depuis quelques parties, même Andrei Markov et Mike Komisarek traversent une période creuse dans leur territoire. Ces deux défenseurs sont parfois obligés de se compromettre après qu'un coéquipier ait perdu une bataille ce qui provoque un déséquilibre. Face à une telle situation, les joueurs paniquent et ils envoient la rondelle un peu partout. Résultat : les joueurs commettent des revirements coûteux, car la rondelle revient rapidement au filet.
Les ennuis du CH ont rapidement fait le tour de la LNH et les équipes adverses ajustent leur plan de match en conséquence. Les autres équipes imposent une pression intense sur les défenseurs et sur le gardien. Étant donné que le Tricolore est vulnérable défensivement, les entraîneurs demandent à leurs joueurs d'envoyer la rondelle derrière les défenseurs surtout en présence d'attaquants physiques.
Soyons franc, je ne sais pas quel est le message des entraîneurs dans le vestiaire et j'ignore le plan de match exact de Carbo. Toutefois, si les joueurs appliquent ce qu'il exige et bien, ce n'est pas la bonne approche et il devrait la changer.
C'est trop facile de pointer le gardien de but du doigt. En défense, la responsabilité incombe à cinq joueurs et le gardien devient un complément. Ses coéquipiers doivent lui laisser les lancers peu dangereux en angle et éviter les occasions de compter en provenance de l'enclave.
Le but ultime demeure de repousser les joueurs adverses vers l'extérieur et minimiser les chances vers le filet. Le Canadien n'y parvient pas présentement ce qui place les gardiens dans des situations difficiles depuis le début de la saison.
*Propos recueillis par Éric Leblanc
Je tiens d'abord à préciser que la défense du Canadien pose problème depuis le début de la saison et pas uniquement lors des sept ou huit dernières parties.
Ça demeure difficile de comprendre que le Canadien cafouille autant dans son territoire quand tu additionnes le nombre de coupes Stanley remportées par Bob Gainey (5), Guy Carbonneau (3), Kirk Muller (1) et Doug Jarvis (4). D'autant plus que le travail défensif représentait leur grande force et leur responsabilité. Je suis également déçu de constater que le CH ne présente pas un meilleur pourcentage d'efficacité (14e rang avec 50,4%) malgré des entraîneurs comme Carbo, Jarvis et Muller qui excellaient dans cette facette.
Ces arguments démontrent que les connaissances et l'expérience sont présentes au sein de l'organisation, mais est-ce qu'il existe un manque dans la transmission? Je me demande si les entraîneurs sont en mesure de bien communiquer ces connaissances. Mais une chose est certaine, c'est anormal de connaître autant de difficultés en zone défensive quand tu mises sur autant de ressources pour corriger le tir.
Afin de bien comprendre les difficultés défensives du Canadien, il faut regarder le système qu'il préconise. Bienvenue au cours de Défensive 101.
Depuis que j'ai arrêté d'être entraîneur au hockey en 1996, je regarde environ 250 parties de la LNH par année. Durant toute ma carrière d'entraîneur et avant que je l'amorce, j'ai participé à de nombreux colloques au Québec et à travers le monde avec des entraîneurs comme Jacques Lemaire, Scotty Bowman, Roger Neilson
J'enseignais toutes leurs stratégies utilisées au niveau professionnel à mes joueurs et le mot d'ordre n'était pas compliqué. La clé est justement de ne pas compliquer le travail défensif
Les grandes lignes d'un système défensif efficace sont simples. Quand une équipe n'est pas en possession de la rondelle dans son territoire, elle doit s'assurer d'imposer une pression sur le porteur de la rondelle tandis que les quatre autres joueurs doivent couper les trajectoires de passe. Chacun de ces joueurs doit également s'assurer de mettre une pression rapide sur le joueur qu'il surveille si la rondelle se rend à lui.
Oublier les «X» et les «O»
En somme, la défense représente une question de responsabilité et non une question de système de jeu. Il est essentiel que tous les joueurs comprennent leur rôle et ces rôles doivent être fort simples. Ça ne sert à rien de tenter de trouver des réponses avec des «X» et des «O», la réponse ne s'y trouve pas.
Le travail des entraîneurs devient donc d'aider chaque joueur à bien connaître ses responsabilités afin d'assister aux bonnes réactions. D'ailleurs, Jacques Lemaire, qui est l'un des spécialistes du travail défensif, expliquait dans les colloques que la recette n'a rien de complexe.
L'important demeure lire la situation et réagir adéquatement. Il est inutile de développer de multiples stratégies élaborées, car tout dépend du jeu offensif déployé par l'équipe adverse.
En décortiquant grossièrement les possibilités, une équipe peut prôner une défense de zone, une défense homme à homme ou bien une défense de panique lorsque tout tourne et que tu es incapable de rien contrôler. J'appelle ce système de dernier recours : "Boîte +1" puisque c'est l'équivalent de jouer comme en désavantage numérique avec un cinquième joueur au centre.
Par les temps qui courent, le Tricolore concède davantage de lancers à cinq contre cinq qu'en désavantage numérique ce qui démontre un problème de responsabilité chez les joueurs.
De plus, le CH en arrache en raison du facteur physique, car les joueurs se font régulièrement battre dans les batailles à un contre un. Le problème est encore plus criant étant donné que le Canadien se débrouille avec plusieurs petits joueurs de centre. En territoire défensif, le centre a la responsabilité de travailler en fond de territoire avec les défenseurs ce qui implique de remporter des luttes individuelles.
Simplifier et encore simplifier
Si j'étais l'entraîneur du Canadien, j'opterais pour une défense de zone et je tenterais de ramener les choses au plus simples possibles durant cette période de crise. De cette façon, même le joueur le moins doué défensivement comprendrait tout de suite ce qu'il doit effectuer. Il faut simplifier l'équation au maximum et insister sur l'exécution.
L'exemple du basketball convient bien, car les joueurs défensifs se positionnent à l'intérieur et ils gardent leurs adversaires à l'extérieur ce qui s'avère crucial dans un système de zone. Malheureusement, les joueurs du Tricolore se font souvent battre à un contre un et les opposants peuvent percer la défense ce qui leur procure de bonnes chances de marquer.
Depuis quelques parties, même Andrei Markov et Mike Komisarek traversent une période creuse dans leur territoire. Ces deux défenseurs sont parfois obligés de se compromettre après qu'un coéquipier ait perdu une bataille ce qui provoque un déséquilibre. Face à une telle situation, les joueurs paniquent et ils envoient la rondelle un peu partout. Résultat : les joueurs commettent des revirements coûteux, car la rondelle revient rapidement au filet.
Les ennuis du CH ont rapidement fait le tour de la LNH et les équipes adverses ajustent leur plan de match en conséquence. Les autres équipes imposent une pression intense sur les défenseurs et sur le gardien. Étant donné que le Tricolore est vulnérable défensivement, les entraîneurs demandent à leurs joueurs d'envoyer la rondelle derrière les défenseurs surtout en présence d'attaquants physiques.
Soyons franc, je ne sais pas quel est le message des entraîneurs dans le vestiaire et j'ignore le plan de match exact de Carbo. Toutefois, si les joueurs appliquent ce qu'il exige et bien, ce n'est pas la bonne approche et il devrait la changer.
C'est trop facile de pointer le gardien de but du doigt. En défense, la responsabilité incombe à cinq joueurs et le gardien devient un complément. Ses coéquipiers doivent lui laisser les lancers peu dangereux en angle et éviter les occasions de compter en provenance de l'enclave.
Le but ultime demeure de repousser les joueurs adverses vers l'extérieur et minimiser les chances vers le filet. Le Canadien n'y parvient pas présentement ce qui place les gardiens dans des situations difficiles depuis le début de la saison.
*Propos recueillis par Éric Leblanc