MONTRÉAL - Un jeune joueur de hockey de Laval devenu tétraplégique après une mise en échec violente a gagné en cour et s'est vu accorder une somme de 8 millions $ en dommages. Une cause qui fait une mise au point importante alors que la violence dans les sports, surtout chez les jeunes, est de plus en plus remise en question.

La somme accordée pourrait être un record pour une telle cause, tous sports confondus, croit Stuart Kugler, l'un des avocats de la victime.

Mais la décision est tout aussi importante pour d'autres raisons, croit-il.

« Parce que cela rappelle à tous les joueurs de hockey et les entraîneurs de hockey que les mises en échec par derrière ne sont pas acceptables et sont strictement interdites parce qu'elles peuvent causer des blessures catastrophiques comme les blessures subies par Andrew Zaccardo », a-t-il fait valoir en entrevue téléphonique.

Et puis, il s'agit de la première cause au Québec qui traite de blessures graves causées par des mises en échec, a-t-il ajouté.

En 2010, son client Andrew Zaccardo, qui avait alors 16 ans, était un joueur de niveau midget AA.

Depuis cette partie de hockey tragique, il ne peut plus marcher, doit se déplacer en fauteuil roulant et a un usage limité de ses mains.

Dans une décision sévère et précise, le juge Daniel W. Payette écrit qu« "une patinoire de hockey n'est pas une zone de non-droit ».

Il estime que le jeune Ludovic Gauvreau-Beaupré, âgé de 16 ans, qui a fait une mise en échec par en arrière, à peine 38 secondes après la mise au jeu, a commis une faute civile.

Le juge Payette rappelle que les mises en échec sont « catégoriquement défendues » par les règles du sport.

Ludovic a admis connaître les règles de Hockey Québec et de Hockey Canada qui les interdisent. Il avait déjà été sanctionné deux ans auparavant pour un geste similaire.

Il est souvent plaidé en défense dans de telles causes que les joueurs acceptent « des risques inhérents » à un sport où certains contacts sont permis.

« Mais ils n'acceptent jamais qu'un autre joueur va agir de façon fautive ou négligente », précise Me Kugler.

Le jeune a déclaré qu'il s'agissait d'un accident. Il a dit n'avoir alors d'yeux que pour la rondelle, et avoir réalisé trop tard qu'Andrew se trouvait dans son chemin. Il n'a pu s'arrêter avant d'entrer en contact avec lui, a-t-il relaté au procès.

Le juge, qui a visionné le jeu puisqu'un parent l'avait filmé, a déclaré que cette version n'était « ni crédible ni fiable ».

« Le geste n'a rien d'accidentel », a-t-il tranché. Le jeune n'a pas freiné, n'a pas tenté de changer de direction ou de minimiser son contact avec l'autre joueur, relève le magistrat. Au contraire, note le juge, il a utilisé son avant-bras pour projeter son adversaire contre la bande et a même accentué son geste en sautant.

Bref, « il n'a pas agi comme un joueur diligent et prudent ».

De plus, Ludovic Gauvreau-Beaupré avait plaidé que la mise en échec fait partie du hockey, que sa survenance était donc un risque inhérent, tout comme les violations des règles du hockey qui sont chose courante.

« Il a tort », écrit le juge, tranchant, notant que les mises en échec par derrière sont une « tare » que les organisations sportives tentent d'éliminer.

Il a ainsi condamné Ludovic Gauvreau-Beaupré et la société d'assurance qui assure la ligue de hockey et les joueurs à payer 8 millions $, plus les intérêts et les frais de cour.

Me Kugler souhaite que le message du jugement soit bien compris.

« J'espère, et la famille (d'Andrew Zaccardo) espère également, qu'avec ce jugement et avec le rappel à tous les joueurs de ne pas mettre en échec par derrière, il n'y aura pas d'autre cause semblable où des joueurs qui jouent pour s'amuser se retrouvent en fauteuil roulant pour le reste de leur vie. »

Ludovic Gauvreau-Beaupré et la société d'assurance peuvent porter ce jugement en appel et ont 30 jours pour le faire.