MONTRÉAL – Impact qui rit, Impact qui pleure. Depuis le début de la saison, la troupe de Mauro Biello met en scène sa propre adaptation de ce vieux poème de Voltaire dans lequel l’auteur explore la fragilité du bonheur par les tribulations d’un protagoniste qui passe continuellement de la déprime à la sérénité.

C’est un peu ça, jusqu’ici, la saison du onze montréalais. Un vague à l’âme inexplicable dont il ne s’extirpera pas avant d’avoir été pincé par le fouet du désespoir. Un éclair de génie passager qui le mènera éventuellement dans les affres de la complaisance. Le beau ne dure jamais.

Le match de samedi dernier contre les Whitecaps de Vancouver en est le plus récent exemple. Pour une rare fois, l’Impact a assuré dès le départ. Après dix minutes, il menait 1-0. Mais plutôt que de saisir l’occasion d’achever une proie haletante, il a laissé l’adversaire retrouver son souffle. Quand, une fois les rôles renversés, l’Impact s’est réinscrit dans la course, il était trop tard.

Enfin, lorsque j’envisage
Dans ce malheureux séjour
Quel est l’horrible partage
De tout ce qui voit le jour
Et que la loi suprême est qu’on souffre et qu’on meurt
Je pleure

« C’est ce qui m’a le plus déçu, admettait Biello cette semaine. Pourquoi est-ce qu’on décide de jouer seulement après avoir pris un but? Pourquoi on baisse d’intensité après avoir marqué? C’est quelque chose qu’on doit améliorer. »

« C’est un peu notre identité depuis deux ans, a ajouté l’entraîneur dans un constat d’une froide lucidité. C’est quand les choses sont difficiles qu’on commence à pousser et à jouer. On ne peut plus accepter ça. Il faut être comme ça tout le temps. »

C’est donc dans l’espoir de voir son équipe fournir un effort constant, sans égard aux ambitions de l’adversaire ou à la réalité du tableau indicateur, que Biello mènera ses troupes à Washington samedi. L’Impact (1-3-4) tentera de décrocher une première victoire sur la route dans l’antre du D.C. United (3-3-2).

« Ça a été le plus gros sujet de discussion cette semaine à l’entraînement, avoue le défenseur Kyle Fisher. Il y a eu des moments où on a complètement dominé l’adversaire pendant 45 minutes, d’autres où on a été en contrôle pendant 80 minutes, mais il y a toujours eu des moments d’égarement qui nous ont coûté cher. C’est ce qu’il faut enrayer. »

« Pour moi, tout est dans les détails, poursuit Biello. Quand tu joues avec intensité, tu fais toujours attention aux détails. Il faut aller chercher ça tout le temps. On en parle souvent : lorsqu’on compte ou lorsqu’on encaisse, il faut augmenter l’intensité. Ce n’est pas le temps de tricher et penser que les choses sont correctes. »

Même si l’espoir se fait chaque semaine de moins en moins perceptible, l’Impact peut s’inspirer de son dernier passage dans la capitale américaine pour se convaincre que la mission qui l’attend n’est pas impossible. En octobre dernier, un Bleu-blanc-noir en pleine confiance était débarqué au RFK Stadium en prétendant et en était ressorti conquérant, fort d’une victoire de 4-2 qui le qualifiait pour la demi-finale de l’Association Est.

Quand, sans regretter mes beaux jours
J’applaudis aux nouveaux amours
De Cléon et de sa maîtresse
Et que la charmante amitié
Seul nœud dont mon cœur est lié
Me fait oublier ma vieillesse
Cent plaisirs renaissants réchauffent mes esprits
Je ris

« Les matchs se suivent, mais ne se ressemblent pas, prévient toutefois Ambroise Oyongo. L’année dernière, c’était autre chose. Là, ils viennent de gagner un match, nous on vient de perdre. On essaie d’éviter ce doute, mais ils sont en confiance. Je pense que ça sera un tout autre match. »

« Tout le monde doit défendre, tout le monde doit attaquer »

Fisher, qui n’avait pas fait le voyage et qui avait donc regardé ce match avec des coéquipiers dans un appartement de Montréal, obtiendra selon toute vraisemblance un deuxième départ consécutif en remplacement d’Hassoun Camara, affligé par les symptômes d’une commotion cérébrale.

« Je suis sûr que certains gars vont en faire mention dans le vestiaire, dit Fisher. Si on s’apprêtait à affronter l’équipe qui nous a sortis des séries, on en parlerait. Mais c’est une autre année. On verra ce qui restera de ce rendez-vous une fois sur le terrain. »

« Honnêtement, je pense seulement au match qui vient, affirme Biello. Je sais qu’on les a affrontés dans les séries  et une autre fois en présaison, mais pour nous, l’important, c’est de rebondir de notre match contre Vancouver. Oui, on regarde le classement et on n’est pas satisfait de notre position, on sait qu’on pourrait être plus haut. Mais on affronte une équipe de l’Est et c’est très important qu’on aille chercher des points. »

Des points, l’Impact en a arraché dans trois des cinq matchs qu’il a joués sur la route cette saison. Cette fois, il tentera d’obtenir un résultat positif sans la présence de son attaquant vedette Matteo Mancosu, qui amorce une période de convalescence de six à huit semaines. Biello est resté étanche quant aux détails de son plan de contingence. Le vétéran Dominic Oduro et le jeune Anthony Jackson-Hamel sont logiquement les deux alternatives à la base de son dilemme.

« Dzemaili a hâte de venir ici pour nous aider »

Comme l’Impact, D.C. United est sous la ligne rouge dans le classement de l’Association Est, mais ses perspectives de succès sont en hausse depuis un mois. L’équipe dirigée par Ben Olsen a attendu son quatrième match pour inscrire son premier but, mais elle montre une fiche de 3-1-1 à ses cinq dernières sorties.

La semaine dernière, DCU est revenu de l’arrière pour s’imposer sur le terrain du Atlanta United FC, le seul club que l’Impact a pu vaincre cette saison.

« Je m’attends à une équipe en pleine confiance, révèle Fisher. Mais dans cette ligue, n’importe qui peut battre n’importe qui. Il faut simplement croire en nous et bien jouer. »

« Ça ne sera pas un match facile, mais ça prend des matchs difficiles pour pouvoir progresser », croit Oyongo.

Nous serons tous un jour des esprits glorieux
Mais dans ce monde-ci, l’âme est un peu machine
La nature change à nos yeux
Et le plus triste Héraclite
Redevient un Démocrite
Lorsque ses affaires vont mieux