PARIS (AFP) - Si la terre battue des courts de tennis de Roland Garros, à Paris, a la réputation d'être la meilleure du monde c'est à cause de la passion, du tour de main et des petits secrets de Gaston Cloup et de ses hommes.

A partir de lundi le responsable de l'entretien des terrains va diriger une brigade de 80 personnes pour l'apothéose de leur saison: les Internationaux de France de tennis.

La surface, qui teinte de rouge depuis le début du siècle les chaussettes des meilleurs joueurs du monde est née en 1880 à Cannes (sud-est) quand les frères anglais Renshaw, plusieurs fois vainqueurs de Wimbledon, ont eu l'idée de recouvrir leurs courts en herbe d'une fine pellicule de poudre provenant du broyage des pots en terre cuite défectueux fabriqués près de là, à Vallauris. La recette sera conservée et améliorée au fil des ans.

Pour être parfaits fin mai, les terrains sont refaits à neuf tous les ans à la fin de l'hiver. "On appelle çà +casser les courts+: nous commençons par passer, avec un tracteur, une herse alternative qui laboure finement la terre sur huit centimètres de profondeur" explique, tout sourire sous son casque de cheveux blancs, Gaston Cloup, 53 ans.

Ces huit centimètres sont constitués de "craon", une fine terre calcaire blanche extraite depuis des années dans la même carrière de Saint-Maximin, dans l'Oise, au nord de Paris.

Le dessus du panier

Après treize passages successifs de rouleaux et de rabots, pour l'égaliser, les terrains sont prêts pour l'épandage, à la pelle, d'une fine couche de poussière de briques et de tuiles pilées: c'est à elle que les courts de Roland Garros doivent leur fameuse couleur ocre.

"Nous utilisons un mélange de brique du Nord, plus grasse, et de tuiles du Sud, plus sèches" précise Gaston Cloup. Pour Roland Garros le fournisseur, la société "Supersol", réserve le dessus du panier. "Ils changent les dents de leurs broyeuses toutes les semaines. Les premières tonnes broyées, les meilleures, ils les mettent de côté en disant: +Ca, c'est pour Gaston !+"

Sous le craon on trouve une épaisse couche de mâchefer, résidus de houille récupérés dans les centrales à charbon, posée sur un lit de gravier. "Tous les soirs après les matches, on arrose les courts jusqu'à obtenir des flaques" ajoute M. Cloup. "Dans la nuit, l'eau traverse le craon. Stockée par le mâchefer, elle va remonter le lendemain, par capillarité, et garantir la souplesse des courts".

Avant l'épandage du rouge Gaston et ses hommes mélangent à la brique pilée un peu de chlorure de calcium, un sel qui en fondant aidera à garder l'humidité en surface.

Aux quatre coins du monde

Après trois couches de rouge, avec arrosages et damages successifs, les courts sont prêts. Pour le marquage des lignes, il faut gratter pour parvenir au calcaire, passer de l'huile de lin recuite qui durcit et sert de support à la peinture blanche, elle-même recouverte d'un fin vernis pelliculé.

A quatre jours des premiers matches Gaston court d'un court à l'autre, talkie-walkie au côté. Il travaillait chez un fabriquant de terrains quand il a été embauché, en 1990, par la Fédération française de tennis pour superviser les terrains de Roland Garros.

"Avant çà, j'étais chez un paysagiste, et avant encore, à la ferme... Je retrouve dans mon métier qui n'a pas vraiment de nom des pratiques d'agriculteur: y'a des fois où faut faire les choses, et des fois où faut pas les faire..."

Il doit à son expérience d'être appelé aux quatre coins du monde pour conseiller clubs et tournois. "Les joueurs sont toujours contents de revenir à Paris... Je vais peut-être paraître prétentieux, mais ce sont eux qui nous disent que c'est la plus belle terre du monde. Ils disent: +c'est du billard, du velours, de la moquette+. Mon cauchemar, c'est le faux rebond... Mais on n'en a pas".