La Coupe du monde ne fait pas que des heureux. Si le drame des qualifications fait toujours parts égales entre vainqueurs et perdants, on a l’impression cette année d’être touché plus qu’à l’habitude en raison du choc encaissé par les pays éliminés. Italie, Chili, Algérie, même les États-Unis... Pour plusieurs, ça prend des proportions telles qu’on en oublie presque la blessure à Carey. Du coup, il ne reste plus qu’à contempler, comment diantre cela a-t-il pu se passer?

 

Soit dit en passant, l’empathie soudaine pour ces nations qui n’iront pas en Russie découle certainement des liens qu’on entretient avec les diverses communautés culturelles montréalaises. Or, pour un amateur de ballon rond, il y a quelque chose de particulièrement étrange à ce que le rendez-vous qu’on se donne à tous les quatre ans se déroule cette fois sans la Squadra Azzurra.

 

On a beau être habitué à cette réalité quand on s’intéresse au soccer canadien, demander à son collègue de travail italien pour qui il va prendre lors de la Coupe du monde en Russie, ça ne se fait pas... Pas tout de suite, en tout cas (de toute manière, je mets un petit 2 $ qu’il vous répondra qu’il ne la regardera pas).

 

Les larmes de Gigi

 

Échec tactique 

 

La cause directe de l’élimination de l’équipe italienne, c’est son incapacité à marquer en 180 minutes de jeu contre la Suède. Cette performance déconcertante n’était que le résultat du jeu stérile des hommes alignés par Gian Piero Ventura tout au long des qualifications, une équipe n’ayant marqué que trois fois lors des six derniers matchs de cette décevante campagne.

 

L’entraîneur italien porte une bonne partie du blâme pour l’échec des Azzurri, car on croit cette équipe capable de beaucoup plus en attaque que ce qu’elle nous a démontré. On peut notamment se questionner sur l’efficacité du système employé - le 3-5-2 - vu les difficultés à créer dans l’axe et la piètre qualité des centres en provenance de l’aile gauche. Avait-on besoin de trois heures de soccer sans but pour comprendre que Matteo Darmian n'est pas un défenseur à vocation offensive?
 

Par ailleurs, on déplore aussi l’entêtement de Ventura à donner la priorité à son système de jeu, plutôt que de trouver un schéma qui permettait à ses éléments les plus talentueux de s’exprimer. On pense ici à Lorenzo Insigne, l’attaquant napolitain qui n’aura joué que 14 des 180 minutes face à la Suède (aucune lors du match retour). Il y a de quoi rester pantois, quand on considère que la position privilégiée d’Insigne à Napoli est justement à l’aile gauche.

 

Il faut toutefois remarquer que les variantes tactiques de nature offensive (3-4-3 et 4-2-4) n’avaient pas souri à Ventura plus tôt durant les qualifications. On se souvient particulièrement d'une leçon offerte par l’Espagne, laquelle avait fortement secoué la Squadra Azzurra au mois de septembre. Mais face à des Suédois repliés dans leur camp qui n’avaient que 25% de la possession, on doit à nouveau s’interroger sur le manque de flexibilité de Ventura. Y avait-il un véritable danger à remplacer un de ses trois arrières centraux par un animateur de jeu plus haut sur le terrain? C'est à se demander si Ventura comptait sur une passe décisive de Chiellini ou Barzagli?

 

Développement du talent 

 

La première absence de l’Italie à la Coupe du monde depuis 1958 entraînera une remise en question nationale que l’on compare déjà à celle que les Français avaient effectuée après l’élimination dramatique à aube de la Coupe du monde 1994.

 

Outre le manque de créativité dont on a déjà parlé, ce qui m’est apparu manquer le plus grandement à la Squadra Azzurra, c’est un attaquant de pointe de calibre international. Le genre de bombardier qui masque les failles d’une équipe qui maintient tout de même une bonne capacité à défendre. L’Italie a toujours produit ou compté sur des attaquants aptes à faire la différence en équipe nationale: Paolo Rossi, Roberto Baggio, Vieri, Inzaghi, Del Piero... Comme n'importe où sur la planète foot, on aura toujours droit à des générations plus talentueuses que d'autres, mais à la lumière de ce qu'on a vu dans l'équipe de Ventura, il semble qu’on soit dans un creux de vague dans ce département.

 

La période de contemplation qui s’annonce pour le calcio durant les quatre prochaines années portera certainement sur la qualité du développement des espoirs dans les catégories inférieures. Le déclin observé par l’Italie depuis sa participation à la finale de l’Euro 2012 face à l’Espagne est inquiétant. D’ailleurs, question d’observer le développement récent des joueurs les plus prometteurs, je me suis amusé à comparer les formations respectives des équipes espoir de ces deux nations, lesquelles s’étaient justement affrontées lors de la finale de l’Euro 2013 des U21.

 

Ce qu’on y constate, dans un premier temps, c’est que l’Espagne compte aujourd’hui plus de joueurs occupant une place importante au sein de leur équipe nationale: Isco, Morata, Koke, Tiago et De Gea, tandis que l’Italie a plus de mal à bien intégrer ses joueurs talentueux : Verratti, Insigne et, dans une moindre mesure, Immobile. Soulignons que ce changement de garde au sein de la Roja s’est effectué durant les dernières années, notamment après une Coupe du monde 2014 complètement ratée. 

 

Enfin, il faut aussi mentionner que le modèle espagnol mise sur des principes de jeu qui n’ont pas grandement changé depuis plus d’une décennie, ce qui facilite l’acclimatation des nouveaux éléments. À ce chapitre, les Italiens et leurs dirigeants ont sans doute besoin de procéder à un exercice d’introspection. Il s’agit surtout de déterminer ce qu’on souhaite pour l’avenir. Le modèle napolitain de Sarri, ou le retour à la rigueur de Sacchi?

 

Malgré la longue période de deuil qui s’annonce pour les Azzurri, ce moment où l’on touche le fond du baril peut être nécessaire afin de rebondir et de renouer avec le succès que cette équipe s’était habituée à connaître. Avec sa culture footballistique développée et sa fierté meurtrie, l’Italie compte sur un terreau fertile pour semer les graines d’une réussite prochaine. En attendant, il reste toutefois à choisir qui encourager pendant le tournoi qui se déroulera en Russie cet été.