En avant la musique!
Curling lundi, 10 févr. 2014. 11:04 samedi, 14 déc. 2024. 03:35Depuis sa qualification en décembre dernier, la formation de Brad Jacobs suscite beaucoup d’interrogations de la part des amateurs de curling canadiens, à savoir si ceux-ci réussiront à maintenir la séquence olympique canadienne du côté masculin en allant chercher une troisième médaille d’or consécutive.
Il faut mentionner que la victoire de Brad Jacobs ne fut pas une aussi grande surprise que celle de Brad Gushue lors des essais olympiques menant aux Jeux de Turin en 2006. Après tout, Jacobs était, au moment de disputer le droit de représenter le Canada aux Olympiques de Sochi, le champion en titre canadien. Quant à lui, Brad Gushue ne revendiquait aucun titre canadien et avait même chambardé sa jeune formation en insérant le vétéran Russ Howard à la position de capitaine. Nul doute que la victoire de Gushue en avait surpris plusieurs, surtout parmi ses adversaires.
Peu d’observateurs accordaient à Brad Jacobs de grandes chances de le voir disposer de vétérans tels que Kevin Martin, Glenn Howard, Kevin Koé ou Jeff Stoughton malgré son statut en pré-qualifications. Mais Jacobs et compagnie ont remporté ces essais de belle façon, sans équivoque, prouvant une fois pour toutes que ce jeune quatuor pouvait suivre le même tempo et que leur titre canadien au printemps précédant n’était pas un feu de paille.
Alors pourquoi tant d’interrogations quant à sa performance aux Jeux de Sotchi, alors que le jeune Gushue, lui, a réussi presque avec une main dans le dos à monter sur la plus haute marche du podium malgré le contexte dans lequel l’exploit fut réalisé? La formation de Brad Gushue, pour ceux qui ne s’en souviennent pas, avait connu au cours du tournoi olympique d’énormes difficultés de dynamique d’équipe qui se sont effacées de notre mémoire collective lorsque celui-ci est revenu au pays médaille d’or au cou.
La première grande adversité de Brad Jacobs est la pression supplémentaire des deux titres précédents. Déjà, représenter le Canada au niveau international apporte avec lui le fardeau des favoris. Que ce soit chez les hommes, les femmes, les juniors, les séniors, le curling en chaise roulante ou autre, porter la feuille d’érable sur son dos fait de votre équipe la grande favorite que vous soyez Brad Jacobs, Kevin Martin ou Brad Gushue. En fait, même moi avec mes trois collègues de RDS, Michel Lacroix, Alain Usereau et Daniel Aucoin, serions grands favoris s’il existait un championnat du monde masculin pour les membres des médias de 50 ans et plus, parlant français. Enfin, vous voyez le topo.
Certains diront que cette pression était là pour Brad Gushue et Kevin Martin aussi. Ce n’est pas tout à fait vrai. Certes, il y a toujours une pression supplémentaire pour les Canadiens en curling international. Il y a aussi une pression supplémentaire aux Olympiques que peu de joueurs canadiens peuvent expérimenter, une pression à découper au couteau qui est sûrement comparable à toutes les autres disciplines sportives aux Olympiques. Mais dans le cas de Kevin Martin, lors de sa victoire fracassante à Vancouver, il en était à sa troisième participation aux Olympiques. Il est d’ailleurs le seul joueur de l’histoire canadienne à pouvoir se targuer d’avoir représenté le Canada dans plus d’une Olympiade. Ai-je besoin de vous rappeler qu’il n’avait pas remporté l’or à ses deux premières tentatives? À Salt Lake City, pour ceux qui ont regardé la grande finale, ils ont vu la meilleure formation au monde s’écrouler sous la pression en fin de match. Des joueurs de cette formation qui avaient fait leur marque tout au long de leur carrière pour leur calme et leur sang-froid avaient l’air de jeunots qui avaient un rancart avec la plus belle fille du collège le soir venu! Beaucoup d’athlètes, peu importe le sport, ne réussissent pas à livrer la marchandise dans une telle situation.
Pour Brad Gushue, lorsqu’il s’est présenté à Turin, le Canada n’avait jamais réussi à l’emporter aux Olympique auparavant, ce qui lui procurait une petite soupape de sécurité pour évacuer un peu de pression. Mais encore plus important, les formations présentes à Turin n’offraient pas, sur papier à tout le moins, une opposition très relevée. Très peu de formations avaient la possibilité d’aspirer à une médaille. La Grande-Bretagne était peut-être la formation la plus redoutable, mais celle-ci a connu un tournoi difficile, ce qui fait que la Finlande et les États-Unis ont accompagné le Canada sur le podium. La Finlande n’a plus jamais eu de représentants aux Olympiques depuis, ne franchissant plus le processus de qualification mondiale, et les États-Unis ont quant à eux réussi de justesse à se qualifier en décembre dernier.
Voilà à mon avis les deux éléments qui suscitent les interrogations de la part des partisans envers les chances de Brad Jacobs de se couvrir d’or. Le triplé potentiel apporte un fardeau supplémentaire pour Brad Jacobs, lui qui a une expérience très limitée en compétition internationale, et la qualité de l’opposition n’aidera pas sa cause.
Je vous mentionnais plus haut que Kevin Martin était le seul joueur canadien à avoir participé aux Olympiques à plus d’une reprise. Le Canada possède énormément de profondeur surtout en curling masculin. Possiblement 10 à 12 formations auraient pu porter les couleurs du Canada à Sotchi et auraient eu de bonnes chances de médaille. Du côté des Suédois, des Norvégiens, des Danois et des Chinois, le choix de leur formation pour représenter leur pays était unanime et incontestable. La profondeur et la relève, c'est une bonne chose en soi, sauf quand vient le temps d’aller chercher l’expérience dans les plus hauts niveaux de compétition.
Thomas Ulsrud (Norvège) en sera à sa troisième participation aux Olympiques, Niklas Edin (Suède) à sa deuxième de suite et David Murdoch (Grande-Bretagne) à une troisième participation. Pour en rajouter, les chances que la plupart de ces formations soient de retour en 2018 sont très élevées.
Brad Jacobs et sa troupe auront probablement une seule et unique chance de prouver qu’ils peuvent faire face à la musique à ce grand bal olympique. Heureusement pour eux, ils possèdent dans leur équipe le meilleur danseur de l’heure en la présence de Ryan Fry. Le vice-capitaine canadien en mettra plein la vue aux amateurs canadiens et devrait permettre à sa formation de danser sur la plus haute marche du podium le 23 février.
Demain : Jennifer Jones et ses chances de médaille.